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Le prix de porter la psychologie du Moi au détriment de l'Autre barré (Ⱥ)


Le prix de porter la psychologie du Moi au détriment de l’Autre barré (Ⱥ)

IIe brève

 

Fernando de Amorim
Paris, le 15 mars 2021

Le discours idéologique c’est le discours du Moi. Le Moi est cette instance aliénée par structure qui sert aux intérêts des organisation intramoïques, j’ai nommé la résistance du Surmoi et l’Autre non barré.

Dans « L’Appel de l’observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et l’adolescent : impacts des pratiques médicales sur les enfants diagnostiqués “dysphoriques de genre” », il est écrit que « depuis dix ans, les demandes de réassignation de sexe se sont, dans cette catégorie d’âge, accrues de manière exponentielle… ». Quand Lacan met en évidence l’importance de ne pas répondre à la demande, il est possible de constater que cette directive clinique est toujours d’actualité. Au clinicien de savoir la manier. Est-ce le cas ? Est-il au moins dans la position de clinicien ? Ne pas répondre à la demande est toujours d’actualité car il est impossible de réassigner le sexe car il est du registre du Réel. Il faut faire avec.

Mais comment opérer si en face il n’y a pas de clinicien ? Seul un clinicien peut tenir tête, sans entrer dans une relation de confrontation bien évidemment, avec Le Moi, ses organisations intramoïques, la populace internautique, les associations qui se forment en agrégat de défense du narcissisme de la petite différence.

L’Appel écrit ce qui suit : « Que doivent comprendre les professionnels de l’enfance et de la jeunesse, pédagogues, médecins ou psychologues, de l’explosion récente de cette demande voire revendication ? ». Cette question indique que la barque fait eau dès le départ. Où sont-ils les psychanalystes pour défendre une cause légitime, la cause la plus légitime d’une société humaine, à savoir, ses enfants ?

L’Appel fait appel au « Conseil de l’Ordre des médecins », qui est sérieusement contesté par la défense du médecin et non de la victime et que la Cour des comptes, en décembre 2019, épingla pour des comptes souvent incomplets et insincères.

Je propose la réforme dans la formation du médecin et dans son exercice professionnel. Pour la formation, l’étude des cas cliniques à partir du discours de celui qui souffre. Il faut dire que j’assure une fois par mois, une présentation clinique où j’écoute une personne qui a demandé à rencontrer un psychanalyste dans le cadre de la CPP (Consultation publique de psychanalyse). Ce rendez-vous se fait avec trois autres cliniciens. Cette logique vise à réanimer les présentations cliniques assurées par Lacan. Peut-être, les étudiants en médecine, au contraire de se limiter à l’étude des fonctions anatomo-physiologiques, pourraient-ils entendre le discours de celui qui souffre. L’autre visée est que, une fois formés, les médecins puissent installer la clinique du partenariat, pratique où les médecins, au contraire de faire de l’écoute sans savoir quoi faire avec, invitent le malade à rencontrer un psychanalyste de confiance, toujours dans le cadre de la CPP. Ce dispositif, je l’avais appelé la cônification du transfert.

Ces deux stratégies fonctionnent depuis plus de trente ans. Les résultats sont fort favorables. Pour quelle raison ne pas les mettre en place ? Parce que l’idéologie du Moi, l’autre nom de la psychologie propre au Moi, n’est pas le monopole des patients, des associations de malades ou de parents. Cette instance concerne les professionnels de santé mentale tout autant.

Lorsque j’ai proposé que la psychanalyse du psychanalyste soit sans fin, beaucoup d’analystes ont ri. Cette proposition, tellement freudienne, comme tant des propositions faites par l’auteur de ses lignes, vise à épargner la psychanalyse et surtout le psychanalysant du Moi-pastèque du psy, voire des analystes.

Bien évidemment il faut compter avec les organisations médicales et universitaires, à condition qu’elles soient d’accord de travailler avec les écoles de psychanalyse. C’est ce que je fais depuis des années, indépendamment des organisations médicales et universitaires, d’ailleurs. Le résultat ce sont les 60. 097 consultations publiques assurées par les cliniciens du RPH en 2020.

