Fernando de Amorim
Biarritz, le 27 août 2025
Le Moi de l’analyste pense qu’il rencontre l’inconscient. Il se trompe. L’inconscient le rencontre, frappe à sa porte, demande la permission d’entrer. Le Moi fait la sourde oreille. Ensuite, il veut écouter avec la troisième oreille. Il faut d’abord qu’il débouche celles que, tout naturellement, il possède déjà. Sans accueil, le refoulé signifiant passant par l’Autre non barré ou sous forme d’acte passant par la résistance du Surmoi lui tombe dessus. Il n’y a pas de démocratie dans l’appareil psychique ; il y a des poussées, des expressions possibles, voire à la va-comme-je-te-pousse, sans oublier les compromis innombrables du Moi.
Il n’existe pas de dérives de la pensée, il y a des dérives du Moi et de ses organisations intramoïques. La pensée n’a pas d’intention, sauf lorsqu’elle passe dans le registre de la partie consciente du Moi.
Dans ma métaphore, l’inconscient est l’océan. Il produit le courant, la vague, pas les signifiants. Les signifiants sont poussés par le courant, par la vague. La partie inconsciente est la situation infantile et la partie consciente la situation présente. Il est impossible que la situation infantile parvienne sans contamination dans le discours actuel du psychanalysant. Pour cette raison, le clinicien se limite à faire en sorte que le psychanalysant devienne sujet. Il n’a pas à s’inquiéter du matériel dit tant que ce dernier ne pousse pas le bateau vers la sortie de la psychanalyse. Évoquer une perspective est un excellent exercice de connaissance du Moi, mais n’a cependant rien de psychanalytique. La prise en compte de la perspective comme objectif final me semble insuffisante pour évoquer l’opération d’un clinicien contaminé par le discours psychanalytique en institution et en ville. Pour quelle raison ne pas faire appel à ma cartographie ? Parce que, comme me l’avait dit le Moi d’une analyste : Vous êtes un peu pestiféré, non ? Ce qui est vrai.
La recherche en psychanalyse ne concerne pas le hasard, mais le signifiant, le maniement du transfert, le rapport de l’appareil psychique avec le Réel.
Avec Freud, je crois au hasard extérieur et je ne crois pas au hasard intérieur, jusqu’à ce que ce dernier soit interprété par l’être dans la position de psychanalysant, uniquement par lui et uniquement dans cette position. Hors de cette position, il n’y a que des interprétations du Moi, qui sont donc imaginaires.
La rencontre avec l’inconscient est une formule candide. Si je pouvais me passer de la rencontre avec mon vécu infantile, mon Œdipe, la castration nécessaire, la rencontre avec l’amour et la haine, je m’en passerais bien volontiers. Ce qui coince, c’est que l’humain ne peut pas se passer d’être remué par l’inconscient ni se passer de son intrusion signifiante (inconscient) ou libidinale (Inconscient). Les autistes et les morts font de leur mieux pour l’éviter, mais seuls les seconds réussissent pour de vrai. Il n’y a pas de rencontre avec l’inconscient, il y a imposition du matériel inconscient sur le Moi, sur l’être. Maintenant, reste la question : comment se débrouiller – ou, mieux encore, se démerder – pour surfer, ou au moins maintenir la tête hors de l’eau dans le vie de tous les jours ? Cette remarque s’impose car, depuis ma fenêtre, je regarde les surfeurs prendre les vagues qui font suite à la tempête de la veille. Ils rament pour entrer dans la mer déchaînée, rament pour prendre une vague, rament pour revenir à la surface une fois tombés de la vague et, dans la mousse abondante qui les entoure, font de leur mieux pour maintenir la tête hors de l’eau ; sinon, c’est la noyade. Je pense ici à Greg Noll et à Jeff Clark, les surfeurs des vagues géantes qui, sans artifice – bateau ou jet sky pour les aider à prendre la vague – surfaient des géantes grâce à la puissance de leurs bras et à leur dextérité. C’est ici que je reconnais la position du psychanalyste : il brave la tempête grâce à sa psychanalyse personnelle et sa solide formation clinique et théorique, au lieu d’être poussé par son Moi ou par le désir de l’Autre.
Repenser la position du clinicien (I)
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