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L’Aurore de l’Œdipe (III)

L’Aurore de l’Œdipe (III)

Fernando de Amorim

Paris, le 25 octobre 2022


Madame Aimelet, la journaliste, pose la question suivante : « Pourquoi le complexe d’Œdipe

ne fait pas l’unanimité ? » Il faut signaler que les successeurs de Freud n’avaient pas l’autorité nécessaire pour argumenter. Elle évoque Carl Jung. Mais il n’était pas psychanalyste. Jung ne compte pas dans l’histoire de la psychanalyse. Il n’est pas possible de compter avec quelqu’un qui saute du bateau, qu’il soit patient, psychanalysant ou mi-analyste. Il faut signaler que cette liste d’ânes qui parlent au nom de Freud, Lacan et de la psychanalyse n’utilisent la psychanalyse que lorsque cela les arrange. Ils n’existent pas cliniquement, théoriquement, mais cela ne les empêche pas de n’être pas d’accord avec la psychanalyse. S’ils pouvaient exposer une clinique solide, il serait alors possible d’écouter leur argument. Le problème, jusqu’à présent, est qu’ils n’en ont pas. Ils sont reconnus uniquement parce que, pour un instant, un instant seulement, ils décrient la psychanalyse, voire Freud ou Lacan.

Jung a créé la psychologie analytique parce qu’il a voulu exclure toute la question de la sexualité qui est, dans la clinique humaine, de la plus haute importance. D’ailleurs il y a des gens qui se disent psychanalystes jungiens. Ils se présentent ainsi parce que la psychanalyse, hier comme aujourd’hui, porte une autorité que la psychiatrie n’a plus et que la psychologie n’a jamais eu. En revanche, les psychiatres et les psychologues, surtout les plus malins, viennent têter aux mamelles de la psychanalyse sans apporter l’herbe fraîche – leurs travaux cliniques et théoriques – pour nourrir la vache, la vache à lait.

C’est propre au Moi, cette instance d’aliénation, de prendre, de se servir sans rien donner. Il n’y a pas d’amour dans la relation des professionnels de santé mentale avec la maison mère, la vache à lait. La psychanalyse est toujours d’actualité et est encore plus vivante aujourd’hui qu’elle ne l’était hier. Quand des chercheurs en psychologie veulent tester la validité de la psychanalyse avec des méthodes inadaptées, je ne peux que sourire. Les nains de jardins ne font pas le poids face à l’étude de la nature d’Aristote, à la réflexion sur la Cité de Platon, aux travaux sur la vertu utile et l’éthique de Socrate, à l’inconscient de Freud et le même inconscient structuré comme un langage de Lacan. Je défends l’idée que la métapsychologie de Freud est une réponse à la métaphysique d’Aristote. Lacan a dédié plusieurs séminaires aux grecs. Ces messieurs boxent dans une catégorie qui n’est pas donnée à tout le monde.

Comment penser que Jacques Van Rillaer, professeur de psychologie à l’université de Louvain, ait l’autorité pour valider ou invalider la psychanalyse quand l’auteur de ces lignes, fait une psychanalyse depuis 40 ans. Depuis ce temps d’apaisement de mon esprit et d’une recherche sur ce qu’est une psychanalyse, je me reconnais autorisé à dire ce qu’est et ce que n’est pas une psychanalyse. Cette autorité vient du temps que j’ai investi à aller sur le divan.

J’ai débuté ma première psychanalyse en septembre 1981, au moment où j’ai commencé, jeune étudiant, à recevoir des patients. Je continue ma psychanalyse à ce jour. Pour quelle raison ai-je continué ma psychanalyse ? Parce que c’est bon pour le moral. Moi qui étais toujours un peu malade, un peu triste et qui aujourd’hui j’ai une pêche d’enfer à travailler et à aimer, à occuper mon poste de clinicien. Cela est possible parce que j’investis dans mon désir.

Alors, quand un Jacques, un Carl ou un Alfred viennent malmener la psychanalyse, je pense que ce sont des gens qui s’accrochent à la psychanalyse par vengeance hier, pour se faire mousser aujourd’hui. Le Moi de ces gens-là est reconnu parce qu’ils parlent mal decliniciens qui ont dédié leur vie à résoudre des questions cliniques majeures.

