Fernando de Amorim
Paris, le 13 juin 2025
« Le transfert est un concept de la clinique psychanalytique qui n’est opérable qu’en clinique psychanalytique. Le transfert hors du cadre psychanalytique est très rapidement contaminé par l’Imaginaire du Moi de celui qui interprète. »
Extrait du Séminaire 2024‑2025 de F. de Amorim
En retravaillant mon séminaire de cette année, je tombe ce matin sur cette phrase que j’utilise ici en exergue pour ainsi introduire mon commentaire d’une publication du journal Le Monde du 9 juin 2025, Ce qui me motive à commenter cet article, c’est la rencontre, ce matin encore, d’une affiche de France Info : « L’information n’est pas une opinion ». Cette remarque vise la journaliste du Monde Cécile Bouanchaud.
À froid ou à chaud, il ne faut pas jeter de la boue sur la psychanalyse sans avoir des arguments solides. Je réponds à chaud à ladite enquête de ladite journaliste, car je suis plus en forme quand j’écris à ce niveau de température. À froid, je balaye l’affaire tel le renard de monsieur de La Fontaine : « Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats. »
Dans ladite enquête, « l’histoire démarre avec des discussions sur la notion de transfert – que le médecin définit comme l’attachement affectif, voire amoureux, d’un patient envers son thérapeute ». Un psychiatre, un psychologue, un psychothérapeute n’a aucune compétence à opérer avec le transfert, sauf s’il est lui-même psychanalyste et toujours en psychanalyse. Même s’il est en psychanalyse, il n’y a pas de garantie que son Moi ne prenne pas le dessus. Ici, je cite l’article : « qu’est-ce que le consentement, l’absence d’un non vaut-il un oui, une personne qui dispose d’un ascendant, d’une position dominante, ne doit-elle pas particulièrement veiller à ne pas en abuser ? »
Pas veiller ? Courage, fuyons ! Quelle mièvrerie ! Il est absolument interdit au clinicien d’en faire usage. Tout simplement. Ainsi : baiser avec la patiente ne fait pas partie du contrat clinique.
Puis vient le « dévoiement de la notion de transfert ». Le transfert n’est pas une notion, c’est un concept solidement installé. Savoir le manier sort le clinicien de difficultés immenses.
Le transfert peut prendre le format d’une vague géante. Une séance de psychanalyse est une vague à chaque instant.
Ici, la journaliste écrit : « Comme Laure, toutes les femmes interrogées par Le Monde décrivent un dévoiement de la notion de transfert durant leur suivi. Lorsqu’il est manié à mauvais escient, ce concept psychanalytique, qui ne fait pas l’unanimité chez les spécialistes, normalise, voire encourage, une dépendance affective qui n’a pas lieu d’être. » C’est sûr, il est manipulé – et non manié – à mauvais escient, au vu de la manière dont il est traité par les praticiens.
Elle reconnait au transfert le statut de concept pour, immédiatement après, le démolir en faisant usage de ce que je nomme « commérage journalistique ». Le transfert, écrit-elle, ne fait pas unanimité chez les spécialistes ? Lesquels ?
N’importe qui peut évoquer le transfert. Cependant, quand il est prié de définir ce qu’est pour lui le transfert, il n’est pas rare qu’il donne comme définition la culotte jaune de sa tante Margareth. Je pense à un philosophe qui parle mal de Freud. Soyons sérieux. Le transfert a été traité au quotidien par Freud et Lacan. Les autres, nous tous psychanalystes, courrons derrière pour vérifier, améliorer, mieux comprendre ce concept fondamental. Plus de quarante ans de clinique et de transfert plus tard, je suis toujours étonné par une nouvelle coloration ou température du transfert.