Quand les auteurs écrivent que « L’Appel de l’Observatoire porte essentiellement sur la protection de l’enfant et la préservation de son intégrité physique et psychique. », cela m’indique qu’ils partent au combat la fleur au fusil, fusil factice qui plus est.

Il y a des décennies, j’ai mis en évidence que le physique concerne les objets sans vie, et qu’il est à distinguer de l’organique et du corporel. Cliniquement, n’importe quel psy qui ne fait pas la distinction entre le physique, le corporel et l’organique, fera fausse route quand il sera obligé de conduire une cure, quand il devra parler avec les autorités sanitaires ou les associations de défense des patients. En d’autres termes, le physique n’est pas le corporel, qui, lui-même, n’est pas du même registre que l’organique. Le physique (« physical ») est aussi une manière anglosaxonne de faire référence au médical (« physician »), et au corporel. La lecture ne peut qu’être désastreuse pour l’être parlant qui, pris par le désir, l’imaginaire, le corps érogène, voit ces registres être lus de manière mécaniciste.

L’Appel écrit que « la « dysphorie de genre » des enfants et des adolescents témoigne à la fois « d’une question intime posée par un enfant ou un adolescent ». Il ne me semble pas sensible à mettre en évidence la terminologie psychanalytique qui enseigne qu’il s’agit du Moi d’un enfant et d’un pubère. Il continue : « …mais aussi de la manière dont les enfants et les adolescents se font caisse de résonance, voire instrument du corps social qui valide immédiatement leur demande. ». Ils se font surtout caisse de résonnance du désir de l’Autre, incarné par le discours sociétal, le même qui « valide immédiatement la demande. ». Le corps social est régi par l’Autre barré (Ⱥ). Le corps sociétal, par le Moi et ses organisations intramoïques. C’est le corps sociétal qui est porté et répond présent à l’idéologie du genre.

La psychanalyse est présente, portée par les enseignements de Freud et de Lacan, mais les analystes ne sont pas au rendez-vous fondamental, celui de porter le désir castré dans la Cité. En un mot, le corps social est porté par le symbolique frotté au Réel, le corps sociétal est porté par l’Imaginaire qui déforme le Symbolique et nie, voire refuse, le Réel. Cette déformation du Symbolique se retrouve dans la tendance du Moi-grenouille de Monsieur de la Fontaine à inventé sa propre langue, l’inclusive au détriment de la langue française construite et façonnée au fil des siècles.

Les « jeunes personnes expliquent se sentir appartenir à l’autre sexe et y voir assurément la réponse à leur mal-être. », dit le texte. Et pourtant cet « assurément » ne trouve pas sa source chez les jeunes personnes mais dans leur Moi. Quant à ce mal-être, il est à chercher dans le monde dans lequel il, ces jeunes, vivent, à savoir, un monde de majeurs et non d’adultes.

Les pratiques médicales ne cèdent pas à l’injonction, le mot est très bien choisi, de nouvelles normes sociales, comme dit le texte, mais à de nouvelles normes sociétales. Normes régies par les organisations intramoïques qui trouvent dans la résistance du Surmoi leur bras armé et dans le Moi aliéné, le cerbère de l’Autre non barré – (A) –, son bras verbal. Sans cet éclairage psychanalytique, le clinicien, le politicien, les parents, continueront dans cette voie d’égarement vers le pire.

Un « débat possible », comme souhaite le texte, et je partage entièrement leur souhait, introduira le symbolique qui castre et apaise. Cependant, pour que cette opération soit possible il faut des adultes qui portent un tel discours. Ce que je constate c’est que la médecine devient de plus en plus une pratique vétérinaire dédiée à des mammifères humains, et que la psychanalyse devient une pratique d’analyste et de psy. D’où l’importance que les psychanalystes retournent au lieu qu’ils ne devraient jamais avoir quitté, à savoir le divan. La psychanalyse du psychanalyste ce n’est pas une vue de l’esprit, c’est ce qui peut autoriser le psychanalyste à porter l’autorité du transfert et de dénoncer les déconnades du Moi.

