Fernando de Amorim
Biarritz, le 20 août 2025
La question en psychanalyse est fondamentale. « Je me la pose [la question] » ou encore « c’est une question à moi ! » indiquent que le Moi n’a aucune intention de céder de sa position de maître des lieux. La question adressée à un autre registre que le Moi indique au clinicien que l’être est prêt à se dépouiller de ses oripeaux pour aller, nu, affamé, assoiffé, frapper à la porte de l’Autre barré. Une fois vêtu, rassasié, désaltéré avec des signifiants castrés, il parlera et cette parole indiquera au clinicien que ce n’est plus le Moi qui s’exprime mais l’être castré. À partir de là, le clinicien aura aussi l’indication que la voie de la castration est ouverte et qu’il faut élargir jusqu’à ce que le bateau de la psychanalyse puisse circuler librement.
Ce travail sera accompli par le désir de l’être et non par la volonté du Moi. Le résultat de cette opération est que lorsque l’être commencera à aller bien, il deviendra véritablement un sujet normal. La normalité est d’aller bien avec le manque ; ce n’est pas d’aller bien quand le ventre est plein, quand on ne ressent pas la soif, ou quand toute la famille est en bonne santé. Rien de ces conditions, physiologiques, économiques ou sociales n’est constant. Par conséquent, ce qui est normal, c’est de profiter du moment d’apaisement sans s’inquiéter de ce qu’il s’évanouisse ultérieurement ni de quand il se dissipera.
S’appuyer sur le rien est le propre du sujet normal. Pour identifier le pathologique, la maladie mentale, les textes sont légion. Pour donner une indication de ce qu’est la normalité humaine, pas un traité. Pour quelle raison ? Parce que les personnes qui soignent, ou qui proposent de soigner, utilisent leurs compétences professionnelles comme sublimation, voire perlaboration, de leur propre détresse psychique. Elles ne savent pas s’exprimer sur la santé mentale parce qu’elles ne la connaissent pas. Surtout, elles ne savent pas ce qu’est la santé mentale, l’apaisement corporel. Le principe est connu depuis 1910, lorsque Freud a signalé que les psychanalystes devaient continuer leur psychanalyse. Quelques années plus tard – telle est mon interprétation – constatant que les analystes ne se donnaient pas la responsabilité de la santé mentale qu’ils exigeaient de leurs patients, il a cédé et les a invités à venir sur le divan tous les cinq ans seulement. Peine perdue : les coquins se sont accrochés à l’idée d’auto-analyse pour éviter de parler à l’Autre barré. Dans l’auto-analyse, une partie du Moi parle et est interprétée par une autre partie du Moi. L’autre stratégie du Moi est l’analyse-saucisson, qui consiste à venir sur le divan par tranche. Rien de cela n’accouche d’un psychanalyste. Pas même d’une souris.
Il me semble important de penser la position du clinicien qui souhaite occuper la position de psychanalyste ainsi que la transmission de la psychanalyse. Pour cela, il importe de nourrir les présentations cliniques. Dans la présentation clinique, 1. je pose la question de la souffrance ; 2. je vise, si le moment se présente, la mise en évidence du diagnostic structurel. Ces deux opérations sont portées par le désir du psychanalyste de faire naître, installer et nourrir le transfert. Si la souffrance se présente, il y a entrée en psychothérapie. Sinon, il est question d’entretien préliminaire. Dans une telle position, le psychanalyste est dans la position de psychothérapeute, position honorable quand le clinicien sait saisir le moment indiqué par le discours pour occuper la position de supposé-psychanalyste.
Que la bataille commence, sans qu’elle tombe dans la relation imaginaire.
Tout un art.
Repenser la position du clinicien (I)
Repenser la position du clinicien (II)
Repenser la position du clinicien (III)
Repenser la position du clinicien (IV)
Repenser la position du clinicien (V)
Repenser la position du clinicien (VI)
Repenser la position du clinicien (VII)
Repenser la position du clinicien (VIII)
Repenser la position du clinicien (IX)
Repenser la position du clinicien (X)
Repenser la position du clinicien (XI)
Repenser la position du clinicien (XII)
Repenser la position du clinicien (XIII)
Repenser la position du clinicien (XIV)
Repenser la position du clinicien (XV)
Repenser la position du clinicien (XVI)
Repenser la position du clinicien (XVII)
Repenser la position du clinicien (XVIII)
Repenser la position du clinicien (XIX)
Repenser la position du clinicien (XX)
Repenser la position du clinicien (XXI)
Repenser la position du clinicien (XXII)
Repenser la position du clinicien (XXIII)
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