Pas plus tard qu’hier, une clinicienne en supervision s’est arrêtée un instant, émue parce qu’un monsieur, aujourd’hui âgé de 62 ans, est venu en séance pour la première fois car souffrant de la culpabilité du décès d’un enfant. Il avait alors 12 ans et des voisins lui avaient confié la surveillance de leur enfant de 3 ans pendant qu’ils allaient se doucher. L’enfant était tombé dans la piscine. Dans un premier temps, le pubère avait été pris de panique ; dans un deuxième temps, il avait crié à l’aide. Sans réponse, il avait plongé pour récupérer l’enfant déjà mort. La clinicienne a arrêté le récit, émue. Son émotion m’a touché. Cet homme, en choisissant de confier ce poids de culpabilité à cette clinicienne – pas aux parents de l’enfant mort, pas à ses parents à lui, pas à un copain, pas à un grand professeur, mais à cette clinicienne-là – indique la présence du transfert. Elle a écouté ce monsieur sans affectation ; c’est dans sa supervision – lieu privilégié où le clinicien qui commence à apprendre à supporter les vaguelettes et les raz-de-marée transférentiels s’entraîne auprès des vieux loups de mer – qu’elle a pu exprimer son transfert.
Il s’agit ici de transfert, pas de son contre-transfert, cette formule ridicule utilisée par ceux qui se refusent à étudier Lacan, le tout aux dépens des patients qui les payent pour un travail qui est attendu de qualité supérieure. Emmanuelle Chervet, présidente de la SPP (Société psychanalytique de Paris), branche française de l’IPA (Association psychanalytique internationale), dit que « les patients arrivent toujours avec une demande d’amour, notre tâche est de questionner, sans y répondre ». Elle évoque des « patients » ; or, la grande majorité des situations d’abus du transfert au nom de la jouissance mesquine du Moi se produisent avec des mecs que se disent « psys ». Si la SPP avait une démarche scientifique et clinique, elle se mettrait à étudier Lacan, celui-là même qui a mis en évidence que le clinicien ne répond pas à la demande, surtout celle d’amour, quand bien même Lacan n’aurait pas respecté lui-même en son temps cette consigne fondamentale. Enfin, la tâche d’un clinicien n’est pas d’interroger ; il faut laisser cette spécificité au policier. Un clinicien examine et répond. S’il est clinicien, cela va de soi : il répondra psychanalytiquement, à savoir quand ce sera nécessaire et en se limitant au registre symbolique.
Le concept de transfert ne fait pas l’unanimité, parce que lesdits spécialistes n’en sont pas et n’ont pas l’aptitude de distinguer le transfert de la suggestion, de la séduction, du magnétisme mesmérien, de l’induction, de l’hypnotisme, de la volonté de dominer autrui.
Ce n’est pas parce que quelqu’un ose se présenter en psychanalyste qu’il l’est vraiment. Il faut qu’il en donne des preuves, pas uniquement avec son diplôme universitaire qui atteste qu’il est docteur ou professeur, mais avec des preuves quotidiennes, preuves à chaque séance, avec chaque malade, chaque patient, chaque psychanalysant.
Ce n’est pas le titre universitaire qui autorise quelqu’un à devenir psychanalyste, c’est le psychanalysant qui l’installe dans cette honorable position. Quand le psychanalysant est maltraité, bafoué dans sa dignité, dans sa confiance, l’esprit psychanalytique n’est plus au rendez-vous. Cette enquête est faussée quand le signifiant transfert est associé au Moi inconséquent, irresponsable et sans préparation psychanalytique du praticien.
Au contraire de ce que pensent et écrivent les innocents, la dépendance affective a lieu d’être. Dire le contraire relève d’une ignorance clinique et d’une sottise épistémologique charmante. Ce qui n’a pas lieu d’être, en revanche, c’est l’incompétence du praticien, sa misère sexuelle et affective, son incapacité à draguer ailleurs.
Dans le transfert, l’être actualise un moment de sa vie que le praticien – qui n’est pas un clinicien – ne sait pas manier, et cela parce que sa propre dépendance à l’Autre n’a pas été dévoilée dans sa propre psychanalyse personnelle.
Dans une psychanalyse, le patient paye selon ses moyens. Cette tradition hippocratique a été portée par Freud et Lacan ; leurs élèves en font usage encore aujourd’hui. Quelqu’un qui demande 95 euros et donne des feuilles de remboursement indique qu’il n’est pas psychanalyste mais psychiatre. Dans cette opération, il est le seul à tirer profit, car la patiente est remboursée d’un argent mal investi et la société toute entière finance une escroquerie. Un psychiatre est formé, entre autres, à prescrire et non à manier le transfert. Demander une rétribution après des faveurs sexuelles installe le psychiatre non dans la position de médecin mais de prostitué. Demander à la patiente de « n’en parler à personne » n’installe pas non plus dans la position de psychiatre mais dans celle d’un majeur qui sait qu’il fait des choses sexuelles avec une personne psychiquement fragile, tel un pédophile, mais qui les fait quand même. Dans de telles circonstances, « la honte se drape de silence ». Cette hypothèse est portée par les dires de la patiente, quand elle confie : « Je ne savais pas dire non ». Telle est la condition d’un enfant face à un majeur qui abuse de son innocence.