Non, il n’est pas permis « d’interroger au préalable ce mal-être des jeunes en mal d’identité et en proie à toutes sortes d’angoisses », « sans être frappé de l’anathème de transphobie », et cela parce que le praticien confond sa position. En s’installant à la place de policier, il n’occupe plus la position de clinicien car qui interroge c’est la police. Un clinicien, examine. Un clinicien sait éviter la relation imaginaire, ce qui n’est pas le cas du praticien. Ceci est dit concernant la clinique. Socialement, les jeunes « en mal d’identité et en proie à toutes sortes d’angoisses » sont la proie surtout des majeurs qui font semblant d’être adultes. Un majeur, celui qui a acquis sa majorité légale, au contraire de l’adulte, ne porte pas l’autorité de ceux qui sont responsables de leur désir. Ces lâches, ces couards face à leur désir deviennent père, mère, enseignant, soignant, mais sans une once d’attention envers le désir qui les anime. J’en veux pour preuve le nombre de pathologies et des arrêts-maladie.

Comment un jeune peut-il supposer que le monde est possible et qu’il est possible de vivre pour construire son existence si, face à lui, s’offre le spectacle désolant d’un majeur qui lui rabâche de faire ce qu’il dit sans que lui-même fasse la preuve d’être capable de dire ce qu’il fait ?

En évoquant un documentaire cité dans ma première brève, l’Appel évoque « Dans un premier temps, l’entourage de l’enfant ». L’entourage en question incarne l’injonction de l’Autre non barré (A), celui que j’avais appelé le bras verbal des organisation intramoïques. Ces diktats sont des expressions de jouissance sur le Moi aliéné. C’est pour cette raison que personne ne pourra dire que je dénonce celui-ci ou celle-là. J’étudie l’appareil psychique du mammifère humain. Personne n’est visé. Que les abrutis se rassurent. Ils ne m’intéressent point. Des abrutis ont tué des membres de Charlie Hebdo. D’autres idiots râlent déjà parce que, la dernière Une montre la reine d’Angleterre serrant le cou de sa belle-fille. Il va de soi que je ne suis pas d’accord avec la violence faite à l’endroit de qui que ce soit.

Une famille, lorsqu’elle est composée d’adultes, éduque les mineurs à devenir des femmes et des hommes qui se comportent bien. Une famille où le père fume du shit avec son fils, indique que ce dernier a intérêt à s’accrocher à l’Autre barré (Ⱥ), pour s’inscrire autrement dans ce monde.

La visée de Charlie Hebdo est de faire rire face à la stupidité du Moi, face à la connerie humaine. À aucun moment je n’ai cru que la reine Elisabeth ait fait ça à l’américaine. C’est l’absurdité qui m’a amusée. Quelques anglais se disent déjà outrés par l’image « raciste ». Ces êtres qui crient au loup ! à tout bout de champ comme s’ils étaient en sucre. Ils n’ont pas encore compris que les sociétés manquent cruellement de gens qui se comportent bien et croulent sous le nombre des censeurs prompts à dénoncer chaque pet que le voisin lâchera.

Le texte évoque « Des bloqueurs de la puberté » qui pour l’auteur de ses lignes, sont la matérialisation de la résistance du Surmoi du médecin. Ces bloqueurs visent à « éviter que les caractères sexuels secondaires ne s’installent. ». La visée d’un clinicien est de faire que l’appareil psychique humain danse avec le Réel, et non qu’il lutte contre. Lutter contre le Réel c’est perdre à l’avance. Des « hormones de l’autre sexe pourront lui être proposées avant sa majorité (dès 14 ans, en France). ». Une telle proposition sociétale sent la haine, la vengeance du Moi du majeur envers l’autre, ici dans la position d’enfant. Ces « interventions chirurgicales seront possibles, avec l’accord des parents, dès avant la majorité. ». C’est ici, et c’est mon interprétation, que je reconnais la validation dans le corps réel, dans l’organisme, de la haine et de la vengeance du Moi et des organisations intramoïques au service desquelles il est.

