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Les faits, l’alignement des événements et la sortie de psychanalyse


Les faits, l’alignement des événements et la sortie de psychanalyse

 

Fernando de Amorim
Paris, le 12 juin 2021

 

Il faut une constante puissance – konstante Kraft – et l’alignement des événements défavorables à l’existence de l’être pour le déclenchement des symptômes, qu’ils soient psychiques, corporels ou organiques.

Pour une sortie de psychanalyse, c’est l’alignement favorable des événements existentiels qui est nécessaire car, un être dans la position de malade, patient ou psychanalysant est possédé par la vie, comme l’est n’importe quel être animé, telle une vache dans la prairie, un abruti ou une fourmi. Une psychanalyse vise à faire en sorte que l’être vivant puisse construire son existence. C’est sa visée. La différence radicale, si nous voulons une psychanalyse scientifique, c’est qu’il faut exiger la preuve par des faits d’une sortie de psychanalyse.
 
Dès le milieu du XIIe siècle, "un fait" indique ce qui est arrivé, une action. Une action, pas un acte. Une sortie de psychanalyse exclue tout passage à l’acte. Il ne s’agit pas d’éruption d’une parole qui chamboulera toute une vie, il ne faut pas se concentrer sur la perle, mais sur le fil, c’est lui qui fait le collier, comme l’a écrit Flaubert dans une lettre(1). Il faut donc se concentrer à examiner la construction qui prouve que la psychanalyse est arrivée au terme de son voyage, comme un bateau arrive à bon port pour le voyageur. Il peut s’agir de terre ferme, pour le névrosé ou psychotique – représenté par l’arrivée sur un continent pour le premier et sur une île pour le second –, ou un lieu aquatique apaisé, comme un mouillage, pour la structure perverse.
 
"Un fait" c’est la réalisation d’une chose, dit le dictionnaire. La réalisation de cette chose est la construction d’un objet castré pour l’être, ce qui rend ce dernier apaisé dans son rapport à lui-même et par conséquence, par rapport à l’autre, son semblable ; par rapport au Réel. Cet apaisement est dû au fait que, castré, le Moi, occupe sa position d’instance aliénée mais dégonflée et quand il essaye de se gonfler, le Surmoi, qui maintenant occupe sa position symbolique de censeur castré, c’est-à-dire, de censeur bienveillant, qui surveille, signale mais ne punit pas, comme quelqu’un qui signale que « ça déconne chez toi ! », et que ce que le Moi dit ou fait – acte et non action –, aura de conséquence pour le Moi mais aussi pour tout l’appareil psychique. Ces signalements peuvent être fait par les symptômes, de là mon expression signifiant corporel, dans le corps et de manière plus insistante, sur l’organisme.
 
« Ça déconne » est une expression mal dite. Le Ça n’a pas d’intention, il serait plus juste de dire « Moi déconne » quand le Moi utilise la libido du Moi pour s’aliéner. C’est cela la définition de « Moi déconne ». Mais comme le Moi est aliéné, il est au service des organisations intramoïques, à savoir, les actes déplaisants de la résistance du Surmoi, ou les paroles accusatrices de l’Autre non barré envers lui, le Moi.
 
Après la sortie de psychanalyse, la manière d’agir, la façon d’agir, l’autre définition d’un fait, est castré, ce qui signifie que l’être occupe une position à taille humaine, la sienne.
 
Pour parler de sortie de psychanalyse est attendu l’alignement des trois événements, à savoir l’Autre barré, la position de psychanalysant, la traversée du fantasme fondamental.
 
*---------------- * ------------------------------- * ------------------------ = Sortie de psychanalyse
Autre (Ⱥ)        Position de psychanalysant    Fantasme fondamental
 
Au moment du témoignage de sortie de psychanalyse, le psychanalysant témoigne d’une parole qui était venue de l’Autre barré et non du Moi. Cette parole lui révèle le vrai de sa condition humaine, de sa vraie taille, ce qu’il est capable de faire et ce qu’il doit supporter de ne pas réussir.
 
Cela signifie, évidemment, que ce témoignage ne peut venir que de l’être dans la position de psychanalysant. Le discours bien dit d’un poète, d’un trait d’esprit heureux d’un être dans la position de malade ou de patient, même d’un être normal qui fait un bon mot, ne comptent pas ici. Il faut signaler qu’à ce moment-là, ce psychanalysant n’a plus les symptômes qui le faisaient souffrir à l’entrée en psychothérapie. En plus, il a construit son existence : un travail, un amour.
 
Enfin, il est possible de trouver dans son témoignage, la preuve de la traversée d’au moins un fantasme fondamental.


1- Lettre de Flaubert  À LOUISE COLET, 26 août 1853. Gustave Flaubert
Correspondance  II (1851-58) Pléiade, Gallimard, Paris, 1980, p. 417
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