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SANS CASTRATION, POINT DE SOLUTION

 

Fernando de Amorim

Paris, le 11 décembre 2019

 

Dans la brève, précédente, celle du 10 décembre 2019, j’avais évoqué la fonction de « médiateur de santé pair ». Dans ce programme, le médiateur est sans repère et l’abandon du désir du soignant est mis en évidence. Il s’agit bien évidemment de mon interprétation.

 

La santé de l’être n’est pas au cœur d’une telle démarche. Il faut mettre du désir, du frais, du jeune dans les hôpitaux et non officialiser la position d’ex-malade ou d’ex-patient pour un être humain. Si un psychotique devient enseignant, boulanger, psychiatre, là nous pouvons parler d’acte clinique. Le « pair aidant », ou le Père aidant, si le lecteur me le permet, est un vœu pieux car ce n’est pas de cette manière qu’une solution pour la question de la psychose ou la souffrance psychique des êtres parlants sera construite. Les praticiens québécois, et maintenant français qui défendent ce programme à cinq pattes sont dans le registre de la croyance, registre qui est à l’opposé de celui du psychanalyste car ce dernier est dans un rapport de désir, au désir.

 

Si quelqu’un pense qu’à la sortie d’une telle expérience le patient embauché ou le malade hospitalisé sera mieux installé dans sa subjectivité, il se trompe lourdement car, sans castration il n’y a pas de solution. Et la castration est une construction quotidienne, pour tout un chacun.

 

Avec une détresse galopante, notre frère humain recourt à ce qu’il peut pour supporter sa vie. L’usage des drogues lourdes comme celles qui sont appelées festives ou douces, comme l’alcool et le cannabis, servent à tromper les jeunes avec des mots utilisés légèrement car, aucune drogue n’est douce ni festive.

 

La psychanalyse, portée par des cliniciens disposés à payer le prix de leur engagement avec leur désir, a des réponses à porter aux autorités publiques de santé mentale.

 

Pour répondre à des appels de détresse de la population, il faut, plus que jamais, s’appuyer sur les fondamentaux psychanalytique : la création des cliniques publiques à l’invitation de Freud en 1918 et à la notion d’appel chez Lacan.

 

Ce dernier, dès le séminaire « Les écrits techniques de Freud », attire notre attention sur l’appel : « L’appel, voilà une notion que je vous prie de garder » (p. 98).[1]

 

Implorer un esprit sain dans un corps sain, comme écrit Juvénal, passe par des articulations entre l’imaginaire et le réel. L’homme veut être bien dans sa peau sans payer le prix de la castration.

 

Le « Mens sana » c’est vivre au quotidien avec la castration. C’est le résultat de la position de sujet.

 

Il existe, me semble-t-il, deux voies thérapeutiques. La thérapeutique par le phallus et la thérapeutique par l’objet a. La première a comme visée d’introduire des objets dans l’organisme humain ou dans ses orifices : pilule, suppositoire, bistouri, prothèse. Je ne porte aucun jugement sur cette thérapeutique. Elle est nécessaire quand il s’agit de l’organisme malade. Le problème se pose quand le clinicien, qu’il soit psychologue ou psychiatre, ne fait pas la distinction entre organisme et corps. L’organisme est du registre du réel. Pour opérer dans ce champ, il faut être clinicien en médecine – pas uniquement avoir le diplôme –, et savoir ce qu’il est nécessaire de prescrire pour stopper l’hémorragie. Mais se limiter à une intervention strictement organique, risque de transformer la relation médico-chirurgicale en intervention vétérinaire car la parole, le désir du malade ou du patient ne seront pas entendus par le praticien. Peut-il faire autrement ? Je ne le pense pas. Et je pense aussi que donner des cours de psychologie dans des écoles de médecine ne règle pas le problème structurel, à savoir, que le médecin est formé pour soigner l’organisme malade, et non le corps souffrant.

 

Le corps souffrant c’est le champ opératoire de la psychanalyse. De là l’importance que le psychanalyste ne possède pas forcément un diplôme de médecin, mais qu’il soit ami de la médecine, c’est-à-dire, qu’il sache reconnaître les symptômes pour, après examen clinique de sa part, choisir soit d’adresser le patient au médecin traitant, soit qu’il se sente à l’aise pour dénouer le symptôme composé de signifiants qui produit des phénomènes corporels.

 

Mens sana doit être une perspective clinique de santé mentale pour les Français. Nous avons des cliniciens compétents qui peuvent supporter le transfert, l’expression est de Lacan, sans passer par des bidouillages qui cachent l’incompétence et la férocité à ne pas reconnaître la psychanalyse française.

 

[1] Lacan, J. (1953-54) Le Séminaire – Livre I – Les écrits techniques de Freud,  Seuil, Paris, -------, p. 98).

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