Fernando de Amorim
Paris, le 2 septembre 2025
Comme je l’avais précédemment écrit, le père et la mère ne sont pas des objets d’étude ni d’opération psychanalytique. Il est plus que nécessaire que le psychanalyste sorte de cette logique, prenne ses distances avec les commentateurs et s’occupe de l’appareil psychique.
Il ne s’agit pas d’une quelconque « jouissance morbide de la mère » ou du père ; il s’agit, pour le clinicien, de celle de das Ding, des OrgI, les Organisations Intramoïques qui jouissent sans limite.
Sans l’Œdipe et son au-delà – grâce à la psychanalyse, il faut le signaler – pas d’être humain apte à devenir sujet. La construction – et non l’invention – du fantasme fondamental sert à éviter le rien de la condition de l’être dès sa naissance. Cependant, il est inévitable : il faut passer par le fantasme originaire pour que le sujet puisse s’appuyer sur l’objet rien, objet originaire, et ainsi construire sa responsabilité de conduire aussi sa destinée, sur terre, de la manière la plus civilisée qui soit.
L’analyste a vraiment des formules étonnantes. L’automutilation du sujet en est une, malheureuse. Celui qui a déjà fréquenté un tant soit peu un service d’urgence de médecine, de chirurgie ou de psychiatrie sait que l’automutilation n’est pas un truc souhaitable. Elle n’est pas nécessaire pour devenir sujet. D’ailleurs, l’être s’automutile parce que la voie de la psychanalyse et l’espérance de devenir sujet ne lui semblent pas viables. L’abdication du sujet n’est pas non plus nécessaire. Surtout parce que, dans ces deux formules, le sujet n’est pas encore au rendez-vous. Il me semble plus pertinent de viser l’assomption de l’être à la position de sujet. Dans la position de sujet, une femme fait sans, l’homme fait avec. Les deux, dans la position de sujet, visent la position féminine, position castrée face au Réel.
Penser la psychanalyse, ce n’est pas la laisser s’envelopper par la médecine, même si elle est une médecine alternative pour l’analyste. Médecine, la psychanalyse l’est, comme la chirurgie l’était avant d’être ligotée à la médecine. Le médecin ne faisait pas le sale boulot ; il laissait cela – entre la fin du XIIe et le milieu du XVIIIe siècle – aux barbiers chirurgiens. Une telle logique d’enveloppement est pertinente, car la médecine et surtout la chirurgie prennent en charge l’organisme. La psychiatrie, je la laisse aux psychiatres ; les psychiatres, je les laisse être ce qu’ils sont, à savoir des « docteurs en médicament », comme me l’avait dit un malade. Le psychanalyste est le « docteur des mots », selon le même bienheureux. Le psychanalyste est docteur des maux du corps qui souffre, de la souffrance psychique. Il est possible, et même souhaitable, que le psychanalyste étudie d’autres sciences et collabore avec elles, mais sans perdre de vue ni son champ opératoire (l’appareil psychique freudo-lacanien) ni son Nord (que le malade devienne patient, que le patient devienne psychanalysant, que le psychanalysant devienne sujet).
Entre l’être et la construction de son propre désir, l’être est toujours tenté de continuer sa vie avec la proposition d’aliénation du Moi et de ses organisations intramoïques.
Le Moi pense parfois que la vie tourne en rond, que la terre est plate. Il lui est difficile de reconnaître que sa vie avance vers la mort et que c’est lui qui tourne en rond, sur son propre axe.
Je divise les champs du psychisme, du corporel et de l’organisme en trois plans. Le registre organique concerne les maladies de médecine et de chirurgie. Le registre corporel concerne le plan du corps, de l’Imaginaire et du Symbolique, du symptôme fonctionnel pour les médecins, ainsi que du signifiant corporel1. Le psychisme concerne le plan interpsychique dans un premier temps, histoire d’installer le transfert et prier le Moi de ne pas déranger. Ici, il est question d’appel, de demande, d’offre, de relation. Dans un deuxième temps, il s’agit d’aborder le plan intrapsychique, celui du rapport avec les Organisations Intramoïques et les instances freudiennes. J’utilise les mots intrapsychique et interpsychique parce qu’il n’est pas encore question d’intrasubjectif ou d’intersubjectif. Il n’y a pas encore de sujet ici. Il y aura la construction de la subjectivité une fois que l’être sera entré en psychanalyse.
- Amorim (de), F. (Dir). Manuel clinique de psychanalyse, Paris, RPH Éditions, 2023, p. 259. ↩︎
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