Fernando de Amorim
Paris, le 25 juin 2025
Voici ma proposition hiérarchique pour le repérage des positions possibles de l’être :
ε : être barré, celui qui construit sa subjectivité en psychanalyse ;
ζ : la position de sujet signe la sortie de psychanalyse ;
η : la position de sujet barré, propre au psychanalyste, indique son désir de construire son existence.
Le clinicien devient psychanalyste quand le psychanalysant qui était sur son divan devient sujet. C’est ce que j’appelle la passe externe.
Quand le psychanalyste sort de sa psychanalyse, qu’il témoigne de sa traversée et qu’elle est validée, il devient sujet.
Ce qui est attendu au sein du RPH, c’est que le psychanalyste soit aussi sujet, ou que le sujet soit aussi psychanalyste.
Cette hiérarchie n’est maîtrisée par personne ; c’est elle qui déterminera la position éthique du psychanalyste au sein du RPH.
Quelques membres de l’École deviennent psychanalystes, mais ne sont pas encore sujets. La preuve en est la furie de leur Moi, à l’École ou à la maison. Oui, la position de sujet du psychanalyste se sent aussi dans l’intimité de son foyer. À la maison, il n’est pas psychanalyste, mais il est sujet et un sujet n’est pas un tyran domestique.
La semaine dernière, mercredi 18 juin de cette année, j’avais avancé que les élèves de Lacan proposent une sortie que je situe entre l’être barré et le sujet dans la hiérarchie ci-dessus et que je représente par « ä ». À cette place, le Moi est dégonflé et il représente un Moi adulte, castré (caractéristique de l’être qui n’est pas passé par une psychanalyse), mais n’est pas sujet (s).
Cette place de « ä » est, selon mon interprétation, le résultat du fait que Lacan a abandonné sa psychanalyse et qu’il forme donc des abandonnants, si ce néologisme m’est permis. La passe chez Lacan est la théorisation qu’il propose de son abandon de sa psychanalyse. De là l’usage qu’il fait du signifiant analyste, c’est-à-dire un demi-psychanalyste.
Quant au RPH, en recevant l’honorable invitée, les psychanalystes de l’École se sont comportés – pas tous heureusement – comme des filles fascinées par le discours phallique, discours rôdé depuis des décennies, au nom de Lacan, cela va de soi. Quid de la production d’un savoir nouveau, renouvelé, critique et ayant pour visée la solidité de la psychanalyse ? Aucune expression critique, aucune contradiction au discours de l’invitée, qui s’embourbait entre psychanalyste et analyste, en traitant le signifiant de la manière la plus psychologique qui soit et en étant suivie par une psychanalyste du RPH qui utilise place et position du psychanalyste avec le même je-m’en-foutisme dont elle se traite elle-même, à entendre la construction de sa position de sujet. Ici, la lecture de Wittgenstein se fait pressante pour ces gentes dames qui, sous des habits psychanalytiques, ont le discours du Moi, le discours psychologique, chevillé au corps.
Je répète : au RPH, quand l’être dans la position de psychanalysant devient sujet, celui qui assure sa psychanalyse et qui était dans la position de supposé-psychanalyste devient psychanalyste. Cependant, cette dernière réunion a mis en évidence une fascination infantile : elle est psychanalyste mais elle n’est pas sortie de psychanalyse, donc elle n’occupe pas la position de sujet. C’est pour cette raison que la fascination imaginaire et le discours enchanteur opèrent encore et toujours.
L’être dans la position de sujet occupe une position critique, franche, directe ; courtoise mais directe. Pas de salamalecs – la fausse paix, la paix hypocrite – chez le sujet qui occupe la position de psychanalyste.
Je n’ai pas remarqué la présence d’un être dans la position de sujet à cette réunion de mercredi. Des fascinés, oui ; des psychanalystes, oui ; mais pas de sujets. Un psychanalyste ne fait pas psychanalyse. Celui qui fait la psychanalyse, qui la porte, c’est le psychanalysant et surtout le psychanalysant devenu sujet.
Pour cette raison, je propose que, dorénavant, les psychanalystes de l’École se mouillent davantage concernant la passe : ils doivent mettre en tension ce que l’invité dit et ce que dit Amorim. Ainsi, la discussion sera serrée et les psychanalystes pourront avoir la preuve de la fausseté de l’enseignement de Amorim car, de toute évidence, les invités, les universitaires, le Moi des psychanalystes du RPH ont raison ; Amorim, seul, à tort.
Mon intention est de faire en sorte que la psychanalyse devienne une science, reconnue par ceux qui pensent et par ceux qui savent, comme l’écrivait Dante à propos d’Aristote.
La visée est de faire de la passe externe une travail scientifique rigoureux et non un bla-bla sans consistance.
