Fernando de Amorim
Paris, le 28 mars 2025
Il me faut distinguer la vox populi de la voix de la populace. Talleyrand disait, dans son discours sur la liberté de la presse à la Chambre des pairs le 24 juillet 1821 : « Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que Voltaire, c’est tout le monde. » Qui est-ce ce tout le monde ?
L’injonction du Moi parental sur le corps du nourrisson provoque des effets dévastateurs chez l’être. Ce dernier se réfugie sous les jupes du Moi, parce que la vie humaine est une expérience qui peut être, ou peut devenir, épouvantable pour quelques-uns.
La folie, c’est ce qui n’est pas raisonnable. L’injonction au nom de la culture ou de la religion ne permet pas à l’être de devenir sujet. L’injonction nourrit l’aliénation du Moi. Un Moi aliéné s’accroche à la culture, il est incapable de s’engager à construire sa civilité, d’être civilisé, de porter le projet de civilisation.
La circoncision est un acte de barbarie sur le corps de l’enfant. L’argument religieux, tout comme l’argument de l’hygiène, qui justifie la circoncision, est une manœuvre du Moi parental, ou de la populace moïque quand le Moi s’agglutine en culture, pour justifier le sadisme de tout le monde(la populace moïque, donc), pour se venger de ce qui a été fait au corps du petit devenu majeur.
La psychanalyse personnelle du psychanalyste sert à diminuer la possibilité que son Moi fasse intrusion, injonction, ingérence dans le discours du psychanalysant et dans la conduite de la cure. Ainsi, quand des analystes défendent que la circoncision serait culturelle, que c’est une façon d’entrer dans la communauté humaine, je réponds que, dans les tribus amazoniennes, le rite de passage se fait aussi avec des piqûres de fourmis venimeuses, l’intention étant, là encore, de faire passer l’enfant à l’âge adulte et ne démontrant, là encore, que la même sauvagerie et volonté de vengeance du Moi. Quand l’enfant naît au milieu du désert ou au milieu de la forêt, un tel argument est justifié par l’environnement sauvage, pas quand il naît dans la France d’aujourd’hui.
Je propose une autre interprétation concernant l’incision de la peau de l’enfant, pendant que tout le monde autour de lui festoie et qu’il se tord de douleur. L’injonction de la populace moïque qui dit qu’il faut circoncire l’enfant pour qu’il soit des nôtres (juifs ou musulmans), n’est qu’un argument perfide pour la jouissance des pulsions d’emprise et agressive des majeurs. Un enfant français a été soumis à la circoncision au nom du sadisme des organisations intramoïques ou de la volonté de vengeance du Moi parental. Son père dit que c’est la tradition. Oui, la tradition de la haine. L’arrivée dans le monde est une épreuve inévitable pour le petit d’homme : le cri pour respirer, la solitude des premiers moments et des nuits qui suivront, la douleur des premières dents. Ces expériences sont inévitables, car elles sont du registre du rapport de l’être au Réel. Ajouter l’Imaginaire du majeur, sa volonté de se venger de ce qui lui a été fait, danser, boire et manger pendant que le sang coule du sexe circoncis du garçon ou des lèvres génitales de la fillette coupées ou cousues, c’est simplement la manière du Moi du majeur de dire welcome au nouveau arrivé.
Quand « j’entends des bébés pleurer » (I hear babies cry), le Moi majeur s’écrie :
« Quel monde merveilleux » (What a wonderful world), tel Louis Armstrong.
Le Moi des parents doit protéger les enfants du Moi méchant et non les offrir en pâture. S’ils le font, c’est parce qu’en partie ils jouissent. Un prêtre a donné une claque à un nourrisson. Il sera sanctionné par sa hiérarchie. C’est cela, une religion civilisée. Un adulte protège les plus faibles, là où un majeur utilise son pouvoir pour humilier son semblable fraîchement arrivé.