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La théorie de l’envie du pénis (Penisneid)


La théorie de l’envie du pénis (Penisneid)

Fernando de Amorim
Paris, le 16 octobre 2022

On m’a accusé d’avoir désavoué les psychanalystes de l’École, de faire usage de manigance. Pas du tout. Ce Moi se trompe, comme à son habitude. Pour de vrai, j’étudie les psychanalystes ; je les scrute, mot qui, au tout début du XVIe , signifiait examiner pour découvrir ce qui est caché. C’est une position de curieux. Ma curiosité me pousse à demander : qu’est-ce qu’un psychanalyste ? Qu’est-ce qu’une psychanalyse ?

Je mets les psychanalystes de l’École au travail. C’est ma tâche, pour reprendre le mot de Chrétien de Troyes. De toute évidence, ils sont d’accord avec ma manière de faire puisqu’ils sont là. Je compte avec qui n’a pas sauté du bateau. C’est leur choix. J’en prends note. Pas un seul affect m’anime : ni joie, ni tristesse. Je prends note de leur présence. Un point, c’est tout. Ils sont ici, je suis ici. Remettons-nous au travail.

Evoquer le rapport au phallus exige qu’il soit précisé s’il s’agit du phallus imaginaire (φ) ou

du Phallus symbolique (Φ). Le phallus imaginaire est la longue vue par laquelle le Moi, nourri d’imaginaire, lit et interprète le Réel. Le phallus symbolique est le rapport que l’être établi avec le Monde et par lequel il danse le Réel.

Le rapport que l’être noue, après une psychanalyse, se fait avec le rien. Le phallus, imaginaire ou symbolique, est un bouche-trou. Le manque est une expérience terrifiante pour l’être parlant. Il utilisera des modalités imaginaires et symboliques soutenues par le phallus pour supporter d’être en vie : mariages, automobiles, maladies, études, professions. Le tout pour ne pas se frotter au rien en tant qu’objet fondamental dans sa vie. Construire une existence avec comme partenaire un objet sans image, exige un engagement du sujet avec le désir, car c’est ce rien qui met en route le processus désirant.

Que Freud essaye de cerner la position féminine et son rapport au désir est particulièrement saisissant. Seul un homme intime du désir peut s’intéresser à la jouissance d’une femme. Freud avait remarqué que la science anatomique n’était pas capable d’enseigner quoi que ce soit sur le désir des femmes ; or, comme les psychologues, psychiatres, sexologues et féministes ne peuvent pas dépasser des réflexions plus ou moins sensées sur la féminité, je laisse donc aux psychanalystes freudo-lacaniens du RPH le soin de m’aider à étudier la position féminine, position que je reconnais à la sortie d’une psychanalyse.

Les études sur la féminité, comme sur la masculinité d’ailleurs, reposent sur des interprétations imaginaires, même si elles utilisent le symbolique pour rendre appétissant ce qui est présenté. En d’autres termes, le symbolique est un accessoire, un faire-valoir du Moi.

Ainsi, penser qu’une petite fille est un petit homme ne fait pas énigme, mais bel et bien absurdité. Si la petite fille se pense petit homme ou si pour elle sa condition sexuée est insupportable, c’est parce qu’elle a affaire à des majeurs et non à des adultes. En d’autres termes, c’est l’Autre qui dit au Moi ce qu’il n’est pas ou ce qui le rend honteux de sa position sexuée dans la réalité. Le problème ce n’est pas l’enfant, mais l’Œdipe du majeur qui en a la charge.

La femme est une énigme pour qui ? Que la personne concernée par cette énigme expose une interprétation imaginaire (idéologique, religieuse, sociétale), ou symbolique (scientifique) de son énigme. Le psychanalyste n’est pas concerné par des énigmes mais par la souffrance. Il est concerné par l’énigme quand le psychanalysant décide de construire sa réponse à l’énigme que lui tient à cœur.

La féminité n’est pas une position acquise, elle est une position confuse. De là les discours sociétaux sur la barbe et le cul où même une chatte n’y trouverait pas ses chiots.