La sortie, et non la fin d’une cure – d’ailleurs, cure psychothérapeutique ou cure psychanalytique ? – a tout à voir avec la passe, au contraire de ce qu’avance une jeune – en comportement et non en âge – admiratrice de Lacan, apparemment savante à propos de la passe lacanienne et sévère dans son interprétation de ma passe.
Elle utilise, probablement sans savoir de quoi elle cause, la « fin d’analyse », quand j’insiste sur l’usage de l’expression « sortie de psychanalyse ». Alors que ma passe est un examen de sortie de psychanalyse et non de fin d’analyse. La fin, c’est la fin de la vie. Mais il est plus facile pour le Moi d’envisager la fin de l’analyse. Ainsi, l’analyste se dispense lui-même (comme il s’autorise lui-même) de retourner sur le divan, locus qu’il ne devrait pas quitter, même quand il devient psychanalyste et comme l’avait souhaité le Freud de 1910. En 1910, sa posture était plus radicale, radicale car nécessaire, au sens aristotélicien. Depuis, ses élèves ont réussi à mettre de l’huile dans le vin psychanalytique, ce qui a donné des Moi gonflés et des ânes à la liste.
Quand j’avais mis en évidence que l’analyste met de l’huile dans le vin de la psychanalyse, une autre savante lacanienne m’avait signalé avec une certaine condescendance que l’expression est « mettre de l’eau dans le vin ». L’eau dans son vin, c’était la stratégie de ma belle-mère aux portes de la mort pour continuer à côtoyer Bacchus. Non, l’analyste détruit ce qui le nourrit en mettant de l’huile et en laissant ce breuvage en héritage aux générations à venir.
Affirmer que « le dispositif inventé par Lacan est précis, et précieux » n’est pas suffisant pour me convaincre. S’il était vraiment précieux, il fallait le tester scientifiquement et non entre-soi, avec des adeptes convaincus et aptes à se gargariser de leurs psittacismes sans une once de vergogne épistémologique.
Oui, c’est le clinicien qui témoigne du travail qui a eu lieu quand il s’agit d’une passe externe, celle qui positionne le clinicien dans la position de psychanalyste de ladite psychanalyse. C’est le psychanalysant lui-même qui témoigne de sa propre psychanalyse quand il s’agit d’une passe interne.
Penser « la fin de l’analyse », c’est tout simplement ignorer qu’une fin d’analyse consiste à prendre le dégonflement du Moi pour la barre qui traverse l’Imaginaire et qui dégonfle le Moi, ce qui installe l’être barré dans la position de sujet (s) pour les êtres lambda. Pour ce qui est du sujet devenu psychanalyste, il porte un $, « S » majuscule traversé d’un bout à l’autre d’une barre et en italique, selon les indications de Laure Baudiment.
S’arrêter « avant la sortie de l’analyse », ce n’est pas s’arrêter. C’est abandonner, comme une sorte d’avortement de son propre désir, ce que font d’ailleurs les analystes. Sauf ceux qui continuent leur psychanalyse.
Affirmer que la passe est celle qui « fonctionne à l’École de la cause freudienne essentiellement », c’est mépriser d’autres expériences qui sont menées ailleurs, de manière différente. C’est un discours pauvre, sectaire et qui va dans le sens opposé d’une psychanalyse rigoureuse, ayant un pied dans la société et un autre dans le monde du discours scientifique. Cela fait Moi aliéné qui, en groupe, forge ce que j’appelle « la populace moïque ».
La passe n’est pas une propriété des membres de l’École de la cause freudienne, car – peut-être la dame n’est-elle pas au courant – Lacan a jeté son jouet en signalant qu’il ne marchait pas.
Amorim, l’auteur de ses lignes, a pris le jouet lacanien et, en tant qu’enfant, psychanalysant, intelligent et créatif qu’il est, avait remarqué qu’il était possible de mettre le jouet du copain Jacques en état de marche. Le problème de la passe chez Lacan, ce sont les piles qui étaient déchargées ; autrement dit, son abandon de sa psychanalyse et sa théorisation. En tant que psychanalysant qui n’a pas abandonné sa psychanalyse, j’avais mis des piles nouvelles dans le jouet nommé « passe ». Ces piles sont le désir des jeunes cliniciens du RPH. Avec des piles nouvelles, le jouet marche, la petite voiture roule, le petit bateau navigue dans le bassin du jardin des Tuileries. Oui, la passe fonctionne. Jusqu’à preuve du contraire. Mais pour prouver cela, il faut des enfants joyeux, joueurs, des bons camarades, et non de vieux esprits embaumés et ravagés par la souffrance sublimée par quelques années, années mesquines car comptabilisées, d’analyse personnelle.
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