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L’Aurore de l’Œdipe (IV)


L’Aurore de l’Œdipe (IV)

Fernando de Amorim
Paris, le 26 octobre 2022

Il y a beaucoup de gens qui devraient être morts depuis fort longtemps ou qui devraient être hospitalisés et qui ont une vie civile, qui travaillent, qui aiment et qui sont même parents, des parents très responsables du fait qu’ils ont traversé une psychanalyse, ce qui suppose la traversée du complexe d’Œdipe.

Exiger « caution scientifique » à un chercheur et à une science naissante, frôle la stupidité ou la mauvaise foi. Est-il possible de demander une caution scientifique à Copernic ou à Darwin ? Un vrai scientifique tâte, pendant que les ignorants, ainsi que les envieux, se juchent sur son dos pour salir son nom. Le nain de jardin ne doit pas avoir comme adversaire Freud.

Le constructeur de la psychanalyse est un grand homme qui mérite le respect. L’universalité du complexe d’Œdipe ne pose pas de problème. Il est universel parce que n’importe quel être parlant est fils d’un géniteur et d’une génitrice. C’est pour tout le monde comme ça. Si le discours sociétal s’arrange de ce que l’enfant soit abandonné, que l’enfant puisse avoir père numéro 1 et père numéro 2 ou le contraire maman Marie et maman Élisabeth, cela ne désavoue en rien la découverte de la psychanalyse. Le discours sociétal n’a rien à voir avec les structures du langage, la culture et la langue. Le fait que les homosexuels parlent de mariage, mot qui vient des structures du couple ou la différence sexuelle saute aux yeux. Il faut mettre en évidence la question que ce n’est pas parce que l’on parle de mariage homosexuel qu’il y mariage, il y a des gens de même sexe qui s’aiment, mais ce couple de même sexe qui s’aiment n’arrivent pas à semer.

Affirmer que « Les enfants ne traverseraient pas tous cette ambivalence de sentiments. », c’est ignorer que, dès leur plus tendre âge, ils sont déjà pris dans l’ambivalence. Il faut un adulte pour les sortir de cette ambivalence, les aider à devenir des femmes et des hommes bien. Mais se limiter à cette logique de Freud de 1905 ou même de Freud de 1937 c’est se contenter d’enlever des poussières d’un autre âge. Il faut actualiser la psychanalyse et pour ce faire il faut des jeunes psychanalystes et non des destructeurs ou des psys affligeants, voir affligés. Tel était le message laissé par Lacan à ses élèves.

Je ne pense pas que monsieur Jacques a l’autorité pour parler du complexe d’Œdipe mais de toute évidence puisqu’il est un sans gêne, il ne se gêne pas. Qu’il continue donc à parler, ça le fait mousser énormément mais ça ne fait pas école.

Le complexe d’Œdipe n’est pas de l’ordre du mythe, Freud est allé chercher le mythe pour asseoir une recherche clinique car il faut nommer les pensées. Freud a pensé, Freud a nommé et à ce moment-là il a proposé cette nomination. Accabler l’homme parce qu’il pense, parce que l’homme donne un nom pour représenter son idée n’est-ce pas stérile ou pire : spécieux ?

Daniel Bailly a « l’impression » que l’Œdipe est un passage obligé. C’est un passage obligé, monsieur. Mais quelques-uns, se prenant pour plus malins que d’autres, se dérobent. Il est possible de voir cela dans la perversion. C’est pour cette raison que, dans ma « Carte des trois structures », le pervers passe à côté de la mer d’Œdipe. Affirmer que le complexe Œdipe est un modèle de développement de la personnalité et que c’est une construction intellectuelle c’est démontrer que l’on ne veut pas savoir de quoi on parle. Le complexe d’Œdipe c’est le résultat d’une recherche d’un homme qui a dédié sa vie à apaiser la souffrance des êtres-humains, et qui y est parvenu. Dans quelques cas ; je pars du principe que la vie n’est pas pour tout le monde.