Le féminin est une position. Elle n’est ni normale ni anormale si l’être vit dans une société civilisée et si l’être vit son féminin dans l’intimité de sa chambre. Elle est sinueuse parce que, pris dans le rapport à l’Autre barré, l’être ne peut pas aller tout droit. Une telle prétention est possible si le scientifique étudie un objet hors de la terre tout en étant lui-même dans l’exosphère, ce qui suppose que ledit objet ne souffre pas les effets de la gravité, du vent, du courant, du désir de l’Autre de ses parents, des humeurs des dictateurs.

En participant à la vie de tous les jours, le psychanalyste se doit d’opérer avec un éventail de paramètres inattendus, tout en ayant la prétention de faire science, mais pas avec les critères inenvisageables pour quelqu’un qui n’est plus sur notre planète, comme c’est le cas du scientifique de mon exemple. Cet exemple désobligeant vise les exigences désobligeantes que le psychanalyste fasse science avec la méthode propre à l’astronomie, qu’il compare ses résultats avec des techniques de dressage du Moi. Comme disait Freud, selon mon interprétation, la baleine et l’ours polaire ne peuvent pas rester longtemps bras dessus bras dessous.

Après ces remarques introductives, la pénétration est inévitable, j’en viens au sujet qui m’anime, à savoir, le Penisneid. Le corps humain est pénétré depuis toujours. Cantonner la pénétration à la relation sexuelle où l’homme pénètre la femme, indique une vision limitée et insuffisante de l’opération. L’unique opération de pénétration est celle où l’hymen est rompu. Avant cela, le corps a été déjà défloré moult fois par les signifiants. Il continuera à l’être après la perte de la virginité, et cela jusqu’à sa mort. Une fois la perte de la virginité, homme et femmes se partagent frottements agréables et plaisants quand le désir et l’amour sont au rendez-vous et déplaisants ou illégaux quand un corps subit la volonté du Moi de l’autre.

Le Penisneid n’est pas la forme que prend le complexe de castration chez la petite fille. La petite fille se fait des idées vraies sur la misère de sa condition humaine, condition humaine qui concerne garçon et fille. Cependant, pour cette dernière, le Moi parental peut se venger en actualisant leur propre expérience de vie. Le Penisneid est une manière de la fille de se sentir moins écrasée par le Réel. De là l’importance des parents dans la position d’adultes pour lui dire que le manque est notre caractéristique humaine commune et qu’il faut construire, dès la plus tendre enfance, mettre en place des manières de danser avec le Réel. Cela sans oublier d’apprendre à s’esquiver de l’Autre des parents, des majeurs qui utilisent le Moi pour blesser, humilier, scarifier, infibuler ou circoncire. Le tout au nom de leur soif de sang ou de leur dieu méchant. Ce dieu méchant se loge au milieu du Moi, ce qui divise le Moi en partie consciente et inconsciente. Ce dieu méchant a reçu le nom d’organisation intramoïque, il est composé de la résistance du Surmoi et de son bras verbal, l’Autre non barré. Le Penisneid vient à la place de l’angoisse de castration. Angoisse d’être dépossédée, elle qui est née toute nue, de ce bâton auquel elle s’accroche pour ne pas sombrer. Cette construction imaginaire lui sera de peu d’aide, mais il est préférable s’accrocher à l’imaginaire plutôt qu’à rien du tout quand le symbolique n’est pas au rendez-vous. C’est la logique de la petite fille.

Je me limite ici à elle, mais c’est la condition propre à n’importe quel mammifère humain. Le Penisneid n’est pas un manque. La petite fille souffre de l’ignorance qui n’est pas apaisée par des mots de castration, à savoir, que celles qui naissent avec un vagin et ceux qui naissent avec un pénis, sont sur le même bateau. Chacun se doit de construire sa solution de vivre le mieux possible, voire construire une existence avant son décès.

L’attachement puissant qu’a la petite fille à sa mère ne peut pas être considéré comme achevé s’il se termine en haine. La haine n’est pas une solution pour le Moi. La visée doit être celle de la castration de l’imaginaire pour les êtres devenus sujets et sans désir de devenir psychanalyste ; et l’engagement de l’être avec l’Autre barré, ainsi que la castration du Moi, pour celles qui désirent continuer à occuper la position de psychanalyste.

