Fernando de Amorim
Biarritz, le 13 août 2025
La question au grand Autre barré est devenue fondamentale pour déterminer le positionnement de l’appareil psychique dans la cure.
J’avais signalé dans la brève précédente que les mots choisis par Heisenberg étaient incertitude, imprécision. Autrement dit, rien qui n’aille dans le sens d’une précision frôlant l’obsession. Le tout prouvé scientifiquement par un physicien de haut niveau. Comme dans n’importe quelle science, il est important de critiquer, de faire la mise au point de la loupe, de mettre sur le feu ce qui a été dit et écrit par les analystes, de Freud jusqu’à aujourd’hui. Sans passion, sans pitié épistémologique.
J’écris cela parce que les physiciens d’aujourd’hui ne parlent pas de principe d’incertitude de Heisenberg, mais de relations d’indétermination de Heisenberg ou encore d’inégalités de Heisenberg. Cette inégalité porte sur le couple de grandeurs physiques. Or, en psychanalyse, impossible de proposer de l’égalité ou de l’inégalité. La raison en est simple : un humain est radicalement différent d’un autre, même si cet autre est son jumeau monozigote. La radicalité s’installe dès sa naissance, car le premier des deux est, inévitablement, né dans un espace-temps différent du second.
L’aliénation du Moi porteur du discours scientifique est telle que, parce que le jumeau est né de la division d’un œuf fécondé unique, à savoir issu du même ovule et du même spermatozoïde, ils possèdent donc une identique information génétique. Mais, s’ils peuvent s’identifier jusqu’à l’identique, ils sont deux êtres radicalement différents.
Le Moi humain a cette tendance à s’agglutiner. D’ailleurs, il faut bien rappeler que le Moi est fruit d’agglutinations. Certes, ce qui fait un vivant, c’est sa génétique, mais ce qui fait un être humain, c’est sa position de sujet. Dans cette logique, il n’y a pas beaucoup de sujets humains sur la Terre, même s’il y a un peu plus de huit milliards de Moi humains sur la planète.
Le Moi critique des adversaires de la psychanalyse ainsi que celui des adeptes de cette dernière s’accrochent à des certitudes, comme la moule s’accroche à son rocher. Tous les deux, adversaires et adeptes, font fausse route.
Pour Heisenberg, il existe une limite fondamentale à la précision en mathématique. Pour quelle raison exiger de la psychanalyse une telle précision, au risque d’être qualifiée d’escroquerie scientifique ? Par méchanceté moïque, telle est ma réponse. Il est vrai que beaucoup de psychiatres et de psychologues n’ont pas les moyens subjectifs de devenir psychanalystes.
Les adversaires, voire ennemis, de la psychanalyse n’ont pas complétement tort dans leurs critiques. La psychanalyse, dès son début, a été la chasse gardée des analystes, c’est-à-dire des analysants qui, tout en ayant le droit de se dire psychanalystes, ont abandonné la position de psychanalysant. Un tel abandon de leur désir a ralenti le projet scientifique de la psychanalyse. Il ne faut pas se contenter de penser ou de repenser la psychanalyse : il faut avoir le courage de repenser la position de celui qui occupe la position de son représentant.
Repenser la position du clinicien (I)
Repenser la position du clinicien (II)
Repenser la position du clinicien (III)
Repenser la position du clinicien (IV)
Repenser la position du clinicien (V)
Repenser la position du clinicien (VI)
Repenser la position du clinicien (VII)
Repenser la position du clinicien (VIII)
Repenser la position du clinicien (IX)
Repenser la position du clinicien (X)
Repenser la position du clinicien (XI)
Repenser la position du clinicien (XII)
Repenser la position du clinicien (XIII)
Repenser la position du clinicien (XIV)
Repenser la position du clinicien (XV)
Repenser la position du clinicien (XVI)
Repenser la position du clinicien (XVII)
Repenser la position du clinicien (XVIII)
Repenser la position du clinicien (XIX)
Repenser la position du clinicien (XX)
Repenser la position du clinicien (XXI)
Repenser la position du clinicien (XXII)
Repenser la position du clinicien (XXIII)