Fernando de Amorim
Biarritz, le 23 août 2025
Faire comme, c’est faire semblant et le semblant engage le Moi, non l’être. C’est avec l’être sur la voie de l’Autre barré que le psychanalyste compte, car c’est sur cette voie que l’être peut devenir sujet, peut-être même devenir psychanalyste, si son désir est de la partie. La voie du Moi accouche d’un Moi fort, un Moi cerbère de ses propres organisations intramoïques, un Moi haineux, faible, envieux, un Moi serviteur d’un autrui. Cette voie est utilisée par les techniques de dressage et les faiseurs de miracles.
Comment penser – voire repenser – la psychanalyse si, à aucun moment, la position du psychanalyste n’est évoquée dans la réflexion ? D’ailleurs, comment avoir une réflexion sur la psychanalyse si celui qui est censé réfléchir sur la psychanalyse la présente en tant qu’analyse et se dit lui-même tantôt analyste tantôt psychanalyste, ou encore tantôt universitaire tantôt psychanalyste et psychologue clinicien ou psychiatre-psychanalyste ?
L’analyste n’a pas de préjugés parce qu’il n’est pas responsable de son action. Il ne sait pas ce qu’il fait. C’est un innocent.
Celui qui fait science en psychanalyse, c’est le psychanalysant à l’œuvre, c’est le sujet en action. Celui qui fait science en biologie, c’est la souris ; mais comme elle ne sait pas témoigner des résultats, c’est le scientifique qui interprète. Celui qui fait science en physique, c’est l’électron ; mais comme il ne parle pas, c’est aussi l’interprétation du Moi du scientifique qui apporte le résultat de l’action de son Moi sur le Réel. Impossible donc d’exiger que la psychanalyse utilise le même modèle scientifique que la biologie ou la physique. C’est aux psychanalystes et à d’autres savants qu’il revient d’étudier comment la psychanalyse peut occuper cette place bien méritée de science.
Il serait merveilleux qu’elle puisse compter avec les cliniciens qui se dédient à son étude. Cependant, pour que cette aide soit impeccable, il est nécessaire que le clinicien occupe la position de sujet, en sortant de psychanalyse, qu’il soit reconnu psychanalyste après témoignage publique (et non entre copains de la même école), et qu’il continue, même après, à occuper la position de psychanalysant jusqu’à la fin de son exercice professionnel.
La psychologisation de la psychanalyse est le résultat de la lâcheté de l’être du praticien. Il sait ce qu’il doit faire et s’accommode en vendant au plus offrant ses titres universitaires, et son honneur avec. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à siéger dans les comités scientifiques de revues qui visent la formation psychanalytique. Mais cela est connu. Les coucheries avec des patientes et les revenus non déclarés font que la psychanalyse n’est pas reconnue pour ce qu’elle apporte à la santé mentale de la population et, financièrement, aux coffres publics. Ce festival d’ambiguïté est propre au Moi, même celui de l’analyste. Pourtant, ce dernier a perdu, en s’approchant de la psychanalyse, le droit à la déconnade.
Inutile d’évoquer la croyance en la toute-puissance de l’homme car, en tant que psychanalyste, il est question de la croyance du Moi en de la toute-puissance du Moi de l’homme. Insister sur le savoir inconscient, c’est ne pas savoir que l’inconscient n’est que la libido agitée avec des signifiants et affects en cascade. Pendant que j’écris ces lignes, j’entends de ma fenêtre le bruit assourdissant des vagues qui s’écrasent sur les rochers de la Grande Plage à Biarritz. Il ne s’agit donc pas de savoir inconscient mais de savoir de l’Autre non barré, quand il y a désordre dans le verbe, et de savoir vrai, celui qui vient aux lèvres sous forme de paroles bien dites et que j’affirme être le fruit de l’Autre barré. Il n’existe pas de subjectivité singulière. Ce que je constate, c’est la singularité du psychanalysant et la subjectivité de ce dernier quand il signe sa sortie de psychanalyse.
Repenser la position du clinicien (I)
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