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Honneur

Honneur

 

Fernando de Amorim
Paris, le 4 mars 2021

 

Notre époque nourrit le lynchage. Avant, des êtres étaient menés aux crématoires, des femmes rasées et humiliées en public et d’autres jetés dans la Seine. Je préfère de loin notre époque.
 
La finesse de la nouvelle forme de lynchage est qu’elle est médiatique mais toujours portée par la lâcheté car le fâché donne le nom de l’accusé tout en voilant le vrai nom du bourreau. Vive le courage. Et pourtant, il ne faut pas compter avec le courage du Moi, cette instance d’aliénation par excellence.
 
Le voile sert à protéger les femmes des abrutis mais aussi pour voiler au Moi le désir.
 
Au nom d’une justice où le Moi est voilé de la tête aux pieds, la dénonciation sert à salir le nom ou la réputation, sans pitié. Le Moi jouit de son ignorance. Il veut jouir. Il veut vengeance du supposé affront proposé par la clinique, affront qui consiste à le castrer symboliquement de son aliénation.
 
Je ne partage pas cette manière de vivre. Il faut réhabiliter le mot honneur pour tous. Dès la deuxième moitié du Xe siècle, l’honneur fait partie des signifiants disponibles aux êtres pour qu’ils puissent s’orienter dans leurs rapports aux autres. Au contraire de ce qui se pense couramment, même chez les analystes, j’estime que le Surmoi est l’agent symbolique de l’honneur au sein de l’appareil psychique. Il signale au Moi quand il dépasse, quand il jouit, au-delà des frontières de son possible.
 
Un homme qui bat une femme, plusieurs jeunes qui, telle une meute de haine – ou de hyène, se sera à la convenance du lecteur –, agressent un seul, nous déshonorent tous.
 
Les enfants souffrent de ne pas avoir un parent digne de ce nom à la maison. Un père avait interdit à son fils de dire « bonjour ! » le matin : « On n’est pas chez les français ici ! ». Et pourtant cet enfant aime être né en France car, en visite au pays de son père, il n’a vu que de la misère et de l’humiliation. Cela me fait penser à une claque symbolique qui m’a été offerte par ma mère lorsque, petit, je lui avais interdit d’entrer dans ma chambre : elle recula et avant de sortir elle dit, avec la douceur assassine qui la caractérise : « Mon fils, TA chambre est dans MA maison ! ».
 
C’est en voyant ces jeunes se montrer si lâches, si étrangers aux valeurs de la France républicaine et laïque, que je remarque l’évolution de la lâcheté au détriment de l’honneur. Des parents donnent des animaux dits de compagnie à un enfant pour s’éviter la responsabilité quotidienne de prendre soin de lui et d’éduquer sa libido. Quelques personnes viennent en France pour la sécurité sociale, la sécurité de l’emploi, pour l’éducation, pour les services de santé mais, en amenant dans leur bagage mental, la barbarie religieuse, politique, sociale. Le Moi, complice des organisations intramoïques, veut toujours l’argent du beurre, le beurre et le viol de la crémière.
 
Un Moi, cette instance d’aliénation, piloté par les organisations intramoïques, écrit ce qui suit sur l’ἀγορά de notre époque : « Je vous partage une expérience vécue avec Madame C., afin d'éviter à d'autres personnes de se retrouver dans la même situation. ».
 
Qui écrit cela ne signe pas de son nom, mais n’hésite pas à salir la réputation d’une dame courageuse. Oui, lecteur, je connais Madame C. car j’assure la supervision de son exercice clinique.
 
Je vous partage une expérience vécue, écrit le prénommé jeanmichel. J’écris ainsi pour que les vrais Jean Michel ne puissent pas être éclaboussé par la lâcheté de cette missive haineuse. L’auteur de ce commentaire n’a pas le courage de continuer sa cure et pour auto-justifier sa vilenie, dit que la faute est celle de l’autre, de la clinicienne en l’occurrence.
 
Cette missive met en place le système de meute évoqué plus haut pour détruire une clinique courageuse, celle de Madame C.
 
Et sans tarder, je propose à cette personne de retourner parler avec la clinicienne et d’associer librement ses pensées au lieu d’agir sa haine.
 
