Fernando de Amorim
Biarritz, le 18 août 2025
La théorie aquatique reconnaît l’océan inconscient qui habite l’être humain et que ce dernier méconnaît. Bien que Moi soit une île dans cet océan, il se prend pour un continent, voire pour la planète toute entière.
Dans une psychothérapie, le Moi cherche à se réinventer. Autrement dit, rien de nouveau : aucune transformation, aucune construction. Dans une psychanalyse, le Moi est poussé pour que l’être puisse passer et ainsi construire sa position de sujet. Devenir sujet est ce qu’il y a de plus honorable pour un être humain.
L’être a une intimité avec l’Autre barré quand il fréquente des adultes, voire des êtres dans la position de sujet. Une enseignante raconte en séance qu’un élève lui a dit qu’elle n’est pas adulte. L’interprétation de cet enfant est validée, courageusement, par l’enseignante qui est aussi psychanalysante. Elle donne l’apparence d’être adulte, parfaite aux yeux du Moi enfantin, mais l’être de l’enfant a déjoué et dénoncé la mascarade. Les adultes ne sont pas parfaits : ils font semblant et le semblant est l’apparence du parfait.
Chez le psychanalysant normal, celui qui est en psychanalyse mais qui ne désire pas devenir psychanalyste, son Moi s’adresse à ses organisations intramoïques, surtout à l’Autre non barré. Si le Moi pose une question à lui-même, il ouvre la voie pour que l’être prenne le relais – puisque celui-ci se trouve à l’extérieur du Moi, à gauche de la partie inconscient du Moi – et ainsi s’adresser à l’Autre barré, qui est à l’extérieur de l’appareil psychique (cf. schéma). Si l’être ne se dérobe pas dans son voyage maritime vers l’Autre barré, il se dépouillera de ses oripeaux imaginaires offerts par le Moi et, nu tel saint François d’Assise, il arrivera jusqu’à l’Autre barré pour se charger de signifiants barrés. En quittant ce locus de vérité sur le désir de l’Autre non barré qui a conduit sa destinée jusqu’à présent, l’être repart castré de l’Autre barré et chargé des signifiants castrés vers la bouche humaine. Ce qui sortira de sa bouche, ce sera des paroles vraies. Du point de vue de l’appareil psychique, l’être traverse et donc castre l’Imaginaire.

Pour l’être qui désire devenir psychanalyste, l’être barré et chargé des signifiants traverse le Moi, ce qui a pour effet de barrer ce dernier, et ouvre ainsi, tel un canal de Panama, une voie pour la libido circulant entre les roches qui composent le Moi. Ce sujet devient psychanalyste et maintient cette voie libidinale ouverte à la circulation en nettoyant la sédimentation imaginaire qui s’installe au fond du canal. C’est à ce travail que les psys se sont refusés et que les analystes se sont dérobés. Le résultat de cette dérobade est que le bateau psychanalyse est toujours en latence, en attente d’un marin apte à prendre sa barre. Pour cela, il est nécessaire d’être psychanalysant, de prouver qu’on est devenu sujet et de continuer sa psychanalyse. Depuis Freud, tous les noms de la psychanalyse ont brillé par leur Moi, jamais par l’être barré. Je vise à changer cette stratégie subjective, clinique et scientifique.
Repenser ou critiquer la psychanalyse sans savoir de quoi elle est faite est une preuve de lâcheté, d’ignorance, voire de stupidité, portée par la haine du désir. Comment donc critiquer un bateau dans lequel le capitaine n’a pas fait sa circumnavigation ? La psychanalyse fera un jour sa circumnavigation grâce au psychanalysant et au supposé-psychanalyste devenu psychanalyste.
Les effets d’une psychanalyse se jugent à chaque séance, jusqu’au moment où le psychanalysant normal quittera définitivement, car devenu sujet, le divan du supposé-psychanalyste. Quant au supposé-psychanalyste, si la sortie de psychanalyse est validée, il deviendra psychanalyste, de cette cure. Le psychanalyste, quant à lui, ne saura jamais s’il est ou non psychanalyste. C’est sa destinée, capitaine de vaisseau fantôme, de Hollandais volant. Il ne touchera jamais terre. Sa fonction est de faire des traversées.
Comme n’importe quel traitement, une psychanalyse – et non la psychanalyse – doit être jugée sans pitié. Il ne faut pas l’accabler avant son commencement, ni pendant la navigation psychanalytique. À la sortie uniquement. J’ouvre ici la voie pour que le détracteur de la psychanalyse puisse la critiquer sans se sentir obligé de se mouiller, autrement dit de faire sa propre circumnavigation.
Repenser la position du clinicien (I)
Repenser la position du clinicien (II)
Repenser la position du clinicien (III)
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