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Explication

 
 
Fernando de Amorim

Paris, le 17 avril 2021
 

Dans la vidéo postée ce jour, 17 avril 2021, par Madame Nemraoui le lecteur pourra y voir un pauvre explorateur, non pas s’emmêler les pinceaux – expression sans relation aucune avec la peinture, mais avec les membres inférieurs d’un corps humain, soit les pieds ou les jambes –, mais bien s’emmêler les fils (ici et ici).
 
Je confirme, ici, que je n’ai nullement fait exprès. Ce qu’il est ainsi possible d’y voir, c’est l’être parlant tâchant de représenter son rapport au Réel. Dans cette tentative, l’être met en scène la manière dont il construit sa réalité, l’autre nom de sa lecture du Réel.
 
Au commencement était le Verbe (Jean 1 : 1), c’est-à-dire, un signifiant par conséquent, non pas une voix (une acoustique), ni non plus l’imaginaire (une image). Le lecteur remarquera que je suis les indications du signifiant en tant qu’« image acoustique » de Ferdinand de Saussure.
 
Au principe c’est un signifiant. Ce signifiant est possible parce que l’Autre barré est là. Primitif certes, mais il est là. Le signifiant est possible chez l’être, pas encore parlant. Je situe le début de cette expérience à 200 000 ans, puisque c’est à cette époque que se date le début de la communication avec des sons complexes chez l’homme moderne. L’imaginaire est donc là.
 
Ainsi, l’être (e), par la voie de l’Autre barré (Ⱥ), parle. En parlant, il – ce « il » n’est déjà plus l’être mais désormais son Moi (a) –, parle par le biais de l’autre (a’), son semblable, sa mère.
 
Dans la vidéo, j’utilise deux feuilles de papier comme à mon habitude : cela montre qu’entre l’organisme et le corps, il y a un espace, un rien que rien ne pourra intégrer. Cependant, pour éviter de le reconnaître, de vivre et de faire exister cet espace, l’être va le boucher avec l’imaginaire.
 
Nous avons donc le Réel, le Symbolique, et maintenant l’Imaginaire. Ces registres sont intouchables, impalpables, invérifiables. C’est ici qu’entrent en scène les amas imaginaires qui constitueront les parties du Moi. Le Moi invente des théories religieuses, scientifiques, délirantes pour s’éviter de souffrir de sa médiocre condition existentielle. Certes il vivote, il vit même, mais pour ce qui est de l’existence… « Passez, muscade ! » En un mot, il ne veut, structurellement parlant, rien savoir.
 
Le Moi est créé par l’être pour éviter l’horreur de reconnaître le manque, le vide, le rien qui l’habite. Rien appartient au Moi mais, aliéné, il ne se gêne pas de dire : « Ma planète, mon pays, mon corps, mon (masculin) épouse (féminin), ma « paire » (lapsus linguae d’un psychanalysant qui évoque un couple d’hommes, tous deux barbus, dont l’un est enceint car biologiquement il est femme) » ; en d’autres termes : mon autre (a’) : « Mon fils » ; voire mon Ⱥutre (Ⱥ) : « Ma langue : « “Parlez-vous ma langue ?” ». En revanche, le Moi (a), ne se dit jamais maître ou propriétaire de l’Autre non barré (A). Le Moi sera servile à l’Autre jusqu’au bout de sa vie. Il peut d’ailleurs payer avec un œil, une statue ou une statuette, voire avec sa vie, pour ne pas céder de cette servilité. C’est la naissance de l’esclavage.
 
Le corps est donc un bricolage du Moi pour envelopper, pour cerner, pour maîtriser l’organisme, expression matérialisée – comme le vent, comme la mort –, du Réel.
 
Dans la vidéo, l’aiguille représente le signifiant seul, le premier, celui qui vient de l’Autre (organisation intramoïque), mais qui sort par la bouche de l’autre (la mère). Ce signifiant entre dans l’organe auditif de l’être – organe qui, avec les yeux et à la fin du premier mois de grossesse, se développe immédiatement après la formation du cerveau et de la moelle épinière –, et donnera naissance à l’imaginaire.
 
Nous avons donc, le Réel de l’organisme, le Symbolique du signifiant, et l’Imaginaire du Moi. Et cela dès le premier mois de vie intra-utérine.
 
Un rassemblement d’organes forge l’organisme, un amas de parties du corps forme un corps humain.
 
Quand l’aiguille-signifiant entre pour la première fois, elle est poussée par l’Autre non barré de la mère. Quand l’aiguille s’avise d’entrer une deuxième fois, elle passe par l’Autre barré. Elle est maintenant un signifiant du départ, plus un signifiant pris chez l’Autre barré. En entrant en contact avec l’organisme, ces deux signifiant se séparent, ce qui donnera :
 
signifiant – organisme – deuxième signifiant ; pour le deuxième tour.
 
Le troisième tour, donnera :
 
« signifiant – sujet – signifiant », à savoir, « le signifiant est ce qui représente un sujet pour un autre signifiant ».
 
C’est ici que je reconnais la générosité de Lacan car, je pense qu’il n’y a pas de sujet à ce moment, il y a le Moi, avec son aliénation, sa haine d’être là, ici dans ce bas monde. C’est pour cette raison qu’il rêve avec la fumette, avec la vie après la mort et de sauter des vierges à gogo.
 
Ma proposition est donc : « signifiant – Moi – signifiant ».
 
Dans cette formule, un premier signifiant (aiguille) ouvre la voie, et il est suivi tout de suite par la chaine signifiante et ainsi de suite.
 
Le sillage laissé par la perforation du premier signifiant et la chaîne signifiante, peut, me semble-t-il, être nommé Bahnung – ouverture ou frayage – freudienne.
 
Pour boucher cette ouverture, le Moi bricolera le corps.
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