Une expérience vécue, scientifiquement parlant, autorise des conclusions quand elle est poussée jusqu’à son terme. Ce n’est pas en abandonnant le bateau au milieu du fleuve clinique qu’il est possible d’instruire quelqu’un sur l’expérience vécue. Donc, il n’y a pas d’expérience vécue, mais bien, et pour l’instant, abandon sans assomption du courage par l’être à reconnaître la couardise de son Moi.
 
J’ai traversé une psychanalyse. D’un bout à l’autre. Posez-moi une question sur ma psychanalyse et je peux répondre. Il s’agit ici de l’autorité acquise par l’expérience. Je n’ai jamais raté une séance de psychanalyse, je ne suis jamais tombé malade non plus. Ceci est à articuler avec cela. Moi qui tombais malade dès que cela m’arrangeait. Est-ce la vraie expérience ? Est-ce l’unique ? Non, c’est celle que j’ai vécue. C’est celle qui m’a réveillé à la notion de l’honneur tellement rabâchée par les adultes qui m’ont entouré et que je ne voulais pas entendre, arrogant que j’étais. Un des traits du Moi, avec l’aliénation, c’est l’arrogance.
 
jeanmichel écrit : « Madame C. ne fait preuve d’aucune empathie, écoute ou prise en compte des besoins. Elle profite d’un état de vulnérabilité de personnes qui se rendent à son cabinet. Aucune relation de confiance ne peut s’instaurer. ». Et pourtant, Madame C. n’a pas rejeté cette personne, au contraire, elle l’avait invitée à ne pas abandonner la cure.

La personne écrit que « Les séances durent 15 minutes, sont à régler en espèces et aucune facture n’est remise. ». Les séances ne sont pas déterminées par la montre, qu’elle soit de Madame C. ou du Moi de jeanmichel. Qui marque le temps de la séance c’est l’Autre barré qui, avec les signifiants qui tombent tel un fruit mûr, par l’enclos des dents comme écrit le poète Homère, tirent la cure vers l’avant. Si Madame C. était vendeuse de tomates, je demanderais aussi des factures. Mais elle est clinicienne. Cela veut dire qu’elle déclare ce qu’elle reçoit aux impôts. Ce n’est pas nécessaire de prouver qu’elle a reçu l’argent. Sa parole compte. Et si elle ne déclare pas, elle aura affaire aux autorités compétentes. Bien entendu qu’un Moi qui se cache derrière un pseudonyme n’est pas habilité à cette autorité ni à cette compétence.
 
Les factures sont importantes parce que le Moi n’est pas fiable, parce qu’il triche, parce qu’il se dit malade pour ne pas venir travailler tout en voulant toucher sa paye, parce qu’il abuse de la confiance du médecin pour obtenir des arrêts-maladie, parce qu’il utilise les Prud’hommes comme arme.
 
Le psychanalyste porte une parole, une autorité, un honneur. S’il fait une connerie, il doit répondre de ses actes devant les autorités compétentes et non devant le tribunal autoproclamé de la populace internautique. Face à la réactivité haineuse du tribunal des masqués, voilés et pseudonymés qui poussent comme des mycoses dans tous les recoins de la toile et à leurs compétences mobilisatrice aux appels à la vengeance, il nous reste ce que ce nouveau Klu Klux Klan délaisse, comme l’ancien, il nous reste la plume, la parole et notre nom pour dire le courage qu’il faut à madame C. pour ne pas répondre à la demande misérable du Moi du jeanmichel.
 
La personne écrit : « Malgré plusieurs demandes répétées, elle a refusé de me fournir une facture acquittée pour les frais payés. Aucun écrit n’est communiqué (fonctionnement, grille tarifaire, durée des séances, devis, factures…). La séance s’arrête lorsqu’elle le décide, même si cela ne fait que 15 minutes et que vous avez encore des choses à dire. ».
 
La fonction de la plainte est d’installer le Moi dans la position de victime. La rencontre avec un psychanalyste est d’abord et avant tout la construction d’une rencontre avec soi-même. Le cabinet d’un psychanalyste n’est pas un SPA où les grilles tarifaires sont effectivement affichées pour le bien être du client. Une séance avec un psychanalyste c’est une bataille entre les organisations intramoïques et les instances psychiques. Le psychanalyste est là pour éviter que la folie déborde sous forme d’automutilation, de suicide, d’assassinat, de violence faite aux femmes, aux hommes, à la police, aux bandits, aux enfants. La rencontre avec un psychanalyste n’est pas une fiction (« En thérapie » ARTE) ou un bavardage (« Thérapie » Vicetv).
 
