Fernando de Amorim
Biarritz, le 24 août 2025
Avoir été en analyse avec Lacan n’est ni une garantie ni un passe-droit, surtout pas une attestation de compétence. Cela vaut aussi pour le fantasme qu’être proche parent ou coucher avec un analyste ouvre les portes de l’inconscient structuré comme un langage.
C’est le rapport de l’être à l’Autre barré qui indiquera, par son action clinique et son action au quotidien, si la psychanalyse a réussi à produire un sujet, ou non. Je rappelle au lecteur que ce n’est pas la faute du bateau si ce dernier échoue sur un banc de sable. Il ne faut pas repenser la psychanalyse mais la technique, la méthode ainsi que le savoir-y-faire de celui qui veut manier la barre du vaisseau.
Passer de la position de patient à celle de psychanalysant n’est pas un processus symptomatique : c’est un processus sublime. Cette tendance à psychopathologiser la vie quotidienne est l’acte du Moi souffrant. Pour éviter cette souffrance du Moi de l’analyste, il me semble que l’indication freudienne invitant le clinicien à continuer sa psychanalyse est une excellente proposition de thérapeutique et de prévention de la santé du psychiste, ainsi que de l’analyste. Le psychanalyste, quant à lui, sait déjà qu’il se doit de continuer sa psychanalyse personnelle pour ne pas risquer de retourner dans l’embouchure analytique.
Une identification n’est pas ordinaire ou spéciale. Elle est la preuve que le Moi mène la barque de la psychanalyse et non que l’être barré est guidé par l’Autre barré. Se séparer d’une aliénation en s’emparant, en se parant, d’un signifiant de l’autre est toujours une opération imaginaire.
Une psychanalyse ne produit pas de décisions mais des choix. Le Moi décide, l’être choisit. C’est en choisissant que l’être devient sujet. Pour cela, il est nécessaire qu’il abandonne cette position d’être qui vivote au quotidien, qui survit à peine, qui vit uniquement. La psychanalyse propose que l’être, en devenant psychanalysant, puisse devenir sujet. Sujet et non assujetti. J’y reviendrai.
La pulsion chez Freud n’a rien à voir avec l’anatomie. Pour repenser la psychanalyse, il est nécessaire de revoir la copie des mots utilisés. La pulsion ne concerne pas les organes ; la libido, si. En gardant à l’esprit que pulsion et libido sont des hypothèses. Affirmer des hypothèses à tout bout de champ, sans jamais conclure, devant une assemblée sérieuse, déclenche un rire général. Or les hypothèses freudiennes sont devenues des théories, des cartes qui servent à guider les navigateurs sur l’océan nommé inconscient.
En institution, les malades en médecine et en chirurgie m’ont pris par la main pour indiquer la distinction entre organisme et corps, ainsi que l’effort nécessaire, en s’appuyant sur le signifiant, pour pousser ledit organisme à devenir corps. Le pas suivant est celui de l’humanisation du Moi, pour que ce dernier puisse coudre l’organisme, grâce au chirurgien et au médecin, et devienne ainsi apte à parler l’organisme. C’est en parlant l’organisme que le Moi pourra corporéifier, rendre corporel, l’organisme. Il est ici question du registre imaginaire et du registre symbolique, qui visent à enrober le Réel, lequel caractérise l’organisme. L’organisme de l’enfant est celui avec lequel travaille le pédiatre, tandis que le psychanalyste opère avec le Moi de l’enfant ainsi que sa relation avec le Moi et les organisations intramoïques d’autrui, autrui nommé père, mère.
L’inconscient ne tente pas de résoudre quoi que ce soit car il n’a pas d’intention. Celui qui essaye de résoudre, c’est le Moi conscient, tandis que la partie inconsciente du Moi veut retourner à la conscience. Ce qui a été refoulé veut retourner à la superficie, par la parole, par l’affect, par le corps, par l’organisme. Sans intention.
Le masculin est la position propre à l’homme, donc porteur du pénis, porteur du phallus castré. Le féminin est la position propre au sujet, donc une fois qu’il est sorti de psychanalyse. Le féminin est porteur de la castration : il incarne la castration, indépendamment du genre.
La naissance d’un être du fait d’un homme et d’une femme est une norme universelle qui engage le Réel. L’être guidé par son maître, le Moi, installe une mère et un père dans son système Symbolique et Imaginaire. En se refusant à cette logique, l’être risque de passer à côté de son humanisation. L’invention dans les récits fantastiques du zombi, du mort-vivant ou du vampire n’est pas étrangère à cette interprétation sociale.
Le Moi a l’intention de résoudre ce qui lui échappe. Quand il n’y arrive pas, il invente. C’est avec cette logique que dansent, grossièrement, parfois grotesquement, les psys. Les analystes dansent, mais ils dansent sur le rythme d’une valse quand le rythme de l’inconscient endiablé et structuré comme un langage est caraïbéen.
Repenser la position du clinicien (I)
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