La discussion entre Freud, qui prend parti contre Jones et Horney, à propos de la part qu’il faut prendre aux fixations infantiles précoces ou les expériences ultérieures, introduit le registre imaginaire dans la question et évacue le champ clinique propre à la gestation, l’autre nom d’une psychanalyse, donc sur le divan, où l’être pourra construire son existence, existence qui débutera avec la naissance de l’être dans la position de sujet. Dans la position de malade ou de patient, il occupe la position d’être, cela grâce à la générosité d’Aristote. C’est quand il entre en psychanalyse que l’être, selon l’auteur de ces lignes, gagne une barre, l’être psychanalysant devient être barré (ɇ). Quand il sort de psychanalyse, il devient sujet barré ($).

Un psychanalyste donc ne prend pas parti. Il attend patiemment, que la construction matérialisée, fruit du désir, tombe des lèvres ou sorte par l’enclos des dents du sujet. À ce moment, ce dernier pourra, se retournant, se dire : « J’avais le désir de ceci ! ». Mais, jusqu’à présent, il ne savait pas. Maintenant il le sait pour de vrai.

La masturbation n’a rien à voir avec le Penisneid. La masturbation sans culpabilité, est une activité plaisante pour la fille, cela à condition que l’Autre sans barre ne s’en mêle pas. La masturbation est une activité avec deux visées : d’abord de libérer le trop de libido par la voie du pontage libidinal ; et du plaisir de réaliser le fantasme par la voie de l’éjaculation.

schéma du pontage libidinal.


Cela, j’insiste, si les organisations intramoïques n’ont pas contaminé la masturbation. Ce fantasme devient culpabilisant pour le Moi si, comme je l’ai évoqué plus haut, il y a l’interférence de l’Autre non barré. Quand, après l’éjaculation, le Moi de la fille se sent coupable, preuve que la libido est contaminée, le Moi accepte la culpabilité sous forme de punition pour décharger la libido en provenance des organisations intramoïques. Cette culpabilité sera probablement liée à des fantasmes œdipiens. Une masturbation saine, sans l’Autre non barré donc sans culpabilité, suppose que l’être est castré par l’Autre barré et ce sera alors, pour la fille, un jeu de découverte de son corps. Devenue adulte, elle peut utiliser la masturbation, comme un plus dans la montée de son plaisir génital. En d’autres termes, la masturbation est une recherche de plaisir sexuel ou une pratique ayant comme objectif de libérer l’excès de libido. Avec la présence des organisations intramoïques, elle pourra devenir un instrument de violent combat entre l’évacuation de la libido et le Moi accablé par les organisations intramoïques.

Pour éviter de castrer la libido – le contact de la libido avec le produit de l’Autre barré, le signifiant, produit un effet de castration –, les organisations intramoïques, avec l’accord du Moi, évacuent la libido avant de passer par l’Autre barré, par la voie que j’avais appelée plus haut : pontage libidinal. Ici, la « fille », doit être entendu comme le Moi. De même, la « mère », doit être entendu comme l’Autre non barré que le Moi avait incarné pour son autoflagellation.

La fille, donc le Moi, qui veut reprendre le rôle de la mère, donc de l’Autre non barré, indique que la grenouille-Moi se gonfle pour être plus grosse que le bœuf-Autre.

Le lecteur remarquera qu’à la place de garçon, de fille, j’utilise, le « Moi », et qu’à la place de mère, j’utilise l’Autre non barré ou les organisations intramoïques, composées de la résistance du Surmoi et de l’Autre non barré. Je fais en sorte d’éloigner la psychanalyse de toute possibilité et de toute tentation de la transformer en une psychologie. La psychanalyse étudie l’appareil psychique freudo-lacanien. Le comportement des gens c’est l’affaire des psychologues, sociologues, anthropologues. En d’autres termes, la psychanalyse est devenue une médecine, sans pour autant, que Dieu la garde, être aspirée par la médecine scientifique, celle qui est devenue pratique vétérinaire. La psychanalyse est devenue une médecine car elle est la seule encore capable de lire la circulation de la libido, des signifiants corporels et du désir dans le corps souffrant.

