Fernando de Amorim
Paris, le 17 mai 2025
Le Moi frappe à la porte du psychanalyste parce qu’il souffre. Il souffre, mais il ne veut savoir ni pourquoi – la cause de sa souffrance – ni de quoi – la nécessité de sa souffrance. C’est la raison même de la psychothérapie. Quand l’être est en psychanalyse, c’est parce qu’il ne veut pas être dans le monde de « manière minable », comme l’avait dit un psychanalysant. Il désire savoir. Pour savoir, il s’engage – c’est l’éthique du psychanalysant – à construire sa subjectivité.
Quitter la voie d’une vie minable n’est pas chose aisée. La Loi symbolique, celle de notre République, est bien moins sévère que la loi imaginaire, celle du Moi cerbère de l’Autre tyrannique. La Loi symbolique concerne l’Autre barré qui dégonfle le Moi, ce qui donne :
Ⱥ → a
La loi imaginaire se caractérise par l’Autre non barré qui accable le Moi, justifié par la formule rebattue : « C’est plus fort que moi. » Ce qui donne :
A → a
Quand le croyant s’adresse à son Dieu, cela donne a → A. Quand le Moi abruti insulte les jeunes femmes en jupes, il est question de A → a. Quand le Moi abruti s’endurcit, il tue. Ce qui donne :
RésiduS → a
Le Moi devient déchet. Pour cette raison, il tue car il se sait sans espérance de subjectivité.
RésiduS, c’est l’abréviation de la Résistance du Surmoi, le bras armé de l’Autre non barré.
Le monsieur en question dit que son père ne s’est jamais imposé à lui (« pas de confiscation, pas de punition »). En d’autres termes, le Moi était à la merci des pulsions et des organisations intramoïques.
« J’étais livré à moi-même ! », dit-il.
Être livré à soi-même signifie que le Moi est à la merci des organisations intramoïques, à savoir l’Autre non barré et la résistance du Surmoi, comme un bouchon de liège en pleine mer.
Il continue : « Si ça me convenait de m’identifier à ma mère, cela ne me poserait pas de problème. Le problème est que cela ne me convenait pas ! » C’est cela, le faux homosexuel, le faux homme efféminé, le faux travesti. Il vient vers le psychanalyste pour se confronter avec la Loi symbolique qu’aucun adulte ne lui avait proposée pour qu’il puisse construire sa virilité, propre à l’homme. Cette virilité est symbolique. Elle est reconnaissable par l’autorité du discours, indépendamment du genre. Cette autorité est phallique et symbolique, ce qui la distingue de l’autoritarisme, du phallus imaginaire propre au Moi tyran ou au Moi fanatique.
Il dit que son comportement est devenu efféminé, car il était « trop fusionné » à sa mère.
Le plaisir sexuel est très féminin, quand la jouissance sexuelle est du champ du mâle. Le non rapport sexuel concerne l’impossibilité structurelle qu’un homme et une femme puissent se rencontrer dans l’accouplement.
Quand les détracteurs de la psychanalyse disent que l’Œdipe n’existe pas, qu’il s’agit d’une projection de Freud, la clinique au quotidien vient mettre en évidence que beaucoup de patients passent beaucoup de temps de leur vie à ne pas traverser ce Rubicon. Cette hésitation, ce refus rend, effectivement, la vie minable.