La rencontre avec un psychanalyste sort le cadavre du placard, réanime le comateux, met debout le mort. Métaphore.

jeanmichel poursuit dans sa lancée de ses plaintes : « Elle vous pousse à vous engager dans un suivi long, régulier et à revenir tous les jours si possible (toujours pour 15 minutes et chaque séance est à régler au même prix). ». Madame C. met en place un dispositif qui fait écho à la métaphore ci-dessus évoquée. Le Moi de jeanmichel ne le supporte pas ? De toute évidence, non, mais ce n’est pas une raison suffisante pour abandonner jeanmi ! Accroche-toi, vieux ! Profite de la présence de madame C. pour sortir des limbes de ta misérable existence. Tu sais ! Mon Moi était tout aussi petit que le tien. Ça va s’arranger. Du moins, je l’espère, mais seulement si tu décides de retourner sur le champ de ta bataille.
 
Mais, las, il continue sérieusement : « Nous avons convenu d’un point pour s’aligner sur le fonctionnement (validé au téléphone qu'il s’agissait d’un point de fonctionnement et non d’une séance). À l’issue de ce point qui s’est très mal passé, il m’a été demandé de régler une séance. Même chose pour une séance que j’ai annulé (Sic !) en amont pour cause d’empêchement professionnel, elle m’a demandé de régler. Lorsque j’ai demandé de pouvoir échanger sur le fonctionnement et de communication, d’avoir de la visibilité sur le nombre de séance, le budget à consacrer… Elle m’a répondu que j’avais « un trop grand besoin de contrôle ».
 
Et vous avez raison, c’était convenu par votre Moi, cher Jean Michel, mais elle ne doit pas accepter, tout en étant douce. Sinon, la rencontre devient une consultation avec un analyste, ou une psychothérapie avec psychanalyste, voire avec un psy. Elle a raison de tirer la cure vers l’avant, même si votre Moi – je ne m’adresse jamais à la personne qui a écrit cette délicate missive –, n’est pas d’accord ou se braque ou fait un acting-out (c’est ainsi qu’on nomme ce que vous avez mis en place, eh oui, le Moi souvent prend les allures d’un monsieur Jourdain). Elle a bien fait aussi de vous demander de régler les séances. Les analystes et les psys lâches, se sont débarrassé de la confrontation inévitable que peut provoquer une telle sollicitation. Ça m’arrive de descendre dans l’arène pour une telle confrontation imaginaire pour le patient, symbolique pour le clinicien, mais la visée n’est jamais commerciale, elle est toujours clinique. Si elle devient commerciale, la clinique n’est plus.
 
Un psychanalyste ne communique pas, il est dans l’abstention (psychothérapie), voire dans l’abstinence (psychanalyse) de parole. Elle avait dit que vous aviez un « trop grand besoin de contrôle » ? Sachez que si elle a utilisé six mots, elle vous en a évité un de plus.
 
jeanmichel ne vient pas avec le dos de la cuillère quand il écrit que : « Madame C. fait preuve de manipulation et d'humiliation. ». J’estime qu’un clinicien qui fait sa psychanalyse personnelle a un lieu pour jouir de ses volontés de manipuler et d’humilier l’autre. D’ailleurs, la psychanalyse personnelle sert à cela, à ce que le clinicien puisse parler de ses volontés de pouvoir de son Moi pour éviter de jouir dans la séance aux dépens du patient ou du psychanalysant. C’est pour cette raison que j’avais institué au sein du RPH que la psychanalyse du psychanalyste est sans fin, histoire de protéger la psychanalyse et surtout le psychanalysant.
 
Après avoir exprimé ses arguments fallacieux, le Moi de jeanmichel, vise à achever professionnellement sa bête. Il écrit : « J’invite toute personne ayant connu des faits similaires à le signaler à l’ARS, et aux potentiels nouveaux patients de faire preuve d’extrême prudence. ».
 
Eh ! bien ! Moi aussi, jeanmichel. À condition que l’ARS invite patient et clinicien ensemble, dans la même pièce, avec un médiateur désigné par l’Agence, pour une discussion dont je ne doute pas un seul instant qu’elle sera fort instructive.
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