Il faut faire une distinction entre le Wunsch nach dem Penis, envie de pénis, et Peniswunsch, désir de pénis. Avec la première, l’envie de pénis, le Moi échoue sur l’Autre non barré. Le Moi ne veut pas de castration donc il abandonne le bateau à la merci de ce roc. C’est de là que vient le versagen freudien. Il n’y a plus de circulation car, chez les êtres humains, sans circulation de la libido avec le signifiant, l’autre nom de la parole, il n’y a pas de dire et donc pas de navigation.

Le désir de pénis est un fait propre à la vie des filles. Elles veulent du pénis, je me dois d’ajouter : en érection. Mou il ne présente aucun intérêt. Il faut simplement, et ici entre la distinction entre le parent majeur et le parent adulte, qu’elle patiente. La patience sera portée par le discours du parent adulte. Le parent majeur profitera des fantasmes de la petite fille pour réaliser les siens, ce qui désorganisera la dynamique libidinale du jeune être.

La fille devenue femme, sera pénétrée pour la première fois. Ensuite, le pénis sera utilisé par elle et son partenaire, pour le frottement des parois des deux organes. Dans un rapport, donc impossible, le manque phallique (Φ), active le désir, wunsch. D’où l’importance de quitter le pénis de Freud pour, avec Lacan, passer du côté du phallus. La fille n’a pas besoin du pénis, elle désire ce qu’elle n’a pas pour sa satisfaction sexuelle, tout comme l’homme d’ailleurs. Le moment où elle aura un objet pour frotter ses parois, accéder à son plaisir, jusqu’à l’orgasme, elle n’aura pas besoin de cela en permanence avec elle. C’est la différence entre désirer et envier.

La femme n’a pas de désir d’un pénis, comme elle ne désire pas un homme tout le temps. Le désir est un lapsus temporis pour qu’elle puisse accéder à l’orgasme. Si elle ne veut plus du pénis, elle ne désire plus cet organe, elle veut que l’homme reste. Ici s’introduit l’amour.

Quand l’homme est mis, par le Moi de la femme, dans la position de substitut, de concurrent, d’adversaire, d’ennemi, cela indique au clinicien que l’autre, l’homme en l’occurrence, incarne pour le Moi le Penisneid. Un homme, dans la position de sujet, est un partenaire, un ami, un amant pour une femme, et non un autre.

De même, il faut faire une distinction entre Wunsch nach dem kind, désir pour l’enfant, et Kindwunsch, désir d’avoir des enfants. Le désir pour l’enfant concerne sa reconnaissance en tant qu’être désirant, donc impossible. C’est ici que s’arrête le désir de l’adulte. Le désir d’avoir des enfants engage le désir de deux adultes à transmettre leur désir. Une fois l’enfant né, l’adulte sait que sa fonction sera de désirer que l’enfant devienne sujet et non de le posséder tel un objet, voire une chose.

Il n’y a pas de passage d’envie de pénis à désir de pénis. L’envie de pénis est un malentendu du Moi infantile qui doit être rectifié par l’adulte. C’est parce que l’enfant a affaire à des majeurs et non des adultes, ces derniers sont castrés et les premiers non, que le Moi se voit obligé d’inventer des théories farfelues pour supporter, sous l’abri de l’imaginaire, les pénétrations incessantes du Réel, de l’imaginaire et du symbolique imaginarisé, tel les paroles méchantes de ceux qui ont accès à la psychanalyse et l’utilise comme arme d’agression, méchanceté ou vengeance, ainsi que les êtres méchants tout court qui s’en prennent, seul ou en bande, à plus faible qu’eux.

Le père ici représente l’Autre barré (Ⱥ). Que le lecteur ne pense pas que l’Autre non barré (A), représente la mère. L’Autre barré est une position d’autorité qui peut être incarnée à un moment, par un père, une mère, un enseignant, la police. À condition qu’il porte l’autorité en lui. L’Autre non barré peut être représenté par les parents quand ces derniers jouissent de l’enfant et de son corps comme d’un objet, voire comme d’une chose.

Le féminin, la position féminine, la situation féminine, concerne le Phallus symbolique (Φ). Le féminin est l’acceptation par l’être de la castration. À partir de cette acceptation, l’être devient héraut de l’Autre barré (A barré). C’est grâce à l’Autre barré que l’être se désolidarise du Moi, en le poussant de côté, pour qu’ainsi, l’être dans la position de sujet, incarne l’autorité phallique castrée, représentée par le Φ.

