Fernando de Amorim
Paris, le 9 décembre 2025
Hier, Le Point a publié un article intitulé « De nouvelles armes pour soigner les TOC et la dépression ». Une arme ne sert pas à soigner mais à blesser, voire à tuer. Les TOC et la dépression ne sont pas des maladies mais les expressions d’une détresse, détresse extrême dans le cas des patients cités.
L’article commence comme suit : « Alors que le docteur Marc Zanello, perceuse à la main, s’apprête à transpercer la boîte crânienne de son patient, une petite enceinte crache depuis un coin de la pièce le fameux hit disco de Gloria Gaynor, “I Will Survive”. »
Les médecins et surtout les psychiatres font fausse route en excluant la clinique du désir, l’autre nom de la psychanalyse, de leur effort d’apporter un soulagement à ceux qui souffrent depuis fort longtemps et de manière chronique. Le problème vient de la méthode et des techniques utilisées, ainsi que de l’usage du mot « psychothérapie » à la fin de l’article. Sans savoir de quelle psychothérapie il s’agit, j’affirme sans ciller que les techniques de dressage du Moi du type TCC, pour technique cognitive et comportementale, ainsi que les psychothérapies psychodynamiques assurées par des psychiatres ou des psychologues sans aucune intimé avec leur propre désir constituent un projet clinique sans avenir, car il ne touche pas l’être mais son Moi.
Affirmer la disparition de X pour cent des symptômes – troubles obsessionnels compulsifs – par l’implantation de deux électrodes dans chaque hémisphère du cerveau donne aussi envie de prendre cette voie royale, perceuse à la main. Le problème est que le vendeur-journaliste ne dévoile pas tous les secrets de la marchandise.
Le journaliste Olivier Hertel, auteur du texte, a oublié de mettre en évidence le discours du médecin : « Chez ces patients les plus sévères, nous obtenons avec la DBS [stimulation profonde du cerveau], combinée aux médicaments, environ 75% de répondeurs et une diminution des symptômes de l’ordre de 80 à 90% pour la moitié de ces répondeurs. » Ce n’est donc pas uniquement la technique neurochirurgicale qui produit la diminution symptomatique. Il y a aussi les médicaments.
La fonction de la technique et de la méthode en psychanalyse vise à éviter que les Moi du clinicien et du patient, voire du journaliste, ne prennent le dessus et ne décident selon leur convenance moïque. C’est pour cette raison que la méthode de la psychanalyse, celle de l’association libre, est si peu utilisée par les soi-disant psychanalystes et que les techniques sont inexistantes chez les psychanalystes. Ainsi, le psychanalyste cédant de sa position de psychanalysant devient analyste, ce qui fait que son Moi devient maître, donc référence, de la situation clinique. Dans ce qui est proposé par les neurochirurgiens, le symptôme est anéanti, mais l’être est toujours sous la jupe du Moi. Aucune opération clinique n’est mise en évidence pour proposer à l’être de devenir sujet, ce qui constitue la proposition de la psychanalyse.
Dans cette mare aux canards, les Moi du Patient, du praticien, des analystes, des psys, des familles et des associations, pataugent et cancanent avec des mots savants, au nom de la psychothérapie psychodynamique et des techniques de dressage en tout genre, portant ou non le label de science.
Si le médecin prend en charge organiquement le symptôme, si le psychiatre assure la médication de ce qui fait souffrir le Moi, les deux passent à côté de l’être, être qui nourrit la raison d’exister de la médecine comme de la psychanalyse. Le psychanalyste prend en compte la pulsion agressive et son débordement en forme de pensée ou de verbe salace, quand ladite pulsion s’accoquine avec la pulsion sexuelle. Autrement dit, sans une lecture psychanalytique du symptôme, la médecine humaine, celle d’Hippocrate, devient en deux temps trois mouvements une médecine vétérinaire, dans la tradition d’Urlugaledinna.
Même si le psychanalyste ne néglige pas le symptôme, ou plutôt la libido qui le nourrit, il ne s’occupe pas d’éliminer le symptôme. Le psychanalyste s’occupe de l’être et sa visée est que ce dernier puisse devenir sujet. Quant à la libido qui nourrit le symptôme, une fois le Moi dégonflé, elle sera utilisée par le sujet pour construire sa responsabilité de conduire aussi sa destinée.
Le TOC ainsi que la dépression frappent à la porte du clinicien. Il y a quelqu’un ? Si le symptôme frappe à la porte, ce quelqu’un dans la position de clinicien, de psychanalyste, se doit d’ouvrir car les symptômes, pour handicapant qu’ils soient, sont des expressions du Moi. Prendre soin du Moi sans une écoute pour l’être n’est pas encore thérapeutique.
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