Quand l’Appel écrit : « On n’y entend qu’un seul point de vue (rarement celui de Sasha au final, plutôt celui de sa mère) », il faut faire la distinction entre Sacha dans la position d’objet, et le désir de l’Autre non barré (A). Pour ma part, je préfère mettre en évidence le désir de l’Autre non barré plutôt que « celui de sa mère » comme il est dit dans le texte. Si le lecteur suit ma logique, il n’y a pas de victime ou de bourreau incarné par qui que ce soit. Cette erreur fut commise par Bettelheim. Il faut que la nouvelle génération de psychanalystes apprenne avec les erreurs de leurs aînés, notamment celles d’oublier Freud et de ne pas être lacanien.

Dans une telle perspective, il est évident qu’aucun professionnel – « pédiatre, psychologue, enseignants, etc. » – qui gravite pourra entrer. Et cela parce qu’ils gravitent. Il n’est pas possible non plus de savoir ce qu’ils défendent puisque la visée est d’« interroger », et non de construire un savoir à partir du désir à castrer, castrer symboliquement, de l’enfant.

Je suis d’accord avec le texte quand il est écrit que « Petite fille est une création partiale, engagée, mise en scène ». Mise en scène par des majeurs cela me semble important de le préciser. Je ne dirais pas des majeurs irresponsables, je dirais une mise en scène menée par des Moi au service de leurs organisations intramoïques. Il s’agit d’une stratégie visant à éviter la castration symbolique.

Il faut ajouter qu’il ne s’agit pas du « regard du réalisateur », mais du regard du Moi du réalisateur. C’est la différence entre une lecture psychanalytique et une lecture moralisatrice, psychologique, psychiatrique, de l’intention.

L’Appel écrit ce qui suit : « Si l’on compare avec des diagnostics plus communs, ayant de bien moindres conséquences médicales, on s’aperçoit que le processus, étrangement, est beaucoup plus strict. ». La raison, et c’est mon interprétation, c’est que, l’intention du Moi au service des organisations intramoïques, est de, avec la dysphorie de genre, matérialiser, sur le dos, ou le sexe de l’enfant, le fantasme, voire le délire du majeur, qu’il soit parent, réalisateur, soignant.

Il est évident qu’un « rendez-vous avec la pédopsychiatre, deux ou trois mois plus tard » n’est pas suffisant pour régler une affaire aussi sérieuse qui est la volonté de changer de sexe. En suivant la voie de Freud et de Lacan j’ai mis en place, en rendant hommage à mes collègues chirurgiens, la technique de l’écarteur, technique qui consiste à augmenter et maintenir, le nombre de séances hebdomadaires (technique de l’écarteur horizontale) ou journalière (technique de l’écarteur verticale). Le lecteur remarquera la différence radicale entre rencontrer un patient tous les jours et une fois par mois, séances mensuelles qui, en plus, sont remboursées. Cette stratégie produit un effet de pipi de chat en plein désert. Même effet pour ce qui est de proposer à l’enfant de « bénéficier » d’une « investigation psychologique ». Pour ce qui est de « l’investigation », la clinique exige d’abord l’examen et ensuite des consultations soutenues. Pour ce qui est du « psychologique », la clinique exige une lecture de l’inconscient structuré comme un langage. Le « psychologique » ne risque pas d’être efficace car l’affaire se déroule et se construit où il faut mettre du sien, l’autre nom du désir du psychanalyste, pour accéder à l’océan appelé inconscient, et ainsi naviguer dans des « eaux jamais sillonnées », dixit Luis de Camões. Les facultés de psychologie sont au courant de l’essoufflement de leur stratégie puisque cela fait quarante ans que je radote le même refrain : compter avec la psychanalyse, la vraie, la freudo-lacanienne. Le résultat de mon affirmation est là, au sein de la consultation publique de psychanalyse du Réseau pour la psychanalyse à l’hôpital (RPH).