Le désir du pénis est un désir de castration. Désirer ce qu’elle n’a pas c’est se reconnaître manquante et c’est lutter pour l’avoir le temps d’une baise. Au-delà de ce temps, si le Moi, mandaté par les organisations intramoïques, prend le dessus, les choses se gâtent. Que le lecteur entende « choses » comme des expressions de réclamations au nom du transfert, de revendications idéologiques, de positions victimaires ou autoritaires. Dans la position

féminine, les femmes attendent et généralement obtiennent, un sexe en érection et de l’amour. Pour arriver à leurs fins, elles utilisent les artifices et artéfacts de la féminité. Ces ruses et instruments phalliques (φ), tels chaussures, parfums, soumission, étoffes sophistiquées pour attirer l’objet qui leur manque : le pénis, le corps de l’homme, l’amour de ce dernier. Ces stratagèmes visent, le temps d’une soirée, à asseoir une relation, voire à construire un rapport. Ce qui fait que les couples se défont au bout de quelques rencontres et que d’autres tiennent dans la durée.

Pour Freud, le Wunsch, le désir, est du côté du féminin, mais le Besitz, la possession, est du côté de l’envie si elle est permanente car, cette possession, au moment de la baise, n’est pas pour de vrai, c’est pour l’amusement du moment. C’est une possession pour de faux. Satisfaite, l’être dans la position féminine ne s’intéresse plus au pénis, mais à nourrir l’amour. 

Ceci exige autorité (Φ).

Une mère ne peut pas donner à une fille ce qu’elle n’a pas : ni dans la réalité anatomique, ni dans le registre symbolique. Une mère qui promet ou qui laisse sa fille croire qu’elle est pour quelque chose dans sa condition d’enfant de sexe féminin, est dans la position de majeur, indicateur qu’elle-même est perdu dans son rapport avec le désir. Un manque de pénis reconnu par le Moi de la fille mais difficilement accepté, n’est pas un manque reconnu. Un manque reconnu suppose castration de l’imaginaire, déplacement du Moi pour que l’être puisse assumer sa position d’être manquant et ainsi se mettre au travail de construire sa vie, voire son existence à partir de cette base fondamentale, à savoir, le rien.

L’être n’a rien, le manque est son incapacité structurelle à bien dire. Le symbolique lui permet, comme une médecine, de dire, bien dire, danser le Réel. Quand l’être laisse tomber sa vie, c’est parce qu’il lâche le symbolique. Dans une situation moins dramatique, l’être vit, vivote, survit, ce qui donne au Moi le droit de mener la barque de l’être avec les instruments que possède le Moi, à savoir, l’imaginaire.

C’est pour cette raison que lorsque le Moi dit en séance : « Je sais ! », l’auteur de ces lignes réagit vivement : « Vous ne savez pas car, si vous saviez vraiment vous ne le feriez point, ou plus ». Une autre formule du Moi est : « Je sais, mais… ». Ce qui me pousse à répondre :« Donc, vous ne savez pas vraiment ! ».

Si la mère dans la position de majeur (A), est incapable de répondre aux questions fondamentales du Moi (a), de sa fille et que cette dernière, par dépit, se tourne vers le père, ce n’est pas pour le pénis (φ), mais pour le savoir, c’est-à-dire, l’Autre barré (Ⱥ). La fille attend de son père le Phallus symbolique (Φ), Phallus qui pourra élever son être au niveau de l’Autre barré (Ⱥ). Sans aide de son père, sans aide de qui que ce soit qui pourra, par la castration (Ⱥ), apaiser son jeune appareil psychique, elle se débrouillera toute seule, comme une grande, en s’appuyant sur les conclusions propres à sa réalité, conclusions imaginaires inévitablement, sur l’Autre, l’autre, le Réel. 

La sexualité féminine accède au « désir même », comme dit Lacan dans son « Propos directifs pour un Congrès sur la sexualité féminine ». Ce désir vrai, se construit à partir de Φ, et non à partir des expressions de la féminité (φ), même si elles sont utiles. Freud ne se dérobe pas de parler de la jouissance des femmes, il n’abandonne pas les hommes face à ce sujet. Il met les femmes au travail. Qu’elles se débrouillent à dire ce qu’est la jouissance féminine. Freud invite ainsi les femmes à sortir d’une position où elles attendent que l’Autre (porté par le Moi du père, de l’époux, du frère aîné) dise ce qui les fait jouir. 