Freud défendait, en 1910, l’idée que la psychanalyse du psychanalyste soit sans fin. J’ai institutionnalisé cette exigence au sein du RPH. Le docteur Julien Faugeras a voulu la proposer à tous les soignants. Cette proposition est impossible à mettre en place mais cohérente quand il est possible de lire qu’un psychiatre se comporte de manière irresponsable auprès d’une patiente âgée de 16 ans : « En mars 2022, elle n’a que 16 ans lorsqu’elle est hospitalisée à temps complet dans une clinique psychiatrique pour des troubles du comportement alimentaire et un trouble borderline depuis la préadolescence. “On ne dirait pas un médecin”, se dit Cassandre après sa première rencontre avec le psychiatre chargé de la suivre. »
Son interprétation est légitime : ce n’est pas un médecin, dans le sens d’un clinicien.
Il est écrit qu’il s’agit d’un homme « tactile, familier et blagueur ».
« Les visites inopinées se multiplient, jusqu’à cinq fois par jour, le médecin s’épanche auprès de sa patiente. La suite de son suivi sera jalonnée de déclarations d’affection, allant de “tu es ma patiente préférée”, en passant par des “tu m’as trop manqué”, jusqu’à des “je t’aime”. Le praticien, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, a été licencié en mai 2023. Malgré deux signalements réalisés par la direction auprès de l’ordre des médecins et du procureur de Lille, il a retrouvé un poste dans la région. Alors qu’une première plainte pour viol a été classée sans suite, Marine Marbach, l’avocate d’une deuxième jeune femme qui souhaite rester anonyme, déclare qu’une nouvelle plainte avec constitution de partie civile est en cours de préparation. Elle souligne la difficulté à faire aboutir ces dossiers, où la notion de consentement est quasi systématiquement opposée par les acteurs de la chaîne judiciaire. »
Y a-t-il du transfert dans cette affaire ? Évidemment oui, mais de la part du monsieur. Et même s’il y avait du transfert du côté de la patiente – qu’elle ait 16 ou 61 ans – envers le praticien, ce dernier a le droit de travailler le transfert et le devoir de ne pas l’agir.
Qu’Alice puisse dévoiler son « amour de transfert », cela fait partie du processus clinique. Que le monsieur puisse se dire analyste, je le supporte parce que Lacan, en tant qu’analyste, comme je l’avais déjà signalé, a dépassé cette limite. Cependant, que l’enquête puisse évoquer qu’il s’agit d’un psychanalyste, il n’est pas question de le laisser passer. Voici mes arguments :
Un psychanalyste ne caresse pas la joue, ne met pas la main sur la hanche, ne complimente pas sur une tenue, ne remarque pas l’apparence sexy de la personne qui le paye pour qu’il assure la cure. Il n’y a aucune conduite de cure psychanalytique dans le comportement de cet individu. La patiente a raison de mettre en évidence que la cure « n’allait pas dans le sens de sa guérison » mais du « fantasme » de l’individu.
Aucun psychanalyste n’annule des séances car, pour le psychanalyste, le transfert est trop précieux. Aucun psychanalyste n’oserait embrasser une patiente dans le cou, donner de rendez-vous dans un bar d’hôtel. J’éviterai d’écrire le fond de ma pensée et je me limiterai à écrire qu’il n’y a rien dans cette affaire qui mérite que le transfert psychanalytique soit mêlé à la pauvreté affective de cet individu. Un psychanalyste ne séduit pas des mineurs, des patients ; il ne fait pas usage du transfert ou des techniques hypnotiques ou de dressage pour tromper autrui. La pauvreté ici fait référence à son urgence à tirer son coup et d’avoir, en plus, le toupet d’affirmer « avoir mis fin à l’analyse le jour du dévoilement de ses sentiments ». Quels sentiments ? Sûrement pas amoureux. De surcroît, ce n’est pas le Moi du praticien qui met fin à une psychanalyse, c’est l’être en psychanalyse devenu sujet. C’est pour cette raison que, du début du transfert jusqu’à la connerie du praticien, rien ne permet de parler de transfert psychanalytique de sa part à lui. Bien évidemment, le transfert chez Alice était au rendez-vous, mais il a chié dessus.
