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Transaction sexuelle

 
Fernando de Amorim
Paris, le 16 décembre 2020

Dans Le Figaro d’aujourd’hui, la journaliste américaine Abigail Shrier évoque la contagion sociale parmi les jeunes adolescentes qui décident de commencer une transition sexuelle.

Ce processus d’identification du Moi est influencé par le discours sociétal des « pairs transgenres » [les guillemets sont de madame Shrier] . Dans le cas de la dysphorie de genre, il y a des « influenceurs » – le mot est mis entre guillemets cette fois-ci par la journaliste française Eugénie Bastié – en ligne qui, en jouant sur le malaise de ces jeunes quant à la question de l’identification sexuelle, de leur rapport à leur propre corps, encouragent de tels changements.

 

Face à la confrontation avec la souffrance, des jeunes femmes sont donc poussées à une position phallique, à savoir celle qui leur assigne qu’il leur manque le phallus imaginaire, position masculine par excellence. Le premier signalement imaginaire à la fille est qu’elle n’a pas de pénis, le deuxième est que cela lui est défavorable. Face à cette injonction de l’Autre non barré, à savoir qu’il ne faut pas manquer, elles se précipitent vers des demandes de « traitements hormonaux ou de chirurgies de réassignement sexuel. ». Du côté de l’homme qui veut devenir femme le processus vise la deuxième assignation, à savoir ce pénis n’a pas de valeur car ce que le Moi veut c’est le phallus imaginaire porté par le Moi maternel.

 

Les choix des mots ne sont pas, loin de là, anodins. Réassigner signifie, en droit, assigner une nouvelle fois. Assigner veut dire convoquer, fixer un rendez-vous, sommer quelqu’un par l’exploit d’huissier à comparaître en justice. L’huissier ici c’est l’Autre non barré, le bras verbal de la résistance du Surmoi.

 

Ce n’est pas étonnant que ce mot juridique soit au rendez-vous puisque c’est le rapport à la loi symbolique, celle de l’Autre barré, qui est ici bafoué par le discours sociétal. Ce que je veux mettre d’abord en évidence c’est que le chirurgien n’a pas sa place dans ce dispositif. En répondant à la demande, il devient l’incarnation des organisations intramoïques puisque ce que donnent à voir ces demandes c’est l’aliénation du Moi et la puissance de l’Imaginaire, ainsi que l’impuissance du Symbolique à faire le poids face à une telle domination du Moi devenu fort. Le Moi fort et aliéné est davantage gonflé par les influences du discours sociétal et idéologique.

 

Le Moi veut réassigner son anatomie. Mais cela est de l’ordre de l’impossible. La psychanalyse, en tant que clinique, vise à faire en sorte que l’être puisse construire son rapport avec son corps de la meilleure manière possible, ou au moins de la manière la moins pire.

 

Pays structurellement marchand, les États-Unis – fondés par des immigrés mais ayant toujours cet esprit de colonie qui a réussi, a cette manière de traiter les personnes qui y habitent, sans oublier cette volonté d’aimer son prochain jusqu’à vouloir son bien, ainsi que le bien du reste du monde – sont guidés par un Moi fort qui est, en fin de compte, cerbère des organisations intramoïques, à savoir l’Autre non barré et la résistance du Surmoi. Dans cette logique, il est logiquement envisageable de changer de sexe, d’imposer une politique, de modifier les mœurs alimentaires de la population mondiale.

 

Si « depuis 2007, l’Amérique est passée de deux cliniques de genre à bien plus de 50 », si « entre 2016 et 2017, le nombre de chirurgies de genre sur des personnes nées femmes a quadruplé aux États-Unis. », cela va dans cette manière penser du Moi, à savoir dominer l’autre, mon semblable. Pas forcément parce qu’il, le Moi, le veut, mais parce qu’il est commandité par les organisations intramoïques. Est-ce une caractéristique nord-américaine ?

 

Non, c’est un trait structurel du Moi de l’être parlant.

La dysphorie de genre ne doit pas être un argument pour le passage à l’acte suicidaire ou chirurgical. Elle est l’expression de la détresse propre à l’être qui devrait être écouté par des psychanalystes car, de toute évidence, ils sont les seuls à être réceptifs à entendre et à savoir comment opérer.

 

Mais la castration du Moi du discours sociétal n’est pas à l’ordre de jour dans l’organisation mondiale. Pour quelle raison articuler l’histoire d’un pays, la souffrance de jeunes adolescentes et le discours sociétal régi par le Moi et soumis aux organisations intramoïques ?

 

Parce que cela fait partie d’une toile qui ne devrait pas être négligée par nos dirigeants.

 

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