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Non !



Fernando de Amorim

Paris, le 19 juillet 2023


Est-il possible d’enseigner la psychanalyse à l’université ? Ma réponse est franche, et est portée par le titre de cette brève. Il n’y a pas de transmission possible de la psychanalyse ni à l’université ni dans les écoles de psychanalyse. Il y a divulgation de connaissances d’une théorie. La théorie sans la clinique rend toute tentative de transmission creuse – de là le choix du mot « divulgation ». Et le stage de fin de parcours n’arrange pas l’affaire. C’est comme apprendre à nager attaché à une corde ou faire de la bicyclette avec des roulettes latérales. Cela forme des gamins, des majeurs, mais pas des cliniciens.

La psychanalyse « ne se laisse pas manier aussi aisément » a écrit Freud en 1933. Vu la date, l’homme avait l’expérience pour une telle affirmation. Certains ont pensé qu'enseigner la psychanalyse était une bonne manière de divulguer les idées freudiennes, je pense à Ferenczi et je pense à Daniel Lagache. Ce dernier a voulu, en articulant psychologie expérimentale et psychanalyse, accoucher de la psychologie clinique. Toutefois ses tentatives de ménager l’eau et l’huile ont produit maints inconvénients inévitables à la cuisson.

Il est temps d’affiner. Ma proposition est la suivante : que les universitaires adressent les étudiants de première et deuxième année aux écoles de psychanalyse de leur choix, à condition que ces dernières forment véritablement des cliniciens. Pour cela, il faut un local pour accueillir la population qui sera confiée à ces jeunes cliniciens, que ces derniers soient en psychanalyse personnelle et qu’un superviseur soit à leur disposition pour les difficultés cliniques. Ce modèle, que j’ai mis en place depuis des décennies au sein du RPH, fonctionne. Pour quelle raison ne pas l’utiliser ?


Le moment est venu de penser une psychanalyse autonome car elle peut marcher sur ses propres pieds, mais pas sans l’appui décidé des universitaires des facultés de psychologie et des écoles de psychanalyse.

Ma proposition ne signifie pas d’exclure l’université mais de compter avec les universitaires pour mettre en place un modèle de formation du psychanalyste qui commence à l’université à partir des étudiants de première et deuxième année qui veulent devenir des cliniciens, c’est-à-dire occuper la position de psychothérapeute et de psychanalyste. Pour cela, il faut des groupes d’études chronologiques de Freud, de Lacan et des autres auteurs (Klein, Bion, Winnicott), et non des saucissonnages du discours psychanalytique par des séminaires décousus, des “DU” improbables car hors du contexte psychanalytique. Il faut d’abord faire le tour de la psychanalyse. Sans ce fil rouge, c’est le Moi du professeur qui prend le dessus. Et dans cette logique, l’esprit psychanalytique s’évanouit pour ne plus jamais revenir dans l’amphithéâtre.

Les universitaires proches de la psychanalyse se plaignent que les TCCistes gagnent du terrain à la Faculté. C’est un fait justifié car ces derniers se vantent de professionnaliser les jeunes en deux ans, quand l’analyste qui enseigne la psychologie, tout en se disant psychanalyste, en donnant des leçons magistrales sur Freud, l’Œdipe et le suicide, recule effrayé quand une ex-étudiante mal lunée lui demande des comptes car elle ne réussit pas à avoir un boulot de psychologue. Depuis cinq ans, elle est psychologue mais sa clinique est un zéro pointé. « Elle sait », « il sait », « ils savent » tous puisque c’est ce qu’ils me disent en écoutant la proposition de formation clinique que je délivre avec les membres du Réseau. Pour quelle raison les étudiants, les enseignants, ne s’approchent-ils pas du RPH ?

 

Récemment, j’avais adressé une brève à un jeune professeur. Mon intention était, est toujours, de sauver sa dignité. Les professeurs décèdent, partent à la retraite, tout en criant à qui veut bien les entendre, leur amour pour Freud, Lacan et la Sainte Vierge.

Récemment encore, j’ai eu l’opportunité de dire à un analyste : « C’est Lacan que vous aimez, pas la psychanalyse ». Il a acquiescé. Pour quelle raison ne s’approche-t-il pas du programme d’enseignement de la psychanalyse du RPH pour l’utiliser dans son école ?

Pour une psychanalyse scientifique, pour une psychanalyse qui changera la société – société composée de gens qui souffrent, qui essayent de mettre fin à leurs jours, qui détruisent – il faut que les universitaires s’associent au RPH pour former des psychanalystes car ni l’Université ni les écoles de psychanalyse ne forment des psychanalystes.

Affirmer cela n’est pas vouloir se faire des ennemis : je n’en veux pas et n’en ai aucun. Je vise à indiquer qu’il est impossible de parler de la psychanalyse sans cohérence subjective.


La psychanalyse entre les mains des universitaires est devenue une connaissance creuse. Pour l’irriguer de sang nouveau – et le sang nouveau se trouve au RPH –, les universitaires sont invités à venir voir comment l’école fonctionne et à ne pas se contenter de ragots dignes des esprits les plus vils. Non ! Le RPH n’est pas une secte. Non, je ne suis pas un gourou. Le RPH n’est pas un rassemblement de cliniciens, ni un regroupement de professionnels. Les cliniciens et psychanalystes actuels de l’école je les ai rencontrés quand ils étaient jeunes et étudiants. Enfin, non, je ne mange pas les enfants et je ne suis pas communiste. Ces formules utilisées d’ailleurs par des gens qui se sont restaurés à la table de l’école, ne correspondent pas aux faits.

Et si elles devaient y correspondre, je serais le premier à changer la manière que j’ai de conduire, en tant qu’actuel président du RPH, les objectifs de cette institution.

Au RPH, les étudiants reçoivent des patients quand ils sont en psychanalyse. À la fin de leurs études universitaires, ils sont véritablement cliniciens et ils sont habilités à s’installer en tant que tels. Ils gagnent correctement leur vie, ils n’ont pas 5 à 6 petits boulots tout en étant psychologue, ils payent des impôts, ils sont contents de voir le fruit de leurs efforts tomber dans leur cœur et dans leurs poches.

Une telle démarche est valide et validée depuis le temps. Pour quelle raison autant de haine ? Parce qu’il faut détruire le désir. Discrètement, sans crier gare, en silence, tranquillement comme « le sang des enfants torturés » de la Chanson dans le sang de Monsieur Prévert.

L’attitude de ces messieurs dames, n’est pas psychanalytique.

Non ! la psychanalyse n’est enseignée ni à l’université ni dans les écoles de psychanalyse parce qu’elle n’accouche pas de psychanalystes. Au mieux, elle met bas des analystes, au pire des « psys », qui, tous, ont aussi leur fonction, fonction utilitaire, dans la vie sociétale.



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