Quant aux analystes, Freud ne les abandonne pas non plus, il les engage à s’occuper de leur position en rapport à la jouissance des femmes. Freud met femmes et hommes au travail actif, libidinal. L’activité jouissive des femmes se présente de manière silencieuse, souterraine. La jouissance dans la passivité est une activité robuste. Le dénominateur commun dans cette opération est l’Autre non barré en particulier et les organisations intramoïques en général. La résistance du Surmoi ainsi que l’Autre non barré sont sources d’une violence stupéfiante. Et, de toute évidence, l’Autre barré ne fait pas le poids face à leur manifestation.

Avant le privilège du signifiant, il faut saisir la dynamique pulsionnelle dans la sexualité. C’est après qu’il sera possible d’étudier, voire de saisir, la dynamique signifiante dans la vie. Peut-être, le pas saut suivant sera la construction, grâce à la libido et au signifiant, d’une existence possible.

Le jouir féminin est passif. Ce qui fait jouir l’être féminin c’est le fait de subir, si tel est son désir. La passivité n’est pas une stagnation, c’est un constat de ce à quoi elle à affaire, à savoir, le Réel, toujours l’impossible. L’absence de pénis, l’envie de pénis, n’arrive pas à la cheville de ce à quoi l’être féminin doit gérer dans sa vie. Cette passivité est sa manière de jouir dans la vie, si tel est son désir. Pour ce qui est de sa jouissance, ça jouit en elle, en silence, à côté, ailleurs.

Il n’y a pas de dommage permanent pour la petite fille. C’est le discours sociétal qui doit être revu à la loupe, mais à condition que des studieux se penchent sur l’affaire et non des aveugles et des révolutionnaires de cabinet. Un discours porté par l’Autre barré où la fille puisse s’appuyer pour éviter qu’elle soit en errance, fait défaut. Il ne manque rien à la fille, puisqu’elle, tout comme son compatriote masculin, n’a jamais eu. Ils n’ont jamais rien eu, pas même un corps. Pour cette raison ils le ravagent, ce corps, avec tant d’aisance. Parce qu’il n’est pas le leur.

Il faut viser une perspective d’espérance dans la clinique, à partir du rien, du désir, de l’Autre barré. Le masochisme n’est pas équivalent à la passivité féminine. L’apparente passivité féminine c’est la pulsion en action. Le masochisme est la preuve puissante des organisations

intramoïques sur le Moi, avec le consentement de l’être. Ceci dans le cas de la perversion. Le masochisme est inhérent à la femme et à sa féminité. Le féminin, lui, ne mange pas de ce pain-là. La position féminine de l’homme que Freud reconnaît, c’est plutôt la position féministe de l’homme. Pour accéder au Peniswunsch, il faut simplement renoncer à la jouissance sexuelle phallique (φ), il faut se castrer de cette jouissance, sauf si elle est importante au moment de la Besitz. Il faut lire, avec la prononciation allemande, baise-witz, un accouplement plaisant. Dans la vie de tous les jours, cette jouissance possessive (Besitz), pousse le Moi à des choix peu constructifs. En d’autres termes, il se fait baiser, il se fait avoir. Il n’est pas.

La préférence est donnée aux buts chez le Moi des femmes concernent la culpabilité du Moi dans sa soumission aux impératifs de l’Autre non barré : A → a. Mais la préférence donnée aux buts passifs chez l’être féminin concerne aussi la jouissance de l’être aux propositions de l’Autre barré : Ⱥ → ɇ. Le mode de jouir passif peut être motivé par la culpabilité du Moi, ou par un grand plaisir de faire semblant d’être passive, enchaînée, fessée. Cette jouissance retirée de la passivité est un moment propre à la position féminine.

Le Peniswunsch n’est pas un au-delà du Penisneid. Il s’agit d’un tout autre registre. Le Penisneid concerne la relation du Moi à l’Autre des majeurs qui l’entourent. Le Peniswunsch, est le résultat d’un processus de maturation où la fille découvre qu’il est plaisant pour elle de se faire pénétrer par un pénis en érection. Elle désire cela, elle l’aura, elle demandera davantage, le temps d’une baise. Pas davantage. Et cela parce c’est son désir et non son envie.

