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La différence entre l’être castré et l’être barré


Fernando de Amorim

Paris, le 26 mai 2023
Pour S. D.


 Dans mon séminaire de cette année, qui représente un total d’un peu plus de quatre cents pages et est loin d’être terminé, je trouve plus de références à l’être castré qu’à l’être barré.
 La raison est simple : l’être castré est attaché au Surmoi, ce qui produit des comportements associés à l’honneur, à la dignité. L’être barré accepte par désir – donc par reconnaissance de son manque structurel, ignoré jusque-là – la barre de la castration, castration qui s’évanouissant, puisque c’est sa nature, laisse chez l’être lambda le vide, chez l’être psychanalyste le rien.
 Mon objectif dans cette brève est d’établir la distinction entre ces deux positions de l’être.

 L’être barré est un adulte. Un adulte n’est pas forcément un être barré. Il peut occuper la position d’être castré. S’il est adulte c’est qu’il est responsable mais sans avoir été accouché par une psychanalyse. Un être dans la position de sujet est un être barré qui est né après une psychanalyse.
 Au début de la vie psychique, l’être est représenté par des points (. :∙).
L’être aristotélicien, l’être castré mais en relation au Moi majeur, est représenté par la lettre « e ». L’être (e) est l’être civilisé.
 L’être barré (ɇ) est en relation avec le Moi adulte et en rapport avec l’Autre barré (Ⱥ).

Représentation graphique

 L’être castré est représenté par la lettre « Ɇ », et l’être barré, par la lettre « ɇ ». L’être castré est barré par le Surmoi, donc il est castré par devoir, mais par une instance extérieure à lui, par une sorte de sublimation de sa culpabilité. L’être barré porte la barre lui-même à son être, par choix éthique.

Être castré (Ɇ)

 Un adulte est un être castré. Je le représente aussi par un « E » barré (Ɇ). L’être est en tension avec le Moi. Si l’être se castre, le Moi se dégonfle. L’être castré a donc de l’autorité sur le Moi. Si le Moi ne se dégonfle pas, l’être continue en état de petits points. De là les tensions morales intrapsychiques. Le religieux qui demande à l’enfant de sucer sa langue, l’autre religieux qui viole des mineurs, un soldat qui devient bandit, ce sont là des exemples de cas où le Moi a pris le dessus sur l’être. L’être castré c’est l’être éthique sans avoir fait une psychanalyse. Il est pris dans la relation avec le Surmoi symbolique. L’être castré n’est pas psychanalyste dans la vie, il n’interprète pas à tout bout de champ, qu’il s’agisse d’un fils, de l’épouse, du concierge, de son toutou, du président de la République et des politiciens en général. Il est castré dans la vie. En d’autres termes, il est castré dans sa relation avec sa famille, la société dans laquelle il vit. Il s’occupe de sa vie. En faisant cela, il aura des répercussions sur la vie de la cité.

Être barré (ɇ)

 Un être barré est un être castré. Un être castré n’est pas nécessairement un être barré. L’être barré a construit sa subjectivité jusqu’à devenir sujet, sortant ainsi de psychanalyse. Un être barré est un adulte, un adulte n’est pas nécessairement un être barré. Un adulte est l’être qui est responsable de sa vie sans avoir été accouché de cette position par sa psychanalyse. Un adulte respecte la morale, l’être castré respecte l’éthique.
 Un sujet est un être barré qui a pris le bateau psychanalyse, qui a désiré être barré, et une fois la barre de la castration disparue, un être pour qui il reste le rien et la marque de son parcours. Il existera avec ce rien et cela sera la marque de sa position de psychanalyste, donc dans la position de sujet barré ($). C’est son choix en tant qu’être. Personne ne l’a tiré de son lit pour devenir psychanalyste. Chez l’être barré, le Moi est dégonflé, l’Imaginaire est traversé par le Symbolique. Le Réel est respecté pour ce qu’il est, à savoir impossible.
 
À propos de la barre

 La barre peut indiquer une limite donnée de l’extérieur – le Surmoi en l’occurrence – à l’être, mais acceptée par lui, dans le cas de l’être castré. Ce qui donnera comme formule :

Ⱥ → e = ɇ

 La barre peut indiquer que l’être, grâce à la construction de sa subjectivité, devenu sujet à la sortie de sa psychanalyse, se castre lui-même. Ce qui donnera la formule :

S → Ⱥ = $

 Le « S » non barré dans cette formule indique qu’il s’agit d’un être castré qui n’est pas encore barré. Quant au sujet barré, on le trouve donc quelques instants après la sortie de sa psychanalyse. Il décidera s’il continue sa psychanalyse (position de $), ou s’il s’arrête là sa psychanalyse (position de S). S’il continue sa psychanalyse, il plantera métaphoriquement un pieu dans sa position de sujet, ce qui traversera d’un bout à l’autre le « S », et non le cœur du mort comme le font les villageois roumains pour éviter que le décédé ne vienne les hanter, pour occuper ainsi la position de sujet barré. Chez le psychanalyste qui continue sa psychanalyse, la barre n’est plus. Il ne reste que la cicatrice et le rien.



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