Le texte signale que : « en revanche un rendez-vous avec l’endocrinologue va se faire le jour même afin de préparer le protocole de changement de sexe. ». Le lecteur remarquera que dans le cas d’un tel choix , la jouissance de l’Autre non barré (A) est épaulée par le discours sociétal, au détriment de la castration du Moi par l’Autre barré (Ⱥ). C’est dans ce choix que se loge le parti pris du Moi au service des organisations intramoïques.

Proposer à un enfant de 8 ans d’entrer « dans un parcours de « transition de genre » qui entraîne un changement radical de son apparence, impliquant sa future castration et par conséquent sa stérilité définitive. », est-ce irresponsable ? Me positionner ici serait rentrer dans un débat stérile, sans jeu de mot. Un clinicien n’a aucun pouvoir de décision. En revanche, je peux dire que cette expression du Moi au service des organisations intramoïques n’est pas favorable pour l’enfant et son avenir.

Il est évident que « On peut croire que Sasha rêve d’être une fille », mais ce qui attire surtout l’attention c’est l’absence d’adulte pour accompagner cet enfant dans son entrée dans le monde des adultes. Ce qui va de soi puisqu’il y a de moins en moins d’adultes autour des enfants. Il est possible de constater que le Moi des majeurs qui l’entourent, par désir, demande ou abstention, engage le Moi de l’enfant dans l’aliénation de devenir ce qu’il n’est pas.

Les membres de l’école, le corps enseignant, en refusant de céder à la demande de l’Autre non barré, occupent la position de l’Autre barré prime (Ⱥ’). C’est cette position transférentielle qu’occupe le psychanalyste quand il est mis par le malade ou le patient dans la position de psychothérapeute. La différence est que le psychanalyste occupe cette position en attendant que l’être entre en psychanalyse. Comment faire une telle distinction quand l’expertise demandée est « médicale et psychologique » ? De toute évidence, une telle expertise ne touchera pas, comme je l’ai déjà signalé plus haut, le cœur de l’affaire, à savoir, celui de la castration du Moi pour que l’être puisse construire son existence et avec cette construction, une danse possible avec le Réel.

L’enfant n’est pas « porte-parole de la cause trans », il est traité en objet du désir de l’Autre non barré (A). Une partie de son corps pourra même être élue par les organisations intramoïques à devenir chose. Le drame se met en place quand le Moi occupe la place de chose, ce qui le pousse au suicide.

Le Moi, se rassemblant en troupe, tribu, forme une communauté des Moi qui écrase toute possibilité à l’être d’accéder, grâce à la construction de son existence, à la subjectivité.

Les professeurs, dans la position de l’Autre barré prime (Ⱥ’), font appel à la loi de la République pour empêcher le Moi et les organisations intramoïques des parents et de l’enfant, de jouir du corps de ce dernier. Les chirurgiens – en opérant l’enfant, et répondant ainsi à la demande du Moi parental –, et en mettant « L’urgence à intervenir » sur le compte de la « survenue des transformations pubertaires », font jouir aussi leurs organisations intramoïques sur le corps de l’enfant. Leurs arguments fallacieux de la survenue des transformations pubertaires ne sont qu’une justification pour pouvoir jouir du réel du corps de l’autre.

Quand l’Appel écrit que, « Avec cette décision de la Haute Cour, l'intervention médicale pour les mineurs – et en particulier pour ceux de moins de 16 ans – souffrant de dysphorie de genre sera, nous l’espérons, plus prudente. », il faut mettre en évidence qu’elle sera plus prudente mais pas suffisante. Si les auteurs veulent faire de la clinique, ils doivent proposer un examen du désir des parents par un psychanalyste.

