Fernando de Amorim
Paris, le 1er septembre 2025
Une culture ne peut pas exprimer sa différence car une culture, qu’elle soit de patates ou humaine, se caractérise par une lecture de masse. La psychanalyse apporte une proposition civilisationnelle : que l’être en devenant sujet puisse, avec un autre sujet, construire une civilisation humaine, ce qui n’est pas encore le cas, et je ne vois vraiment pas comment cela pourra se mettre en place chez des mammifères guidés par leur Moi.
Le désir ne se tient pas entre un Moi et un autrui de sexe différent. La raison en est que le désir tient chez un être désirant désirer. Dans cette position, cet être occupe la position de sujet, position qui est rare. La libido n’est pas masculine, elle est dynamique. L’être d’une femme ne se sent pas fondé dans son existence, sauf si elle est psychanalyste et qu’elle continue sa psychanalyse, occupant ainsi la position du Hollandais volant, ce qui d’ailleurs la sauve. La libido n’est donc pas masculine à la sortie de psychanalyse, dans la position de sujet car dans cette position le sujet occupe une position féminine, indépendamment du fait d’être homme ou femme. La femme, comme l’homme, qui prend une position phallique ne fait pas couple et amène ledit couple à la mort, ainsi que l’illustre si bien cette conversation entre Nancy Astor et Winston Churchill.
Énervée contre Winston, Nancy lui lance : « Si vous étiez mon époux, je mettrais du poison dans votre thé. »
Winston : « Si j’étais votre époux, je le boirais ! »
L’analyste qui interprète à partir des contes et des mythes n’apporte pas aujourd’hui les éléments fondamentaux pour soutenir la psychanalyse en tant que science. Blanche‑Neige n’est pas une référence pour la psychanalyse. Elle n’a pas d’identité féminine. Elle n’est évidemment pas sujet. Elle est puissante dans l’imaginaire du Moi de l’analyste, surtout si l’analyste pense que, en tant que sujet, Blanche‑Neige est reine. Une reine n’est pas sujet.
Il est nécessaire de lire Freud en respectant l’avancée de sa pensée. Commenter le Freud de 1938 avec le Freud de 1905, c’est ce que fait le professeur de psychologie. Pour cette raison, la psychanalyse à l’université est immangeable. Mais il y a pire : lorsqu’un professeur de faculté proclame son intention de munir les psychologues avec les armes de la psychanalyse. Je m’étais alors exclamé : « Carnage assuré ! »
L’analyste, par sa lâcheté à construire son désir, n’évite pas ce qu’il refuse pourtant consciemment, à savoir modeler l’analysant à son image. En le reconnaissant en tant qu’analysant, il signe son refus de laisser l’être devenir sujet car, en abandonnant sa psychanalyse personnelle, le psychanalysant ne devient pas psychanalyste : il devient analyste, il retourne dans l’embouchure (cf. Carte des trois structures). Comment un Moi qui est accroché à son confort imaginaire pourra-t-il assurer une circumnavigation ? Il ne peut qu’assurer des psychothérapies analytiques, ou assurer des navigations côtières, l’autre nom de l’analyse.

L’essence dynamique de la libido, agissant sous forme de courant (dynamique féminine) ou de vent (dynamique masculine), enseigne au clinicien que ces deux formes propulsent l’être vers la position de psychanalysant et, depuis cette dernière, vers la position de sujet.
Le père et la mère ne sont pas des objets d’étude et d’opération psychanalytique. Il est plus que nécessaire que la psychanalyse prenne ses distances avec la psychologie, l’anthropologie, la philosophie, la sociologie et les interprétateurs officiels.
Pour cette raison, je n’évoque pas la mère, mais le Moi de la mère. Moi qui est, à son tour, cerbère des organisations intramoïques. Il n’y a pas de place pour la culpabilisation en psychanalyse.
Repenser la position du clinicien (I)
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