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QUAND ET COMMENT POURRONS-NOUS RESSORTIR DE CHEZ NOUS ?

La haine en temps de confinement et ses deux mouvements

 

Fernando de Amorim

Paris, 15 avril 2020

 

Le confinement ne laisse pas beaucoup de choix aux manœuvres du moi pour s’esquiver de la rencontre avec la castration symbolique. C’est un de ses avantages. La rencontre avec le Réel n’empêche pas les expressions de la haine. Face à ce dernier, la frustration exacerbe le Moi.

 

Les peurs cachent les rancœurs, l’envie de revanche et de vengeance. La haine envers le voisin, le clinicien, parfois même l’adorable superviseur, ainsi que les commérages – ce que W. Reich avait appelé la peste émotionnelle –, indique l’intention décidée de destruction de l’objet, même si pour ce faire le scorpion périra en tuant la grenouille.

 

Dans la fable, tuer l’autre c’est la nature de l’arthropode, dans la situation du Moi, le clinicien rappellera à cette instance d’ignorance, assoiffée de vengeance et de volonté de destruction, qu’il n’est pas obligé de suivre cette voie. Aucun devoir, pas même celui de mémoire, ne peut être utilisé pour nourrir, au nom de l’injonction, la volonté de nourrir la haine de l’autre.

 

La position de victime voile la haine. Elle peut être utilisée par le moi pour dominer l’autre. En un mot, sans castration du Moi, pas de moyen de construire une solution pour l’être. La clinique montre que la victime prend son pied à occuper une telle position. Cette position est phallique. Dans son versant imaginaire, le phallus est un instrument du Moi pour montrer qu’il a un pouvoir – ce qui lui donne le statut de signifiant – de décision : décision de ne pas bander, de ne pas baiser, de tomber malade, de ne pas guérir, de montrer que la psychanalyse, et bien entendu le psychanalyste, sont incapables.

 

Au rez-de-chaussée d’une cure, médicale ou psychanalytique, le patient demande guérison, mais dans le sous-sol, le Moi veux montrer qu’il a le pouvoir de décision et qu’il a bien le manche entre les mains, ce qui l’autorise à penser qu’il a quelqu’un dans sa manche. Une psychanalysante normale avait occulté une information dans une séance et le lendemain elle avait signalé son oubli. Sa cure était détournée de sa route le temps d’une journée, une autre psychanalysante, psychologue ou psychiatre de formation, m’apprend que depuis onze mois elle a une information qu’elle garde sous le coude. Le lecteur comprendra pour quelle raison j’appelle la première de normale et l’autre de psy. Ce qui sauve la psychanalyse de l’oubli ce ne sont pas les analystes ou les psys. Ce sont les psychanalysants.

 

Dans le deuxième cas, la psychanalyse avance en crabe, jusqu’à perdre son nord ou à couler, corps et biens (Une malade insoignable car insondable, des maltraitances de son chez soi).

 

Une dame m’avait dit que sa belle-mère est morte du colerovirus : « Le coronavirus n’était que la matérialisation médicale de sa colère virulente, de sa virulence virale puisque, tous le monde dans la famille payait les pots cassés de son mal être ». Pendant le confinement, plus de moyens pour le tyran domestique de s’échapper en allant à l’école, au travail, au club. Il est démasqué et cela l’insupporte. Le lecteur identifiera, cela va de soi, son épouse, son fils, sa mère, son autre.

 

Je l’invite à se reconnaître lui-même : « C’est à vos yeux que s’adresse cette missive ! ».

La frustration des relations construites sur des contrats falsifiés (mariages, naissances, avortements, amitiés) est mise à jour pendant ce confinement. Le Moi construit sa vie sans prendre en compte le réel de la vie et la mort de l’existence.

 

Cliniquement, il est vrai que les patients sont beaucoup plus haineux depuis le confinement. Quand cette haine tourne au conflit conjugal, je demande que cela puisse être amené en séance téléphonique. Quand le patient dit qu’il est très haineux, je l’appuie à dire davantage, quand il dit qu’il est méfiant du clinicien, je lui dis que c’est excellent et que c’est la preuve que la cure avance, toute en lui demandant de se mettre au travail d’association libre. La visée est que la haine se détache de l’objet substitutif : soi-même, l’époux, l’enfant...

 

La haine de soi est un deuxième mouvement libidinal. Le premier c’est la haine de l’autre.

 

Pendant le temps que le patient nourrira la haine de soi ou la haine dans le commérage –expression de la haine en bande organisée de l’objet incarné par un autre –, cette libido continuera à pourrir l’existence des commères, mais le patient n’apprendra rien sur l’objet de sa haine.

 

L’intervention du clinicien est ici essentielle. Il doit demander, au moment où le patient parlera de ce premier mouvement, le premier nom de l’objet de sa haine qui lui vient à l’esprit. Normalement c’est le patron, le mari, l’enfant, le clinicien…

 

Le clinicien est un objet particulier puisqu’il peut et qu’il sait manier le transfert. Les patrons ne  savent pas quoi faire avec le transfert, surtout quand ils ont face à eux un Moi diplômé en psychiatrie ou psychanalyse mais armé jusqu’aux dents, avec les armes de la psychanalyse, comme avait dit un prof de fac.

 

Lorsque le clinicien réussit, avec l’aide précieuse du psychanalysant, à ce que ce dernier puisse associer sa haine à l’égard d’un autre, autre que le clinicien ou le faux ennemi (le patron, le mari, l’enfant le clinicien…), que le discours prendra la direction de la Mer d’Œdipe. La cure sera alors dans la bonne direction.

 

Pour l’instant.

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