Fernando de Amorim
Paris, le 7 décembre 2025
Alors qui ? Qui pour défendre la psychanalyse ?
Surtout pas les psychanalystes de deuxième main. Je fais référence à ces personnes qui se présentent en tant que philosophe puis psychanalyste, professeur honoraire de psychopathologie puis psychanalyste, professeure puis psychanalyste, comme il est possible de lire dans Le Monde du 5 décembre 2025.
La psychanalyse est attaquée à coup de massue et ces braves viennent la défendre avec des boucliers en mousse et des épées en plastique. Les psychologues et les psychiatres qui « se réclam[ent] de la psychanalyse » réclament, appellent le psychanalyste pour les sortir de l’embarras clinique où ils se trouvent au quotidien. Malheureusement, il n’y a pas psychanalyste pour leur répondre. De là l’importance que le psychologue et le psychiatre deviennent psychanalyste à part entière et que le prétendu psychanalyste, analyste à vrai dire, retourne sur le divan.
Pour l’analyste, la psychanalyse est une méthode (qu’il n’utilise pas, voire qu’il utilise au rabais), une technique (dont il fait usage de manière sauvage), et non une science à part entière.
La psychanalyse est défendue à coup de spasmes médiatiques par des fantassins en culotte courte, qui s’éveillent à la psychanalyse lorsqu’un politicien répond aux questions de son électorat.
Défendre la psychanalyse, c’est défendre la dignité de l’être à devenir sujet. Cela se fait au quotidien et non comme réponse à la plainte sociétale. Faire usage des copains et des connaissances dans la presse n’est pas suffisant pour défendre le désir et le sauver de la misère pulsionnelle, sociale, idéologique. La psychanalyse, quand elle est bien conduite, sauve l’être puisque ce dernier devient sujet. Quant au sujet, il honore son désir au quotidien. Je ne constate pas cet honneur quotidien chez lesdits psychanalystes. Cela est logique : ils ne sont pas sujets, ils ne sont plus psychanalysants. Donc leur Moi reprend son droit à l’aliénation.
Que les adversaires du désir, les ennemis de la vie tout court, puissent haïr la psychanalyse, la science du désir civilisé, cela va de soi puisque le Moi envieux, quand il voit qu’il n’est pas de lui-même en mesure d’être content d’être là, veut que tous soient dans la même position que lui.
En revanche, que des gens qui se sont fait un nom, un statut social et même un statut économique grâce à la psychanalyse ne soient pas même capables de l’honorer en la reconnaissant maintenant et en préparant la génération suivante à porter le flambeau du désir de devenir psychanalyste à part entière, c’est honteux.
Qui donc pour défendre la psychanalyse ? Le psychanalysant devenu sujet, le psychanalysant devenu psychanalyste, à condition que ce dernier continue sa psychanalyse. Quid des autres ? Ceux qui défendent la psychanalyse à leur manière, à savoir en tant que « psy d’orientation analytique », qui se disent « analystes » ou simplement « psychanalystes » mais à mi-temps ? Ce sont des Perses parfumés face à des barbares pulsionnels. À ceux-là, je ne leur confierais pas ma bicyclette. Ils défendent « l’apport psychanalytique fondé sur la parole ». Cet apport est creux, parce que la parole est vide.