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Repenser la formation du psychanalyste

Repenser la formation du psychanalyste


Fernando de Amorim
Paris, le 18 février 2024



La psychanalyse n’est pas critiquée, j’entends avec des arguments solides, cliniques, basés sur des données scientifiques propres à la psychanalyse et non à la physique ou à la biologie. Ces arguments, je les travaille au corps avec les membres cliniciens du RPH depuis des décennies. Cependant, aucun analyste n’est venu examiner, questionner, interroger même mes résultats.
 
Ce qui se passe avec les signalements de patientes à propos des abus de pouvoir doit attirer l’attention sur le fait que la nouvelle génération de cliniciens doit se rendre compte que leur diplôme universitaire de médecine, de psychologie, leur doctorat, voire leur professorat, ne les autorisent en aucun cas à exercer le pouvoir qui leur est conféré par le transfert, pour jouir.
 
Quand j’avais signalé que « la psychanalyse du psychanalyste est sans fin » et cela pour « protéger la psychanalyse et surtout le psychanalysant du Moi du psychanalyste », quelques-uns ont ri au nez d’un de mes élèves. Pourtant, il est d’une évidence accablante que l’analyste doit devenir psychanalyste, que ce dernier doit continuer sa psychanalyse après sa passe, au risque de redevenir analyste selon les indications de ma Carte des trois structures.
 
Être nuque raide et se vanter publiquement ne rend pas service à la psychanalyse. Le déshonneur ne salit pas le Moi ou les proches du Moi en question, il éclabousse tout le monde.
 
Je ne continue pas ma psychanalyse par plaisir, mais par engagement éthique avec mon désir. Si je laissais libre cours à mes pulsions, au détriment de l’enseignement de ma maman, je distribuerais, avec une jouissance sadique évidente, des claques à gogo et sans retenue, j’insulterais le Moi abruti. Ma psychanalyse n’a pas réussi à me convaincre du bien-fondé de la compétence christique à tendre l’autre joue, au grand dam de ma mère.
 
La psychanalyse n’est pas critiquée, ce sont les analystes qui confondent leur position clinique et la responsabilité que cela implique. Comment accepter les critiques de Lacan aux psychanalystes si lui-même a cédé de sa position de psychanalysant ? La psychanalyse ce n’est pas seulement une théorie, une carte maritime, c'est un bateau. Quant à la carte, la carte pour la conduite de la clinique, elle n’existe pas. Il faut la dessiner à chaque séance, à chaque signifiant et à chaque coup de rame. Pour comprendre cette logique, il faut penser à l’équipage de Fernand de Magellan au sud du Brésil : rien pour lui indiquer la voie à suivre, juste un désir dont il ignorait tout.
 
Les théories, celles de Freud et de Lacan, sont à revoir à chaque cas clinique. Aujourd’hui, l’immense masse d’analystes se cache derrière des récits freudiens, lacaniens, kleiniens, pour ne pas construire sa propre position de sujet. Avec quelle autorité peut-elle piloter la cure si elle est incapable de trouver son nord psychique ? Est-elle incompétente ? Je ne pense pas. Cette immense masse a peur de construire son désir. Pour un psychanalyste, c’est une faute grave.
 
Il ne faut pas repenser la psychanalyse, il faut d’abord repenser la formation du psychanalyste. Cette formation doit passer par la psychanalyse personnelle le temps qu’il exercera l’écoute de son compatriote humain. C’est une fois que cette règle sera reconnue par les psychanalystes qu’il sera possible de penser ce qu’est la psychanalyse. Les analystes ne savent pas sur leur désir, ils sont toujours collés au désir de l’Autre. Pour cela, leur Moi jouit selon les commandements des organisations intramoïques de celui-ci. Ce qui ne signifie pas que leur Moi soit exonéré d’avoir à rendre des comptes à la police, à la société analytique, aux psychanalysants.
 
Par lâcheté, le Moi de l’analyste suit le discours de la foule – « Me Too est passé par là, donc il faut respecter les femmes. » Ne savais-tu pas qu’il fallait respecter l’autre ? Ou encore cet autre discours : « les nouvelles formes de symptôme, des orientations sexuées, des pathologies infantiles ». Ces nouvelles formes de discours sont des habits sociétaux de la vieille détresse de l’être à devenir sujet. Pour tenir tête – pas dans la version nuque raide évoquée plus haut – au discours de l’être copain de son Moi, il faut examiner ledit discours appuyé par le transfert, ayant des techniques propres à dénouer les nœuds, telle la technique de l’écarteur, telle l’autorité du transfert. Mais comment faire usage de l’autorité du transfert si, à tout bout de champ, il y a une foule qui ignore le loup et une autre qui en a peur ?
 
La médisance, je la connais bien. Dès qu’une certaine personne n’est pas d’accord avec une action clinique, elle part et indique quelque part : « Amorim est un gourou, le RPH est une secte ! » Régulièrement j’indique qu’il faut venir me dire cela en face ou alors aller porter plainte. Jusqu’à présent et cela depuis quarante-cinq ans, pas de convocation au commissariat.
 
Il faut de l’autorité pour manier le transfert. Il n’y a pas d’accident de transfert. Un psychanalyste baise ailleurs, car la patiente ne vient pas pour se faire baiser mais pour ne plus souffrir (contrat psychothérapeutique), ou pour savoir sur le désir de l’Autre dans un premier temps et construire son propre désir dans un deuxième temps (contrat psychanalytique). Ces deux registres excluent toute forme de manipulation financière ou sexuelle. Comme le psychanalyste a des pulsions, ma solution pour éviter qu’il dérape est qu’il continue sa psychanalyse personnelle, qu’il puisse avoir quelqu’un d’autre pour écouter la voix de son désir, voire le bourdonnement de ses pulsions.
 
À moins qu’il ne se prenne pour Dieu.
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