En créant la CPP, Consultation publique de psychanalyse, j’ai voulu sortir de cette logique. La vie pour quelques-uns est un fardeau insupportable. Heureusement il est possible de compter avec le désir du psychanalyste.

Le respect pour la psychanalyse et pour Freud va de soi. Bien entendu, si on ne connait pas encore ce mot là, le respect, il est beaucoup plus aisé de poser la question de savoir si le complexe d’Œdipe est « obsolète ? ». Qu’un pédopsychiatre dise qu’il ne fait pas « référence à ce concept en consultation », ne m’étonne pas. Il ne s’agit pas de faire référence mais de faire usage et savoir où se trouve la mer d’Œdipe et où se trouve le bateau de la cure : au Nord, au Sud, à l’Est, à Ouest ? Le concept œdipien est validé par des faits cliniques, sauf si le psy ne sait pas faire la distinction entre une sardine et une baleine, ce n’est pas le cas ni pour Freud ni pour la psychanalyse.

S’appuyer sur des « études expérimentales classiques » pour juger la particularité du
complexe d’Œdipe c’est vouloir installer l’être parlant dans un lit de Procuste. Je pense qu’il s’agit plus de la méchanceté du Moi, du majeur, que de la position d’un clinicien désireux de faire science. 

Le « reste du monde » n’a pas été « marqué par le succès de la psychanalyse », parce que le monde, ou son reste, n’a pas la disposition qu’à la France d’accueillir une parole civilisée. Si la psychanalyse a eu du succès en Argentine, c’est parce que ce pays a vu de ses yeux vus, du fait de la dictature, les larmes, le sang, la mort de ses enfants, la disparition de l’objet précieux pour quelqu’un et qui est l’être aimé. La psychanalyse apporte au peuple argentin, au peuple argentin avisé, un apaisement symbolique. La psychanalyse en France, grâce à Jacques Lacan, est une référence parce que ce pays est une référence pour l’être humain, d'une vie civilisée possible.

Le monde n’est pas civilisé, le monde n’est pas pris dans une logique symbolique, le monde est pris dans une logique imaginaire et dans une relation imaginaire ce que l’on voit c’est la puissance du plus fort, je pense ici à Malthus, et la volonté de destruction du Moi humilié ou des organisations intramoïques assoiffées de destruction. La France elle est hors monde, la France c’est l’étoile polaire des habitants de cette terre, c’est pour cette raison que la psychanalyse a un succès en France parce que les Français sont encore un peuple civilisé.

Quand un psychiatre cherche à comprendre c’est qu’il n’a rien compris. Pour saisir la logique de l’Œdipe il faut d’abord vivre son Œdipe sur le divan. C’est quand le Moi repère la différence entre la sardine et la baleine qu’il pourra reconnaîtra que, dans la mer d’Œdipe, il y a des baleines et non des sardines. En revanche, quand le Moi ne sait pas sur son propre désir, il n’arrive pas à distinguer la poutre dans son œil (Luc, 6, 41).

Il n’y a pas plus aliénant qu’un « processus d’individualisation ». Un tel processus est la preuve que la visée du praticien est de renforcer le Moi déjà aliéné donc c’est ajouter de l’aliénation à l’aliénation. Parler d’« attachement » et de « sentiment de sécurité », « d’angoisse de séparation », de « construction identitaire », sans passer par l’Œdipe c’est figer sur place le Moi aliéné. Bien évidemment, une telle stratégie clinique n’a rien à voir avec la psychanalyse.

Si Freud a fait usage de la littérature au début de sa découverte, c’est parce qu’il n’avait pas encore l’assise clinique, il n’avait pas assez de matériel en 1900. La Traumdeutung en est la preuve la plus criante. C’est pour cette raison qu’il y autant de contribution de ses premiers élèves. Aujourd’hui, nous n’avons plus besoin de ça, la clinique répond clairement que le complexe d’Œdipe existe vraiment.
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