Fernando de Amorim
Biarritz, le 15 août 2025
L’interprétation juste, celle qui pousse la cure vers l’avant, qui produit la métamorphose – au sens ovidien – consiste en ce que l’être devienne sujet. Une telle interprétation sort de la bouche du psychanalysant : sous forme de rêve, de fantasme, de symptôme, de maladie, de passage à l’acte. Bien évidemment, l’interprétation seule ne compte pas. C’est la construction à partir de l’interprétation qui est importante ; sinon il ne saurait être question d’interprétation mais de signe, ce qui viendrait indiquer que le Moi est encore maître des manœuvres. Les psychiatres sont pris dans la logique étymologique qui leur fait croire qu’ils sont ἰατρός de la ψυχή. Ce qui n’est en aucun cas le cas. La médecine et la biologie s’occupent de la vie. Puis, au fur et à mesure, les médecins ont pris part au débat social, psychique des humains.
La psychanalyse ne s’occupe pas de la vie de l’humain, même si elle s’appuie sur la vie, la biologie de l’humain. D’où l’importance d’une clinique du partenariat, car il est impossible qu’un médecin puisse prendre en charge l’organisme d’un être humain ainsi que son corps et son psychisme. Jusqu’à présent, ce discours rendant le médecin capable d’opérer, en plus du champ de l’organisme malade, dans celui du corps humain et de la souffrance psychique humaine, sans oublier le social, a tenu dans l’imaginaire de la population et des médecins parce que personne n’est venu mettre en évidence que nul ne sait sur l’organisme, le corps et le psychisme humain. Des théories ont été élaborées, avec plus au moins de succès, telle la psychosomatique ou les techniques de dressage du type TCC.
La vaccination, la chirurgie ophtalmologique et tant d’autres avancées ont apporté des améliorations évidentes pour l’organisme malade. Cependant, ces progrès ne constituent qu’une résolution partielle du problème organique et n’accèdent pas à la problématique de l’être. La psychanalyse vise à ce que l’être, dans la position de malade, de patient ou de psychanalysant, puisse devenir, si tel est son désir, sujet et ainsi être apte à construire sa responsabilité de conduire aussi sa destinée. Un tel projet se trouve au-delà de l’intention et de la compétence épistémologique de la physique, de la biologie, de la médecine. Pourtant, à aucun moment la psychanalyse n’a exclu l’importance desdites sciences. La libido nourrit le psychisme, le corps et l’organisme humain. Or, personne ne peut accéder à la libido, tout comme aucun être humain ne peut accéder à l’étoile Sirius. Pourtant, elle existe. La libido, je le suppose, nourrit psychiquement le fantasme, le délire et le symptôme psychique ; elle nourrit aussi le symptôme corporel et, enfin, elle déclenche des maladies organiques et des passages à l’acte quand sa voie de circulation est bloquée. Comment apporter la preuve de ce que j’affirme ? Il faut s’adresser à celui qui souffre psychiquement, corporellement et organiquement et entendre son interprétation quand il occupe la position de psychanalysant.
Que chaque clinicien se méfie de mon hypothèse, mais qu’il attende que l’interprétation tombe comme un fruit mûr et prouve, ou non, ce qu’ici j’affirme. Ce que j’avance est fruit des pensées dites par des psychanalysants. Ces pensées se sont agglutinées en idées. L’idée est l’image fixe dans le mental, dans la mémoire, ce qui évite l’embarrassante âme ; la pensée, elle, est l’image dynamique, prête à être dite ; le mental est, depuis la fin du XIVe siècle, un locus, ce qui évite l’embarrassant esprit ; quant à la mémoire, présente déjà au milieu du XIe siècle, elle est le champ mental des souvenirs. L’idée est une agglutination propre au Moi. Une psychanalyse se fait avec des pensées fraîches et non des idées réchauffées, comme le font les analystes jusqu’à présent. De là l’importance qu’ils retournent sur le divan pour ainsi honorer leur propre désir, ce qui fera de la psychanalyse une science à part entière.
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