Fernando de Amorim
Paris, le 28 juin 2025
L’action clinique du psychanalyste est consciencieuse, pas tant au sens moral, même si ce sens est présent depuis Hippocrate et se retrouve dans l’enseignement de Freud, mais surtout au sens professionnel.
La position du psychanalyste est mise en question, en doute, non pas chaque jour, comme je l’avais défendu précédemment, mais à chaque séance. La position de psychanalyste suppose de supporter le transfert.
Chaque mot en clinique compte : utiliser le mot analyste à la place de psychanalyste, le mot position quand le mot juste est celui de place, indique une frivolité quant au soin exigé par le signifiant, frivolité très éloignée de la psychanalyse. Il n’est plus ici question d’analyse profane mais de médiocre frivolité.
Une psychanalysante a dit : « Un enfant qui a grandi se nomme un adulte ; sans enfance, pas de maturité, pas d’adulte. » La psychanalysante peut se permettre des définitions qui sont propres à ceux qui travaillent et sont intimes de l’Autre barré (Ⱥ).
Je reconnais, en tant que psychanalysant, des compatriotes humains qui n’ont pas de sensibilité ou même aucun intérêt à se frotter à l’Autre barré, source inépuisable de signifiants barrés et de perles dignes des poètes du divan, l’autre nom du psychanalysant.
Le poète professionnel – Villon, Pizan, Hugo, Pessoa, Whitman – celui qui gagne sa vie avec l’agencement des signifiants, révèle au pauvre mortel, voire au pauvre diable, un discours énigmatique. Le psychanalyste appuie cette construction, le psy l’empêche, l’analyste la ralentit, voire pousse l’analysant à se contenter de peu, et même de miettes signifiantes.
Les psys, en se contentant de leurs diplômes universitaires, et les analystes, en s’accommodant d’un tour rapide sur le divan pour ne plus jamais y revenir, mettent en évidence leur Moi fort, pour les premiers, et leurs Moi castrés, pour les seconds ; mais pas un être barré, pas un Moi dégonflé, pas un être barré qui accouche d’un sujet à la sortie de psychanalyse.
Le résultat d’une telle lâcheté éthique et, par voie de conséquence, clinique, c’est la décision du Moi du psychiste de se faire connivent de ses organisations intramoïques.
Si un praticien est capable de soulever les êtres qui viennent lui rendre visite, pour quelle raison n’est-il pas capable de se lever lui-même ? Parce qu’il est praticien. Parce qu’il n’est pas clinicien. Parce qu’il n’occupe pas la position de sujet, unique position qui l’autorise à supporter la position d’objet a. Parce que l’être du praticien a décidé de laisser son Moi guider sa vie, ce qui signe l’arrêt de mort de son existence. Existence, ici, va de pair avec ma définition de ce qu’est un psychanalyste : un psychanalyste suppose un sujet qui a construit sa responsabilité de conduire son existence.
Une analyste avait récemment annoncé que la relation analytique était une relation à deux. S’il s’agit d’une relation analytique, oui, mais surtout pas s’il s’agit d’un rapport psychanalytique. Une relation se fait à deux, c’est vrai, mais il ne faut pas s’étonner que, tôt ou tard, ladite relation vire au registre imaginaire. Le rapport, quant à lui, se fait au moins à trois. C’est ici que je situe la position du psychothérapeute que le clinicien accepte d’occuper au nom du désir du psychanalyste quand il assure la psychothérapie de l’être dans la position de malade ou de patient, à l’hôpital ou en ville. Il accepte, en attendant que l’être enlève le Moi du devant de la scène et que cet être choisisse d’aller vers l’Autre barré et de poser sa question, question qui le pousse à passer sur le divan.
Oui, lecteur, ça pousse en psychanalyse.
Quand l’être entre en psychanalyse, il devient psychanalysant et le clinicien occupe dorénavant la position de supposé-psychanalyste – je ne lui laisse pas la possibilité d’être sûr de quoi que ce soit (sûr d’être psychanalyste) ou de penser avoir une place (place de psychanalyste) – portant ainsi, grâce au désir de psychanalyste, la position et fonction d’objet a.
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