Assaçin
Fernando de Amorim
Paris, le 24 juillet 2021
C’est par cette orthographe que j’ai découvert, le 24 juillet au matin, l’attaque des antivaccins contre un centre de vaccination en France.
Je ne pense pas que le député Pacôme Rupin, défenseur de l’atteinte aux libertés des français – et c’est tout à son… hon…devoir –, utiliserait une telle graphie.
Le député, dans une interview accordée à Olivier Pérou, pour « Le Point » du 22 juillet 2021, dit qu’il « n’imagine pas vivre dans une société dans laquelle on demande des données personnelles de santé pour se rendre dans un centre commercial ou un café ». Il me semble important de signaler au député que ce n’est pas le gouvernement qui commande, c’est le virus, le représentant du Réel.
Lui : « Si la priorité doit être de protéger les Français face au virus, il faut aussi savoir mettre des limites aux mesures de sécurité sanitaire. ».
J’insiste : le gouvernement suit les manœuvres du virus, et il fait comme il peut, parce que le Symbolique fait toujours comme il peut face au Réel.
Le député dit qu’il est « pour le vaccin qui est un formidable outil pour se protéger de la maladie. Mais chacun est adulte et doit pouvoir décider selon ses convictions sur des sujets qui touchent à l’intimité et à la santé.».
Ce monsieur confond adulte et majeur. Un adulte se fait vacciner, un majeur se fait manipuler du fait qu’il a droit de vote ou de parole, même si ce dernier peut, parfois, s’apparenter à vomir. Face au Réel, tout le monde parlant perd instantanément son pouvoir de décision, indépendamment de ses convictions, convictions qui sont bien évidemment imaginaires.
Pour lui, « la question du vaccin touche à la liberté de conscience. ». Mais la liberté de conscience est possible quand la parole se frotte à l’intelligence, à la discussion raisonnable et non au Moi fort ou au Moi aliéné, ce qui revient au même.
Affirmer que « Maintenant que le vaccin est disponible pour tous, chacun est libre de se protéger ou non grâce au vaccin. », relève du discours du Moi d’assaçin, c’est-à-dire, d’un aliéné.
Evidemment je ne vise pas la personne de Monsieur le député, mais le discours du Moi de Monsieur Pacôme. Que le lecteur ne pense pas que je méconnaisse les usages. Je les connais. Pour que je puisse le nommer Monsieur Rupin, il faudrait qu’il puisse se rendre compte de la responsabilité qu’il porte au nom de son statut d’homme public et de la loyauté envers le gouvernement pour nous conduire hors de ce labyrinthe avec le moins de pertes possible.
Lui : « Nous sommes loin de savoir encore ce qui va se passer dans la durée et c’est pour cela qu’il faut rester attaché à nos principes. ».
Monsieur le député parle de principe comme s’il discutait avec le gouvernement, le représentant du Symbolique. La discussion se passe entre les êtres et le virus et, sans le vaccin, beaucoup vont mourir et pas seulement les plus de soixante ans atteints de comorbidité. Fin de la discussion.
Cette confusion entre qui parle, de quelle place et avec qui – tout en prenant en compte les trois registres lacaniens du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire – rend la tâche du gouvernement particulièrement difficile, et encore plus si ses propres gens se mettent à lui faire des croche-pieds.
Lui : « Le confinement était nécessaire tant que nous n’avions pas de vaccin pour protéger le plus grand nombre d’entre nous. À mon sens, en matière vaccinale, le gouvernement avait avant tout une obligation de moyens. ».
A son « sens » ? Est-il médecin ? Si oui, dans quelle spécialité ?
Le Moi, grâce aux réseaux sossiaux, comme je les nomme, ouvre la porte à n’importe quel Moi ayant la volonté de donner son avis. Face au Réel, il n’y a pas de « contrainte trop forte », Monsieur le député. Le rapport de l’être parlant avec le Réel ressort du « marche ou crève ». C’est pour cette raison qu’une psychanalyse sert à apprendre aux êtres à danser avec le Réel en se rendant aux évidences, donc avec éthique et non frénétiquement.
Nos concitoyens « qui, quoi qu’il arrive, ne se vaccineront pas par conviction personnelle », selon ses dires, doivent être sensibilisés par des esprits décideurs, déterminés. La compétence à convaincre ne tombe pas du ciel, c’est un corps-à-corps quotidien. Et c’est de sa responsabilité d’aider le gouvernement à sensibiliser les citoyens de leurs responsabilités de préserver la liberté.