La transidentité n’est pas un droit, c’est un piège, c’est un refus, de la part du Moi du majeur qui l’entoure, de reconnaître à l’enfant sa responsabilité de porter son sexe, c’est aussi, toujours de la part du Moi du majeur, une façon de se dédouaner de sa responsabilité d’accompagner l’enfant dans le chemin de la castration symbolique. Il s’agit de la lâcheté du Moi des majeurs qui, par manque de courage de porter son fantasme, voire son délire, projette sur l’enfant, sans offrir à ce dernier les moyens de construire sa propre identité et l’érection de sa propre transidentité, c’est-à-dire, une identité au-delà de l’identité parentale.

Il ne s’agit pas d’une avancée sociétale d’infliger à un enfant un sexe qui n’est pas le sien. Le discours sociétal est porté par l’imaginaire, au nom du Moi. Le discours social est porté par le symbolique, par la castration.

Comment proposer une voie possible si « notre expérience après un siècle de travaux en psychologie de l’enfant nous oblige à » ? Cette question me pousse à en poser une autre : Comment lire l’enfant avec la psychologie ? Quid de la psychanalyse ? Quid de la clinique psychanalytique avec l’enfant ? La lâcheté du clinicien de ne pas assumer publiquement qu’il est psychanalyste à part entière est-elle responsable de cette difficulté à se faire entendre des autorités publiques de la santé, de l’éducation infantile, dans la formation universitaire des médecins, psychiatres et psychologues ?

Les réseaux sociaux, comme il est écrit dans le texte – j’écris réseaux sossiaux car, je me demande s’ils savent lire et écrire ; le « ils » en question, ce sont ces êtres qui donnent leur avis sous pseudonymes ; mon ss fait référence à la Schutzstafell, l’escadron de protection du régime national-socialiste – ces réseaux donc n’instaurent aucune « vérité subjective », comme le défend naïvement le texte. La vérité instaurée est moïque et non subjective. Il n’y a pas de destruction dans la subjectivité. La subjectivité est la preuve même que l’être n’a plus besoin de la destruction pour exister, de là son appétit pour construire. Il y aura plus de possibilité de « construction subjective » si les cliniciens s’alignent d’abord sur le discours freudo-lacanien. Il me semble importante de passer un message clair à la population et aux autorités pour que la possibilité d’être entendu se fasse jour. La « propagande communautariste » est un rassemblement des Moi. L’expérience sociale et laïque française est l’expression de la possibilité pour l’être de construire sa subjectivité. Nulle part ailleurs, l’être humain a autant de possibilités de construire son existence avec du respect, de la liberté et de la dignité.

Le texte écrit que : « En effet, un enfant – et même un adolescent – n’est pas un adulte : c’est un être en développement… ». Comment défendre une telle idée si l’étymologie de développement laisse entendre le juste opposé. À la fin du XIVe siècle, développement signifiait l’action de déplier ce qui était enroulé sur soi-même. Je préfère le mot maturation – « un enfant est un être en maturation » – car il indique l’évolution d’un abcès vers la maturité.

L’Appel écrit ce qui suit : « Ces données étant connues, pourquoi est-il immédiatement prévu, dès lors que la dysphorie est diagnostiquée, d’engager un protocole sur plusieurs années… ». Il est évident que la voie de la jouissance est beaucoup plus accessible que celle de la castration. D’où l’importance d’engager les parents à participer cliniquement, en rencontrant un psychanalyste, aux propositions du « discours des adultes et de ses pairs ». Le lecteur pourra se dire : n’est-ce pas tyrannique d’imposer la rencontre avec un psychanalyste ? Ma réponse est la suivante : est-il tyrannique d’imposer la volonté de son désir au corps de l’enfant ? La fonction du psychanalyste sera de descendre dans l’arène clinique, à savoir, entendre le désir de l’Autre et faire le Moi entendre raison. Si cela est possible. Cependant, la rencontre avec un psychanalyste – pas un psychiatre, pas un psychologue – mérite d’être inscrite dans le protocole et que son avis puisse avoir autorité de ralentir, voire bloquer le processus médico-chirurgical. Pourquoi un psychanalyste ? Parce qu’il a poussé sa psychanalyse à terme et qu’il la continue, comme c’est le cas au sein du RPH. Les psys et les analystes n’ont pas assez de souffle pour tenir dans la durée face aux assauts des résistances en jeu.