Le Peniswunsch est un moment propre à la position féminine, dans la sexualité et dans sa vie. La féminité n’est pas une énigme. La position féminine est une énigme. La féminité est un arrangement du Moi avec l’Autre non barré (A). Dans la féminité, la femme porte le phallus (φ) en bandoulière qui, dès la fin du XIXe siècle, représentait la bande qui suspend l’arme. Elle n’a pas de mousqueton, mais elle porte ce qui s’associe à lui, comme si porter l’instrument signifiait qu’elle avait l’instrument. C’est le propre du semblant.

Le destin normal de la féminité tombe inévitablement sur le phallus imaginaire (φ). De là l’importance d’étudier le féminin, la construction de la sexualité de l’homme et de la femme à partir du féminin. Ce qui se passe dans l’intimité de la chambre ou dans la vie, ayant comme boussole le féminin, est la manière normale de construire et de conduire une existence. La féminité ne passe pas par l’Œdipe, elle ne le dépasse pas non plus, elle fait semblant de le dépasser. De là ma proposition « la psychanalyse du psychanalyste est sans fin », pour qu’ainsi, le psychanalyste sache repérer l’esbroufe. Dans la féminité, homme et femme restent prisonniers du semblant phallique, l’autre nom de la féminité.

Il faut aller au-delà de l’Œdipe. La féminité ne renonce pas à la sexualité phallique, elle ne prend pas ses distances avec l’amour de l’Autre (mère, père ou un représentant jouisseur substitut), la preuve en est le renforcement de la masculinité chez les femmes et les traits efféminés des hommes. Il est possible de repérer le gonflement phallique imaginaire dans la psychologisation de la psychanalyse. Ces instruments d’opération – au sens chirurgical – sont transformés en armes par le Moi du maître, le vrai, pas comme l’auteur de ses lignes qui fait semblant d’être maître quand il sait qu’il n’en est rien.

Le Moi pourra aussi installer une tendance passive, en transformant l’Autre barré en incarnation de l’Autre non barré. De cette manière le Moi, pourra dormir sur le divan pendant que son temps de vie s’écoule. Peut-être, à un moment de réveil tardif, il pourra dire, ou se dire, que la psychanalyse est un échec. Mais quid de sa responsabilité en tant qu’être, de faire ami-ami avec l’aliénation et non avec le désir qui l’anime ?

En d’autres termes, il renonce à l’activité propre au désir sans pour autant renoncer au phallus imaginaire. Depuis le début du XIIe siècle, le renoncement est l’annonce, une nouvelle et non un discours. Il produit des faits dans la réalité de l’être et dans son rapport avec le Réel.

Pour Freud, le destin de la féminité suppose un renoncement à une bonne partie de la masculinité. C’était sa conclusion, c’était le maximum qu’il a pu apporter à cette étude, lui fils de son époque et en tant qu’analyste. Lacan, lui, parlera du renoncement à la jouissance phallique, sans préciser s’il s’agit du phallus imaginaire (φ) ou Phallus symbolique (Φ).

C’était le maximum de sa contribution à lui qui avait abandonné sa propre analyse. Le renoncement de l’être à la construction de son désir, le renoncement de l’être à s’accrocher à l’Autre barré et se mettre à ce travail de construction de son existence, conduit à l’inhibition, au symptôme et à l’angoisse. J’apporte ici la preuve qu’il n’y a pas eu de castration véritable, ni de l’imaginaire, ni du Moi, ni de l’être jusqu’à présent.

Le renoncement faux concerne la position phallique du Moi, représenté par phi minuscule (φ). Le vrai renoncement produit la jouissance phallique chez l’être, représenté ici par la lettre Phi majuscule (Φ). Le vrai renoncement indique que l’être est dans la position de sujet et qu’il suit les indications de l’Autre barré (Ⱥ). Le Phallus symbolique (Φ), indique que l’être nage dans son existence sans grande chose, avec le strict minimum. Mais ce qu’il a en lui est solide. Ce n’est pas du semblant.

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