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L’intention du corps

L’intention du corps
Fernando de Amorim
Paris, le 4 janvier 2021


Dès la fin du XVIIe siècle, le mot « intention » était synonyme d’entendement ou d’opinion. En Droit, il s’agit d’une intention d’agir, en Droit pénal d’une volonté manifestée, en Théologie morale, l’intention donne sa spécificité à l’acte, en Morale, l’intention est le but d’un acte déterminé. Pour le psychanalyste, le corps n’a pas d’intention. Lui prêter une intention – « le corps parle », le corps ment », le corps dit vrai » – est une lecture qui, cliniquement, peut s’avérer délicate, voire catastrophique, pour la conduite d’une cure.

Le corps est une arène où des instances, le Moi, le Surmoi, le Ça, et des organisations intramoïques – la résistance du Surmoi, l’Autre non barré – selon ma proposition, vivent dans une certaine homéostase, pour que l’être puisse vivoter, au mieux vivre.

L’usage du mot homéostase ici n’est pas anodin. Il s’agit d’un registre qui concerne l’être vivant et qui concerne le champ de la biomédecine et de la clinique médicale et non celui de l’être parlant qui concerne le champ de la psychanalyse.

De là, l’importance radicale, pour les psychanalystes, de s’accrocher aux registres lacaniens : Symbolique, Imaginaire et Réel.

Le corps est un rassemblement imaginaire des parties ficelées par le Symbolique selon la lecture du Moi. Si, d’un côté, nous avons les parties du corps qui, ensemble, font un corps proprement dit, de l’autre, nous avons les organes qui, ensemble, constituent l’organisme.

Les organes et l’organisme concernent la médecine, clinique du Réel par excellence ; les parties du corps et le corps tout entier concernent la psychanalyse et sa clinique, clinique qui, grâce au Symbolique, opère sur l’Imaginaire, en dégonflant ce dernier dans un premier temps, puis en dégonflant l’Imaginaire du Moi dans un deuxième temps. Les psychothérapeutes gonflent l’Imaginaire et le Moi, les analystes dégonflent l’Imaginaire mais pas le Moi – quand ils confondent « parties du corps » avec « organes » –, les psychanalystes, eux, visent à dégonfler l’Imaginaire et le Moi.

Le lecteur remarquera que le concept de castration en psychanalyse prend ici tout son sens. La confusion des analystes, puisque c’est sous ce vocable qu’ils se présentent, les rend mi-médecins, mi-psychanalystes. En d’autres termes, ils n’occupent ni la place du médecin ni la position de psychanalyste. Et c’est la psychanalyse, une fois de plus, qui risque d’être
sacrifiée, tel Bucéphale, à cause de l’incompétence des cavaliers…

Je propose ainsi la construction d’une clinique du partenariat. Dans la construction de cette stratégie clinique, les médecins opèrent sur l’organisme et les psychanalystes sur le corps. Par leurs formations, les médecins ne seront jamais sensibles à la question du désir de l’Autre, c’est pourquoi il revient au psychanalyste d’être ami de la médecine et de sensibiliser le médecin, si ce dernier le souhaite, à la cônification du transfert.

J’appelle cônification du transfert le fait que le médecin adresse le patient qu’il vient de rencontrer, à rencontrer aussi le psychanalyste sur-le-champ. Pour parler comme cela au patient, il faut de l’autorité du
transfert. À ne pas confondre avec l’autoritarisme.

La fin du traitement ne doit pas être la disparition des symptômes médicaux, mais la construction de la Durcharbeitung, à savoir, de la perlaboration, l’autre nom de la construction de la résistance, du Ça, au retour inévitable vers l’anorganique, propre à la pulsion de mort.

La psychanalyse prépare l’être à cette lutte permanente qui se déroule dans son appareil psychique, lutte qui, dans les registres Symbolique et Imaginaire, ne concerne pas immédiatement la mort biologique mais l’être et le désir de l’Autre et la résistance du Surmoi à mettre un terme à l’existence de l’être.

Dans le registre du Réel, le psychanalyste, grâce à l’expérience acquise, preuve à l’appui et la théorisation qui va avec, peut répondre de son
action auprès des malades organiques.
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