Les partisans du changement de sexe des enfants évoquent des « bénéfices psychiques ». Il faut mettre en évidence que les bénéfices psychiques pour un être humain ne peuvent pas faire l’économie du symbolique et donc de l’opération de castration, mise en place par la psychanalyse.

Il est vrai qu’il y a la possibilité de « Si l’on n’intervient pas, la majorité des enfants dysphoriques se réconcilient avec leur sexe biologique à la puberté et se rendent compte qu’ils sont tout simplement gays. ». Cependant, ce n’est pas non plus obligé qu’ils deviennent homosexuels. Il est tout à fait possible qu’ils deviennent hétérosexuels. Mais pour cela, il est fondamental que le clinicien n’abandonne pas le transfert – le souffle nécessaire évoqué plus haut – pour ainsi empêcher la jouissance du Moi et des organisations intramoïques. La visée clinique est que le Moi et les organisations intramoïques des parents laissent l’enfant vivre avec son corps et son sexe, qu’il soit masculin ou féminin.

Pour mettre en place une telle opération clinique, avec visée scientifique, il faut se mettre en tête qu’il n’existe pas de « groupes de contrôle » dans une psychothérapie conduite par un psychanalyste ou dans une psychanalyse. Cette exigence du texte indique que les psys qui la signeront veulent servir deux maîtres à la fois. Freud a déjà signalé que cela est impossible.

Un médecin peut conclure que « les femmes transgenres présentent un risque presque deux fois plus important de développer une maladie thromboembolique veineuse. Ce risque s’accroît encore davantage avec les années. En ce qui concerne le risque de faire un AVC causé par un thrombus, les probabilités étaient 9,9 fois plus élevées chez les femmes transgenres que dans le groupe témoin. ». Une telle tâche est impossible pour un psychanalyste. De là mon respect pour le travail du médecin et pour la valeur de la méthode horizontale chez les biologistes. Cependant, cette méthode ne peut pas être utilisée pour vérifier l’efficacité d’une psychanalyse. Pour cette raison j’avais proposé de mettre en place une méthode verticale pour l’évaluation d’une psychothérapie avec psychanalyste ou d’une psychanalyse.

Que les biologistes et les médecins puissent lire l’être humain avec les lunettes des physiologistes, voire des vétérinaires, cela va de soi. Ma proposition pour le médecin de ce siècle, pour qu’il s’humanise, est de travailler en partenariat avec la psychanalyse.

Le médecin endocrinologue, et le chirurgien, pris dans la demande de l’Autre non barré (A), produisent des effets ravageur chez l’être. Ces professionnels ignorent le rapport du Moi avec le Réel. Le Moi de l’enfant est tout à fait capable de céder de son organisme pour s’aligner au fantasme, voire au délire des organisations intramoïques parentales. Ma visée, avec la clinique du partenariat et la cônification du transfert, est d’offrir à l’enfant, sans oublier les parents, la possibilité de construire une image favorable de son corps en supportant, par la castration, la frustration, dans un premier temps, d’être tel qu’il est organiquement. Dans un deuxième temps, une fois que la castration de l’Autre barré a traversé le champ du Moi, l’enfant réussit à construire une sublimation, voire une Durcharbeitung.

Le texte écrit ce qui suit : « Et pourtant nous savons tous fort bien que l’attente permet un travail de réflexion sans précipitation… ». Non, je ne le sais pas. L’attente seule, produit davantage de frustration. L’attente avec un psychanalyste produit la castration nécessaire pour le « travail de réflexion sans précipitation, l’introspection détachée des influences de l’environnement », permettant ainsi de « dépasser les moments critiques… ».  Il est possible de confirmer cela à partir de la clinique.

Affirmer que « Psychique et somatique sont intimement liés », nourrit le flou conceptuel, ce que j’avais indiqué avec le « physique » au début de mes remarques. Affirmer sans argumenter cliniquement produit un désaveu à l’égard de l’autorité du transfert dont le clinicien a besoin pour opérer.