Il dit vouloir voter contre le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire porté par le gouvernement. Si un représentant des citoyens s’engage contre le gouvernement, il ne faut pas s’étonner que n’importe qui puisse manipuler les esprits irrationnels.
Lui : « Les députés doivent pouvoir représenter leurs concitoyens, quel que soit leur statut vaccinal ! ». Voilà le discours de quelques-uns qui contaminent de manière virale toute possibilité d’union nationale. Le député lit à partir de son imaginaire, un Réel indifférent à nous, les êtres parlants, député ou citoyen. Il défend un Symbolique qui n’a pas de pouvoir face au Réel. Ce ne sont pas les mots qui guérissent ici, c’est le vaccin.
« Atteinte à la liberté ! » crient à tue-tête ces braves gens. Il ne faut pas rater sa cible : ce n’est pas le gouvernement qui porte atteinte aux libertés, c’est le virus. Sans même le savoir, ni même le vouloir. Et c’est comme ça.
Y a-t-il eu des cafouillages, des bourdes des erreurs dans la gestion de la crise sanitaire ?
Evidemment. C’est inévitable quand l’être à affaire au Réel. Le gouvernement, porteur du Symbolique par excellence car élu démocratiquement par la majorité des français, a affaire à un représentant du Réel, un virus.
Je pense que la parole du gouvernement est sans effet sur l’Imaginaire du Moi des antivaccins. Lacan disait que la psychanalyse est un remède contre l’ignorance, elle est sans effet contre la connerie. Nous y sommes.
Bien sûr qu’il ne s’agit pas d’une insulte aux personnes. Il s’agit du Moi : le Moi est con, est aliéné, est imbécile. J’y reviendrais avec appui italien.
J’apprenais aussi ce matin-là que des milliers de personnes, de manière virale, c’est l’expression d’usage, relayent des informations erronées sur le SARS-CoV-2 (le virus de la Covid 19) aux Etats-Unis, à partir des ordinateurs de 12 personnes.
Fasciné, je témoigne mon étonnement à Édith, qui me brandit une délicieuse remarque du regretté Umberto Eco : « Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui avant ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel.».
Sont-ils imbéciles ces médecins à qui le Conseil tire les oreilles actuellement car ils disent des choses inexactes sur la pandémie, et que leurs dires sont relayés par la populace internautique, à savoir, l’amas des Moi qui, cachés sous des pseudonymes, nourrissent la désinformation, insultent les gens, menacent de mort ?
Non, ils sont noyés dans leurs croyances moïques.
Se comporter en abruti est à dissocier donc de la formation universitaire, de la position au gouvernement, donc. Le dénominateur commun c’est le Moi de l’être. Le Moi est une instance d’aliénation. La vie est aliénante avec lui, elle est pire sans lui. Donc il faut faire avec.
En psychanalyse, la visée est de le dégonfler, pas de l’exterminer, tel un virus. Le psychotique en état de certitude hallucinatoire ou délirante est l’expression même de la puissance d’une information erronée absorbée par le Moi, vomi sur les réseaux sossiaux.
Comment un psychanalyste fait avec le patient ou le psychanalysant qui ne veut pas se faire vacciner ?
Cette question m’a été posée en supervision et en contrôle dès le lendemain de l’allocution du Président Macron du 12 juillet 2021.
Il faut d’abord descendre dans l’arène. Cette technique est utilisée à partir des gladiateurs romains. Le psychanalyste descend dans l’arène, telle Sainte Blandine de Lyon. L’intention n’est pas de se battre avec le Moi et les organisations intramoïques comme s’ils étaient des ennemis, adversaires ou fauves nourrissant ainsi ce que Lacan avait appelé « relation imaginaire ».
L’intention est d’examiner de quelle position parle le Moi et, à partir de ses
réponses, désamorcer ses croyances, ses contrevérités. Pour ce qui est de la certitude délirante, il faut prendre le Moi par un autre registre qu’il serait trop long de décortiquer ici.
Une fois que les croyances dans le ouï-dire se dégonflent, que le Moi reconnaît qu’il suit, tel un mouton, les autres Moi, probablement variant des 12 apôtres nord-américains, le Moi indique ce qui voilé son discours : « J’ai peur ! » ; « Je suis angoissé ! ».
À ce moment de reconnaissance, l’opération psychanalytique peut commencer.