Il n’y a pas de « “faux consentement” de la victime », comme il est écrit. L’élaboration est fausse dès le départ. En clinique, même si la malade, patiente ou psychanalysante demande, exige, supplie une relation sexuelle, le clinicien refuse cliniquement, c’est-à-dire en opérant avec le transfert. De là l’importance que le clinicien soit en psychanalyse, qu’il soit bien dans sa peau, qu’il baise, qu’il aime, qu’il puisse être amical et avoir des amis. Qu’il ne soit pas un paumé avec un diplôme psy qui s’habille comme un clochard, qui a, matin, midi et soir, une tête d’enterrement parce qu’il est malheureux ou qui, à l’inverse, est gentil et séducteur pour attraper des malheureuses en manque de reconnaissance.
Dans le cas d’Éléonore, l’homme qui dit avoir une érection parce que la patiente aurait du désir pour lui n’a pas le courage d’admettre que c’est son érection, que c’est donc son désir et qu’il a besoin de tirer un coup. Je le dis clairement : tire un coup, oui, mais pas avec Éléonore.
Évoquer Ferenczi, Jung et Lacan n’engage en rien la psychanalyse. Ces individus ici cités ont fait n’importe quoi avec le transfert et, qui plus est, au nom de la psychanalyse. En agissant de la sorte, ils ont mis en évidence qu’ils étaient analystes, avec des compétences cliniques et théoriques indiscutables. Cependant, leurs comportements éloignent l’esprit psychanalytique de leur pièce de consultation. Sans l’esprit psychanalytique, pas de transfert psychanalytique, pas de conduite de cure psychanalytique, pas de psychanalyste. Peut-être un analyste. Mais occuper la position d’analyste n’est pas suffisant pour assurer une psychanalyse.
Les juges ont tort de ne pas criminaliser l’abus de pouvoir, car il ne s’agit pas de « relations sexuelles » : il s’agit d’un Moi qui, au nom de ses organisations intramoïques, fait jouir ses pulsions d’emprise et ses pulsions sexuelles. Je valide, bien entendu, que « quand on est dans une enceinte thérapeutique, la relation sexuelle [et non “relation intime” comme cela est écrit] n’a pas lieu d’être ».
Pour quelle raison je distingue la relation sexuelle de la relation intime ? Parce que quand quelqu’un rencontre un psychanalyste, il s’agit de l’intime depuis l’entrée en psychothérapie jusqu’à la sortie de psychanalyse. C’est de l’intime et, si la patiente résiste, le clinicien se doit de l’inviter à ne pas reculer à dire l’intime, même si cet intime concerne le psychanalyste. De là l’importance que ce dernier soit suffisamment solide affectivement, sexuellement et amicalement pour accueillir le désir, l’amour, la haine refoulée sans en prendre ombrage. En est-il capable ? Pas du tout. La preuve en est le dossier judiciaire.
Comment protéger le clinicien de la tentation, tentation humaine en fin de compte ? En continuant sa psychanalyse personnelle.
Quand l’ALI (Association lacanienne internationale) évacue l’affaire et se refuse à intervenir en alléguant qu’il s’agit, dans le cas d’Alice, d’une « histoire entre deux adultes consentants », elle se dérobe à ses responsabilités éthiques. Le transfert psychanalytique, qui est différent du transfert analytique, est le rapport, et non la relation, entre un clinicien qui occupe la position d’objet a – objet cause de désir et non cause du désir, selon l’auteur de ces lignes – et quelqu’un dans une position infantile. Il n’y a rien de consentant. Un tel argument laisse la psychanalysante dans un état de détresse. C’est un argument de couard et donc non psychanalytique.
Il ne s’agit pas de tétanie, comme le suppose Élisabeth Roudinesco, mais de lâcheté, purement et simplement. Dès que les analystes sortiront la tête du trou, ils verront le monde vrai et constateront que cette affaire se retournera « contre eux ». De là l’importance d’avoir un peu de courage et de revenir sur le divan.
