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Dès la première claque féminicide (II)


Fernando de Amorim
Paris, le 3 juin 2020

 

Il est fondamental d’éduquer les femmes, les enfants, en leur disant que la violence est interdite. Dans le cas des femmes, dès la première claque, elle se sauve. Si elle ne se sauve pas, c’est parce qu’elle ignore le pouvoir de destruction qui l’anime. C’est ici le point le plus délicat : il y a des femmes qui disent l’avoir bien mérité (la gifle), que c’est de leur faute. Le clinicien doit examiner cela avec la plus grande prudence car, elles ont réussi à matérialiser en la personne de leur bourreau, ce que leur Autre non barré leur adresse comme message.

 

Le passage à l’acte de l’homme indique l’absence du Surmoi symbolique. Le passage à l’acte est la preuve que la résistance du Surmoi a pris le dessus sur le Moi. La violence est telle qu’elle, la résistance du Surmoi, sépare les parties du Moi, faisant en sorte que le meurtre se matérialise.

 

Les hommes ne préfèrent pas « tuer leur compagne plutôt que de la voir échapper à leur contrôle ». Il faut partir du principe que la vie n’est un désir ni pour l’une (la compagne), ni pour l’autre (le compagnon). Des parents divorcés, des parents ensemble mais sans le désir d’y être, n’aident pas l’enfant, garçon ou fille, agressé ou agresseur, à s’approprier la vie et construire son existence. Le Moi de l’assassin n’est pas castré, il ne supporte ni la frustration ni la castration. Personne n’a un contrôle sur l’autre, sauf s’il s’agit d’une pensée délirante.

 

Il est fondamental de préparer les femmes à ne pas supporter la moindre agression. Il est difficile quand des religieux et des sociétés barbares s’installent sur le sol national et traitent les femmes comme des êtres de deuxième classe. Personne ne sait ce qui se passe à l’intérieur de la maison d’un tyran domestique. De la vie sexuelle d’un couple violent n’ont plus.

 

Couple violent : l’expression interpelle. Et pourtant, ma visée avec ce papier n’est pas de salir la mémoire des morts, c’est de prévenir les vivants. Quand un couple n’est pas violent, dès la première claque, dès le premier manque de respect, il faut mettre en marche, sans possibilité de recul, la séparation. Un enfant est mieux avec des parents aimants. Si ce n’est pas le cas, il est préférable être enfant sans un parent qu’être obligé de veiller la nuit pour que « papa ne tape pas maman ! ».

 

Le signalement doit être fait à la police. Tout de suite. On bat le fer pendant qu’il est chaud car, une fois refroidi, le Moi demande pardon, regrette et promet qu’il ne le fera plus, et l’autre partie du Moi acceptera parce qu’elle en tire une jouissance – au sens juridique et au sens psychanalytique – de cette situation.

 

Comment le clinicien peut-il aider le Moi qui se plaint au clinicien ? En indiquant le chemin du commissariat et en examinant l’exigence de punition qui est la sienne, effet de ses organisations intramoïques sur lui. C’est par la castration que le Moi pourra regarder l’agresseur comme ce qu’il est, à savoir, « tout petit », comme avait dit une excellente gendarme. D’ailleurs, rien de mieux que les gens du terrain pour bien-dire : quand il [l’assassin] a pénétré dans le bureau, Lucie Bauer [la référente « violences intrafamiliales (VIF) au sein de la gendarmerie] s’est d’abord dit « mais il est tout petit ». Et la journaliste Z. Dryef d’écrire : « Elle sait très bien que l’on n’a pas besoin d’être grand pour être violent, mais les récits de Laetitia [le prénom a été changé par Madame Dryef] lui ont donné la forme d’une ombre massive et dévorante, une ombre immense. ». Cette ombre c’est ce que voit et vit, le Moi de Laetitia. Confrontée à la réalité qui est la sienne et non celle de Laetitia, elle peut actualiser son imaginaire et arriver à sa conclusion : « …il est tout petit. ».

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