La proposition d’un « protocole médical systématisé » dénoncé par les auteurs de l’Appel, va dans le sens de cette vétérinisation de la médecine de l’être parlant que j’évoque comme le destin inévitable de la médecine humaine quand elle ne saisit pas la main tendue de la psychanalyse car, en faisant de cette manière, les médecins, sans le vouloir car sans savoir, donnent à l’être parlant qui souffre et qui vient lui rendre visite, le statut de mammifère humain, quand la psychanalyse le pousse vers la construction de la position de sujet.

Le texte préconise la « création de consultations d’investigation longues et/ou de psychothérapies spécialisées indépendantes des hôpitaux, des lieux de consultations neutres et indépendants de toute emprise idéologique, menées par des personnels spécialisés ayant suivi une formation multi-critères (médicale, psychologique, sociologique, juridique, etc…) ». L’Appel noie le poisson. Une telle structure existe déjà. Il s’agit de la CPP du RPH. Quant à vouloir une formation multi-critères, l’Appel, en demandant une multitude de critères, finira par n’en avoir aucun.

 

Pour conclure avec les auteurs, je souhaite aussi « dépsychiatriser la “dysphorie de genre” ». Il me semble que le travail en partenariat, psychiatre prescripteur, médecin, psychanalyste, éducateur, parents, serait plus riche ce qui est appelé, je suppose, des vœux de tous. Et les psychologues et les psychiatres qui veulent être psychothérapeutes ? Je les invite vivement à commencer une psychanalyse et devenir psychanalyste, unique voie pour accéder au cœur de la souffrance de ces enfants et de ces parents.

Et pourtant, sans évoquer un seul instant la psychanalyse, l’Appel montre son ingratitude. Il mange la soupe concoctée par Freud et servie par Lacan, sans se donner la peine ni de payer l’addition ni, à tout le moins, de remercier le cuisinier et le serveur.

L’école, selon l’injonction des auteurs « doit s’adapter à tous les élèves ». Quelle douce aliénation. Et si l’école n’obéit pas aux injonctions de l’Appel des auteurs ? Elle risque de « devoir faire face au désaccord des parents (et leurs associations respectives) ». Courage fuyons ! Peur du Moi des parents, peur des associations des Moi liés par une association de défense du symptôme.

Un clinicien n’a pas à craindre le Moi au service des organisations intramoïques. Il se doit de travailler avec les vraies associations, celles où des parents, avec les enseignants, avec les médecins, les psys, les psychanalystes, forgent des êtres dignes et aptes à exister, ou au moins à être en vie dignement.

Je pense qu’il faut viser le Moi des parents. Si le clinicien arrive à le sensibiliser, peut-être, les parents seront aptes à aider les enfants à s’adapter, c’est-à-dire, à danser avec le Réel. L’adaptation n’est pas un mot horrible, sauf pour le Moi imprégné d’idéologie. Le pire c’est de ne pas être prêt à danser avec le Réel parce que le Moi parental ou sociétal l’a estimé inutile. L’école ne doit pas subir les caprices du Moi et des organisations intramoïques des parents.

 

Où sont les psychanalystes pour proposer des solutions du type CPP ?

 

Ma conclusion est qu’il n’y a pas d’adulte dans toute cette affaire. Il y a des mineurs perdus et des majeurs paumés. Avec ou sans diplôme.

Dans le travail réalisé par le groupe de travail de l’Observatoire, 6 personnes se disent psychanalystes, tout en mettant en évidence leur statut universitaire ; 1 est psychologue ; 5 sont psychiatres dont 3 se disent aussi psychanalystes ; 1 est pédopsychiatre.

Comment construire une autorité clinique si la confusion, voire l’hésitation du rapport de l’être praticien avec son désir est l’Appel le plus évident ?

La clinique psychanalytique exige des candidats à devenir psychanalyste, de la rigueur, celle du danseur étoile, du fin menuisier, de l’excellent chirurgien, de l’habile boxeur, du surfeur joyeux, de l’enfant.

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