Je ne crains pas « l’ingérence de l’État ». L’État ne fait pas son travail depuis des décennies ; quant aux analystes, le mot d’ordre n’est pas « liberté » mais « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Autrement dit, aucune autorité transférentielle.
Ce n’est pas la fin de la psychanalyse, mais certainement celle de l’impunité des analystes. C’est une excellente nouvelle pour la psychanalyse.
« Les praticiens accusés qui ont accepté de répondre au Monde se retranchent derrière le consentement des patientes. » Ces praticiens ont les caractéristiques des lâches. Mais cela n’est pas mon problème, il s’agit d’une affaire de justice. Ce qui me dérange, c’est que les mots transfert, psychanalyse et psychanalyste aient été lâchés dans ladite enquête. Sans cela, je ne perdrais mon temps à répondre.
Il n’y a pas de « consentement des patientes ». Un tel argument est l’indication d’une ignorance totale de ce qu’est le transfert en psychanalyse. Le transfert est un appui pour que l’être puisse détricoter son vécu, qu’il s’agisse d’une réalité ou d’un fantasme infantile. En agissant de la sorte, en profitant de la détresse d’autrui, ces mecs, les praticiens en question, bousillent la confiance nécessaire au clinicien pour qu’il puisse oser demander, voire exiger, que l’intime soit dit selon la règle d’association libre.
Quand l’analyste d’Alice ose dire que « [leur] histoire est celle d’une analyse qui s’arrête et d’une histoire d’amour qui commence », il se trompe. Il n’y a pas arrêt d’analyse, il y a abandon de la cure par décision unilatérale parce que le praticien n’a pas assumé sa position clinique, donc éthique.
Il n’y est pas du tout. À vrai dire, j’estime par ses dires – « il considère comme une “vengeance” les accusations de son ancienne patiente, qu’il confie avoir “quittée brutalement” » – qu’il est carrément paumé. Une histoire d’amour commence avec un consentement mutuel, pas dans une relation où une des parties est soumise affectivement à l’autre par un contrat de confiance soutenu par le transfert. Le transfert n’est pas uniquement amour, il est aussi haine et ignorance, le tout assaisonné par la jouissance des organisations intramoïques. Il aurait fallu lire Spinoza.
La journaliste écrit « son ancienne patiente ». Si elle pense qu’elle était « son » ancienne, lui-même semble penser la même chose. Mais un patient n’est pas la propriété du clinicien. Ici, je fais appel à Guitry, quand il évoque ces gens qui disent « ma femme » ou « mon train », même quand ils l’ont raté.
L’enquête écrit que « d’autres professionnels de la santé mentale interrogés par Le Monde présentent, eux, comme “inévitables” les “transgressions” ». Pas d’accord : ces arguments visent à voiler la face de ceux qui agissent de la sorte avec des arguments et des justifications bidons. Il n’est pas question de cautionner ces transgressions au nom de l’inévitable. Il s’agit d’incompétence clinique et de misère affective et sexuelle, sans oublier la volonté d’emprise. La clinique n’est pas le lieu pour exercer sa volonté de pouvoir et de jouissance. Cela n’a strictement rien à faire dans le quotidien clinique. Que ces drôles retournent sur le divan pour régler leur soif de pouvoir ainsi que la médiocrité de leur vie.
Certes, « personne n’est infaillible », mais l’individu qui assurait la cure d’Éléonore n’était pas payé pour étaler sa persona, comme il était d’usage dans le théâtre de la Grèce et de l’Italie antiques. Il était payé pour assurer la conduite d’une cure. Affirmer que « nous sommes faibles face à la tentation » n’engage que lui. Un clinicien n’est pas payé pour jouir en balançant la responsabilité de sa connerie sur le dos d’autrui, autrui qu’il avait la responsabilité d’amener à bon port thérapeutique et non de noyer le bateau de la cure au milieu de l’océan.
Il n’y a pas d’histoire d’amour dans son discours, il y a volonté d’emprise d’un Moi sur sa proie.
Certes, il peut se dire « psychothérapeute », mais surtout pas « psychanalyste ». De cela, il n’en est pas question.