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S'engager dans son désir : Agir ensemble pour un avenir responsable

Rugissons ensemble
 
Fernando de Amorim
Paris, le 6 août 2020
 
 
Cette proposition de Freud est toujours d’actualité. Le discours psychanalytique dérange. Il n’est pas subversif puisqu’il ne vise pas à détruire quoi que ce soit. Ce sont les subversifs du dimanche qui proposent cela. Proposez une idée dérangeante et l’idée portée par le tyran –qu’il soit familial, religieux ou sociétal – s’évanouira.
 
Le discours psychanalytique dérange. Je dérange. Je ne dérange pas la société, les autres, surtout pas le Réel. Je dérange le Moi des gens qui m’honorent de leur présence auprès de moi. Suis-je un tyran ? Surtout pas. Après enquête auprès de ma famille, ils témoignent par la négative. Je n’ai usurpé ni ma position de père, ni mon autorité de chef de famille. Je ne suis pas religieux. À mes quinze ans, j’ai arrêté d’aller à l’église officiellement. Je suis d’accord avec Lacan : la vraie religion c’est la catholique. Les autres visent toujours à imposer à l’être la volonté de l’Autre non barré (A). Socialement, je me comporte de manière civilisée. Où je passe, les gens souhaitent mon retour parce que je suis respectueux des règles de la maison qui m’accueille.
 
J’ai pensé pendant longtemps que j’étais malheureux. Après ma première sortie de psychanalyse, j’avais remarqué que quantité de mon malheur était liée à ma manière, à mon Moi donc, de lire l’autre, de lire le Réel.
 
Au IXe siècle, l’assemblée des prêtres et chanoines se réunissait pour régler et converser des affaires liées au fonctionnement institutionnel. Cette assemblée s’appelait chapitre. Ce n’était pas un lieu où régnait une quelconque tyrannie, car chacun avait le droit d’exprimer son point de vue et ainsi porter sa voix au chapitre.
 
Monsieur G. veut avoir droit au chapitre. Une idée m’a traversé l’esprit : « Enfin ! L’achat de son cabinet à réveiller en lui de l’intérêt pour les affaires de son École. Il était temps, lui qui a traîné la patte pendant des années pour se décider à s’engager avec son désir ! ».
 
S’engager avec son désir lui réussit de toute évidence, puisque, depuis qu’il est au RPH, la banque lui prête de l’argent pour qu’il puisse avoir son Cabinet. Et comme dit le dicton : « On ne prête qu’aux riches ! ».
 
Enfin, quand on s’engage avec le RPH, devient-on riche ? Oui. Mais il faut penser cette richesse d’abord désirante car, lorsque quelqu’un s’engage à construire son désir, le reste suit. Je fais référence à l’amour, au travail, à l’argent comme conséquence d’une excellence professionnelle.
 
Ce que je remarque, c’est que Monsieur G. ne s’intéresse pas à l’École et à son fonctionnement mais à son argent. Il veut savoir où il met son argent. Je m’autorise à taquiner le Moi de Monsieur, en prenant appui, comme à mon habitude, sur les grands : Ici l’interprétation de Michel Bouquet, là Molière : « … un petit clystère insinuatif, préparatif et rémollient, pour amollir, humecter et rafraîchir les entrailles de Monsieur. » (Le Malade imaginaire, I, 4). En fin de comptes, ça compte beaucoup de merde. Un des objets précieux.
 
Je taquine le Moi – qui n’aime pas du tout cela –, avec l’intention de le dégonfler puisque je suis payé par les membres de l’École pour les former à la psychanalyse. Mais pour former à la psychanalyse, il faut d’abord forger le désir. Le désir est brut, voire brutal quand il n’est pas castré. C’est avec cette résistance que je me bagarre depuis une semaine, avec joie et bonne humeur. Un autre Monsieur G. (décidemment, Madame G. a pondu des petits) dit que : « Puisque je ne le laisse pas en paix, ça sera sans lui, puisque on ne peut pas parler avec moi. »
 
Ça sera sans lui ? Mais depuis des années c’est déjà le cas. J’attends patiemment qu’il se décide vraiment à être à l’École. Je l’attends de pied ferme avec son beau désir, car je paris qu’il est beau. Il a un beau désir, ce monsieur, beau désir qu’il s’acharne à détruire en ratant ses rendez-vous cliniques avec le superviseur, en me balançant ses séductions imaginaires « e tutto quanto ».
 
Quand j’apprends enfin de sa bouche, même si c’était gros comme un camion, qu’il ne me fait pas confiance depuis cinq ans, je le pousse à dire cette haine. Ni une, ni deux : je suis traité de vieux et autres quolibets qui ne se disent qu’à un père. Me voilà mis à une place qui n’est pas la mienne, même si je comprends, avec le poète, la souffrance de ne pas avoir un père pour aimer et respecter. C’était mon cas, avant ma psychanalyse. Maintenant ça va. Il est toujours le playboy et je suis devenu ce que je suis.
 
Ainsi, un monsieur ne me fait pas confiance. C’est clair. L’autre, révérencieux, attend que je l’invite à s’installer sur le fauteuil pour commencer la supervision. Du respect ? Non. De l’agressivité voilée.
 
C’est la méfiance, l’agressivité voilée, la séduction à deux balles qu’ils peuvent me donner ? Je le prends. Un psychanalyste n’est pas regardant. Il prend tout type de merde, pour ainsi, nourrir l’aridité de leur Moi.
 
Une dame, très séductrice, je l’appellerais tout à l’heure, m’avait dit : « Je serais incapable d’écrire ce qu’avait écrit M. hier ! ». Je lui avais répondu : « Il n’en était pas capable non plus. Il l’est maintenant grâce à la psychanalyse et parce que je l’avais poussé à exprimer son venin. Donc, j’espère, Madame, que vous n’attendrez pas cinq ans comme lui pour dire ce que vous pensez de votre Œdipe ! ».
 
Monsieur G. et Monsieur G. commencent à miauler et croient qu’ils rugissent.
 
Quelqu’un commence à rugir, quand il occupe trois positions fondamentales. Je propose ainsi, que quelqu’un puisse se sentir, non avoir droit au chapitre, mais voix au chapitre, quand il sera dans la position de sujet, dans la position de psychanalyste et dans la place de docteur.
 
Hors de ces trois registres, c’est du miaulement. Il faut le supporter, comme les transferts de ces messieurs.
 
Suis-je en train de mettre de l’huile sur le feu ? Évidemment. Je passe ma journée à faire cela.
 
Je m’appelle Fernando de Amorim. J’occupe la position de psychothérapeute et de psychanalyste. Je cours des risques cliniques toutes les saintes journées. Je ne séduis pas, je ne cherche pas amour, argent, reconnaissance. Une fois que quelqu’un arrive à ce registre de tempérance, je pense qu’il est prêt à étudier et travailler avec le désir.
 
Avant cela, les chatons, il faut se contenter de faire son travail clinique et, avant d’aller au lit, réciter ces trois lettres fondamentales : O B I.
 
Si cette proposition ne convient pas, et je pense avoir l’autorité pour écrire pour de vrai : « Ce sera sans Moi. » Si le RPH existe encore, c’est justement parce que c’est sans mon Moi. Le RPH existe encore parce qu’il est porté par mon désir et le désir de ses membres.
 
Jusqu’à ce que les Moi de ces membres en décident autrement.
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