Parler mal de quelqu’un de connu dans le discours sociétal, celui des réseaux sossiaux, est une manière de vivre par la négative de l’autre.

La psychanalyse elle est connue partout dans le monde, dans le monde civilisé, je ne parle pas des dictatures politiques ou religieuses. Je fais référence au monde civilisé, monde où les filles se baladent sans voile, où les mâles ne violent pas les femmes au prétexte qu’elles montrent leurs genoux.

Le nom de Freud est connu partout dans le monde civilisé et même chez les esprits libres dans les pays pris dans une dictature religieuse et dans les dictatures en général. De même pour la psychanalyse. Je n’aurais jamais entendu parler d’un certain nombre de personnes si elles n’avaient pas un blog pour écrire n’importe quoi, pour parler mal des gens, en l’occurrence de Freud et de la psychanalyse. Maintenant, il est même cité par « Le Figaro ».

C’est une vraie avancée dans la vie de ce Moi-là. Monsieur Van Rillaer nous dit que Freud ignorait la notion du « groupe contrôle ». C’est d’une petitesse extrême du point de vue épistémologique. Le groupe contrôle est utile pour évaluer des cellules, voir des souris, pas des êtres-humains. Il s’agit ici de ce que j’appelle méthode horizontale. Cette méthode est utilisée, et doit l’être, effectivement, en biologie, mais est sans effet pour évaluer une psychanalyse. Une psychanalyse s’évalue au un par un, et un par un veut dire qu’un prénommé Jacques a commencé une psychanalyse avec une souffrance qui lui est propre, avec des symptômes qui le font souffrir et que, quand il sort de psychanalyse, il n’a plus cette souffrance. Ce processus d’évaluation des effets d’une psychanalyse, Lacan l’avait appelé la passe. Dans ce processus, les cliniciens examineront s’il y a eu sortie ou non, ou si, Jacques courageux comme il est, a sauté du bateau, s’il est rentré à la nage, s’il a évité la mer d’Œdipe et la complexité qui lui est propre. Par la passe, il est possible aussi de vérifier s’il n’est pas allé jusqu’au bout de l’expérience et que, tel un Magellan, il a commencé l’expérience et s’est fait tuer au milieu du chemin. Sauter du bateau, rentrer à la nage, se faire tuer avant la sortie de la cure, ne compte pas pour l’examen de sortie d’une psychanalyse.

Je suis entré en psychanalyse, j’en suis sorti et maintenant je peux témoigner effectivement si le complexe d’Œdipe existe ou non. J’affirme qu’il existe et qu’il doit être traversé. Je suis la preuve concrète d’un enfant qui est devenu un homme et qui a fait la paix avec ses parents. Je ne suis plus collé à la jupe chaude de ma mère. Je cherche et je trouve jouissance ailleurs.

Pour ce qui est de mon père lui aussi est remercié. Je le remercie de ce qu’il a fait pour moi mais on s’arrête-là. C’est bon, je ne suis plus un enfant. Pour ça, les arguments cliniques concernent la circulation de ma libido et mon rapport aux objets. Je donne des arguments cliniques et subjectifs, je ne fais pas comme Jacques, qui parle de ce qui est une psychanalyse du haut d’une falaise en commentant la manière de conduire le bateau de la cure par le psychanalyste et la manière de ramer du psychanalysant.

Jacques est-il un ignoble critique de la psychanalyse et un méchant type ? Pas du tout, il apporte des questions tout à fait fondamentales. De toute évidence il n’est pas un clinicien ni un fin épistémologue. Il donne son avis. Quand il dit que Freud fait des interprétations maladroites, il faut tout de même un peu de charité chrétienne dans la vie : Freud était seul en train de soulever un immeuble épistémologique. Il a construit, seul, une science, donc des erreurs il y en a. Mais ses élèves, Lacan hier, Amorim aujourd’hui, se donnent la tâche de rectifier, à partir de la clinique d’aujourd’hui, pour améliorer un dispositif qui est tout à fait efficace et très utile.

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