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Le choix des mots


Le choix des mots


Fernando de Amorim
Paris, le 28 novembre 2020


En finançant un « Observatoire sociétal du médicament » (Le Monde diplomatique, novembre 2020), « Big Pharma » ne semble pas s’intéresser à la consommation excessive des psychotropes des français, ou au gaspillage des médicaments qui sont prescrits aux patients et que ces derniers oublient dans leurs tiroirs, voire accumulent pour des tentatives parfois réussies de suicide.

Ce n’est pas un observatoire social du rapport des Français au médicament qui, il faut le dire sans hésiter, est nécessaire et utile. En créant un observatoire sociétal, les marchands de médicaments visent à améliorer leur image, non la bonne utilisation des médicaments.

L’observance thérapeutique n’est pas respectée par le patient parce que le médecin a perdu son statut d’autorité, sauf quand le malade n’a pas autre choix que de se laisser endormir. Dès qu’il peut décider, il décide en se prenant pour ce qu’il n’est pas, à savoir le médecin.

L’observance est une adéquation entre la thérapeutique proposée et le besoin de l’organisme en souffrance – selon sa pathologie – à partir du manque chez le médecin et chez le patient, et non l’acte de gorger, le manque, avec des prescriptions, des arrêts-maladies et d’attouchements inutiles, puisqu’injustifiées médicalement. La vraie action thérapeutique, celle portée par l’amour et par l’autorité du transfert, fait en sorte que le médecin donne ce qu’il n’a pas, au patient qui ne veut pas. C’est cette logique que justifie que le médecin adresse le patient au psychanalyste.

Dans une telle hainamoration, le perdant est le système de santé français car, chaque minute avec un malade qui souffre d’angoisse, de paresse ou de triche, est une minute perdue pour le repos, pour la paperasse.

La fonction de la consultation publique de psychanalyse est de construire chez le malheureux la possibilité de devenir responsable de son symptôme comme de sa vie. Une telle stratégie clinique diminue le nombre des consultations hospitalières, des hospitalisations et surtout des tentatives de suicide.

La clinique du partenariat n’est pas un vain mot, c’est une urgence.

Les entreprises pharmaceutiques visent à vendre des médicaments, et je ne suis pas contre. En revanche, je suis en désaccord avec elles quand la visée est de vendre la marchandise au détriment de la santé des Français et de la santé de notre système de santé. Je suis en désaccord quand, pour arriver à leurs fins, elles « ne mégotent pourtant pas sur l’argent qu’elles consacrent à la communication ou à la séduction des médecins et des experts… ».

Une telle logique mène la clinique médicale humaine vers une pratique vétérinaire. Si les marchands trouvent des voies de séduction c’est parce que les diplômés en médecine, que je distingue d’un médecin, d’un clinicien, sont à séduire, comme ils sont des cœurs à prendre.

Une telle relation porte atteinte à la clinique médicale. La psychanalyse peut apporter au médecin la réflexion nécessaire et urgente afin de réhabiliter son éthique et, avec elle, sa dignité.

Sont-ils disposés à un tel engagement ?

Je suis le premier à l’espérer.

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