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L’actualité du complexe d’Œdipe


Fernando de Amorim
Paris, le 26 avril 2020

 

Les gens viennent aux institutions, aux relations sociales, avec leur complexe d’Œdipe et cela est inévitable. Un être parlant à un Œdipe tout comme il a un cerveau, un cœur. Le problème se pose quand le Moi – « les gens » évoqués plus haut – apporte sa souffrance à la maternelle, en sixième, au collège, au lycée, à la faculté, en tant qu’écolier ou élève ou enseignant ; à l’entreprise, en tant que directeur ou agent de nettoyage.

 

Pendant que « Les recettes [« Supposons qu’on dirige une lumière très puissante à l’intérieur du corps » ; « Et puis le désinfectant, qui détruit le virus en une minute »] du Dr Trump effarent l’Amérique » (Le Figaro du samedi 25-dimanche 26 avril 2020), et que « Jérusalem craint une résurgence du virus durant le ramadan », le journaliste reconnaît que « Les rassemblements sont beaucoup plus limités qu’à l’habitude, mais il est difficile de changer les mentalités ».

 

Une mentalité se change quand le Moi quitte sa position de maître et que l’être assume la responsabilité de bien dire et de bien faire. Il s’agit d’une construction propre à une psychanalyse. Mais la psychanalyse n’est pas une panacée parce que tout le monde, à entendre l’être, ne veut pas occuper sa position de castré. De là on laisse le Moi penser, dire et faire des conneries.

 

La Covid-19 ne reconnaît ni les religions ni le statut social. Pas de discrimination avec le virus. Il est le représentant du Réel : impossible à attraper, c’est lui qui attrape. Il n’est pas méchant, il ne veut pas détruire, il ne veut même pas survivre, vivoter ou vivre car le virus n’a pas d’intention, puisqu’il n’a pas de conscience.

 

Si le Moi veut aller prier à la mosquée, au mur des lamentations ou à la basilique du Saint-Sépulcre, il est poussé par son imaginaire et l’Imaginaire est incapable de protéger le Moi du Réel. Pour cela il faut compter avec le Symbolique car tant qu’il y aura des hommes, le complexe d’Œdipe sera au rendez-vous, avec les trois registres mis en évidence par Jacques Lacan, à savoir le Réel, l’Imaginaire et le Symbolique.

 

Les « hommes » cités ci-dessus, c’est le Moi, instance nécessaire mais aliénée et aliénante.

 

Le titre français du film « From Here to Eternity » est moins chargé de l’Imaginaire propre au Moi car « D’ici jusqu’à l’éternité », indique une intention propre à l’aliénation, à savoir, le Moi ne se reconnaît pas limité, il ne reconnaît pas le maître absolu, l’autre nom de la mort. La mort, incarnée par le virus, peut rendre visite à l’organisme et détruire avec corps et biens, à savoir, le Moi et l’être, sans crier gare. Pour contrer les expressions du Réel, il faut du Réel, pas de discours ni d’incantations.

 

Le virus est la preuve évidente que l’être est là, puisque le virus meurt avec le cadavre, mais qu’il, l’être, a abandonné sa responsabilité d’être dans la danse symbolique avec le Réel, pour confier les clés de sa maison au Moi.

 

S’acoquiner avec le désir de l’Autre, au détriment de sa responsabilité de construire son existence à partir du désir qui l’anime, a des conséquences fâcheuses pour l’être et cela dès la maternité et jusqu’à son dernier souffle.

 

Est-ce exagéré ? Examinons plutôt : à sa naissance, l’être est déjà sous l’emprise du désir de l’Autre. Et ça serait pire sans cette emprise car, sans le désir de l’Autre, l’être abandonne la vie. Dans son lit de mort, l’être ne dit pas ce qu’il a à dire. Son silence, laissera les vivants liés à lui par la filiation, dans un état de désemparement, comme l’action de désemparer le navire.

 

Pour construire sa position de sujet, c’est-à-dire d’exister, d’être dans le monde, l’être a la responsabilité éthique de quitter le bateau œdipien, à condition d’avoir déjà construit le sien.
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