Fernando de Amorim
Biarritz, le 30 août 2025
Traiter le sinthome comme une ouverture à une nouvelle catégorie porte toujours la marque du Moi, de la foule. Il me semble important de mettre un terme aux catégories concernant l’humain, pour la simple raison qu’il n’y a pas un individu qui puisse être rapproché d’un autre. La différence radicale est le propre de l’humain. Il n’y a pas de solution résolutoire, puisque le symptôme est une souffrance. Il ne se résout pas comme on résout un contrat. Il n’y a pas de contrat dans le symptôme : il y a tromperie, équivoque, méprise et compromis pour que le Moi puisse maintenir la tête hors de l’eau. Dans cette perspective, le sinthome concerne la psychothérapie ou l’analyse menée par un analyste et non la construction propre à la sortie de psychanalyse et à la naissance de l’être dans la position de sujet.
L’objet n’a pas valeur de lieu vide, car évoquer le mot objet suppose que ledit lieu est plein, plein de l’objet ou du mot objet. De là l’importance, dans un premier temps, de nommer rien, ce locus qui signe l’entrée dans le monde des vivants, moment où l’être a rencontré le Réel et qui a fait appel à ce qui est devenu pour lui son Moi pour donner sens à sa condition humaine. Dans un deuxième temps, l’objet rien est ce sur quoi s’appuiera le psychanalysant devenu sujet pour construire sa responsabilité de conduire aussi sa destinée.
Si l’analyste évoque un littoral du continent, il indique qu’il fait de l’analyse, l’autre nom de ce que les marins appellent navigation côtière. Autrement dit, l’analyste ne perd jamais de vue la terre, ce qui est radicalement différent de la navigation hauturière, propre à la clinique du psychanalyste qui, comme les premiers navigateurs, coupe complétement le lien avec la terre. Dans cette navigation, il vaut mieux savoir où se trouve le nord, au risque de couler, corps et biens. C’est dans ce cadre que le psychanalysant que je suis affirme que les psys ne font pas le poids et que les analystes sont loin du compte psychanalytique. Pour les deux groupes, je prescris une psychanalyse personnelle sans fin.
Si une analyse consiste en ce que quelqu’un puisse savoir pourquoi il est empêtré, j’affirme que ce savoir est le deuxième moment, le premier étant de ne plus nourrir de libido le sinthome. L’analyse, dans un premier temps, n’accouche pas d’un savoir mais d’une connaissance. C’est une opération psychothérapeutique, voire analytique, surtout pas psychanalytique.
Quelle tristesse de se penser exilé de la langue. Il est possible, grâce à sa psychanalyse, de devenir ami de la langue. J’estime, au contraire de ce que défend l’analyste, qu’il n’est pas nécessaire de se mettre dans la position d’exilé. Le Moi de l’analyste balance des trucs parfois étonnants de naïveté. Surtout quand une telle perspective – exilé de la langue – est proposée au pauvre analysant. Au nom de l’amour du transfert, le Moi de l’analysant est capable d’embarquer dans cette barque trouée.
Certes, la vérité ne peut être que mi-dite. Pas nécessaire de baiser le funeste, pas obligé de se châtier. Il y a la possibilité de construire sa position de sujet et de se débrouiller, de bricoler une solution vivante, vivable, visible pour soi, même si invisible pour autrui. Le Moi de l’analyste, parce qu’il a abandonné sa psychanalyse personnelle, ne voit que tristesse, malheur, avenir tiède. L’être de l’analyste vend une psychanalyse miteuse, mitoyenne, menteuse, parce qu’il a lâché la construction de son désir. Autrement dit, il a cédé sur son désir. Il vend une parole vide, il enseigne une psychanalyse creuse et il fait foule, foule de membres adhérés, adhérents, collants, en association. Toute foule de Moi prise dans la logique de l’Autre non barré, je la nomme populace moïque. Il n’y a pas de vide dans la structure, car la structure est la voie maritime qui mène à bon port. Le vide se trouve dans le Moi, s’il s’agit d’un Moi psychotique. Il n’y a pas de vide inhérent. Ce qui est inhérent, c’est le rapport de l’être avec le rien.
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