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Des confitures aux ...


Des confitures aux…

IIIe brève

(et dernière sur cette affaire)

Fernando de Amorim
Paris, le 17 mars 2021

Le débat sur « L’Appel contre les pratiques médicales » n’a pas inclus les psychanalystes. J’avais signalé cela dans ma brève numéro II. La raison me semble logique. La société peut compter avec la psychanalyse, et c’est ce qu’elle fait, de toute évidence. Cependant, jusqu’à présent, la société n’a pas encore pu compter avec le psychanalyste. Ils sont inexistants. J’entends par là quelqu’un qui occupe la position de psychanalyste à part entière et non pas qui se présente comme psychanalyste quand cela arrange son narcissisme ou quand ça lui chante.

En revanche, des analystes, on en a à l’appel !
Après la lecture des remarques dans le « Lacan Quotidien », n° 918, mon sentiment est que la psychanalyse vive, vivante, féline, joyeuse est bien là, mais il manque des courages pour la porter. J’espère sincèrement me tromper. Je me trompe quelque part. Sûrement.

Je suis attentif à la situation sociale de notre pays. Pas craintif, ni non plus aux aguets. Éveillé aux événements, c’est la formule. La situation est explosive et l’unique discours qui fait autorité est le discours freudo-lacanien car il castre et donc apaise. Pendant que le Moi gonfle à vue d’œil, les discussions des « études chiffrées » ne font pas encore l’affaire. La question pour le mammifère humain est d’être, d’être parlant, si possible, même d’être désirant. Les demandes de changement de sexe, d’être opprimé, d’être bisexuel, d’être sexuel, il est important de les écouter à condition de ne pas oublier la jouissance apportée par la plainte et la visibilité narcissique qu’elles charrient avec elles.

Les études chiffrées seront les bienvenues – loin de l’auteur de ses lignes de contrarier le Moi de quiconque – à partir de la clinique psychanalytique, celle-là même qui est absente d’un bout à l’autre de l’Appel et du document évoqué ci-dessus.

Où sont-ils, les psychanalystes ? Existent-ils au moins ?

Pour répondre à cette question, je me suis dit qu’il fallait affiner le processus de sortie de psychanalyse. Je me suis dit aussi que la psychanalyse du psychanalyste est sans fin, histoire de protéger la psychanalyse, mais surtout le psychanalysant, du Moi de l’analyste.

Analyste ! le mot est lâché. Psychiatre-psychanalyste, psychologue-psychanalyste. En d’autres termes, un mi-analyste. Un mi-analyste est un Moi, taille nain de jardin, armé d’une épée de bois, et de fléchettes en plastique, torse bombé – le genre n’est pour rien dans l’affaire comme disait Brassens – pour aller écouter la souffrance des êtres qui agressent, tuent, volent, trafiquent. Ce n’est pas votre pratique ? Les gens qui viennent vous rendre visite sont habitués aux séances lacaniennes, lisent Freud, parlent Dolto ? Zut, pardon. Je me suis trompé de porte.

Je pensais avoir affaire au Freud de Katarina et Anna, au Lacan de Jean Clavreul et de Françoise Giroud. Ce sont ces deux Messieurs que je sers depuis quarante ans, parce qu’ils servaient la psychanalyse, et parce que cette dernière m’a permis de construire un goût de vie, et ensuite d’exister.

J’ai passé des années, en tant que psychanalysant, à examiner la position de l’analyste. Ma conclusion est qu’elle est creuse. Personne ne l’occupe. Pas de corps érogène dans l’air. C’est du semblant de vie, c’est du symptôme maquillé en position clinique, c’est de l’arrangement libidinal entre le Moi et ses organisations intramoïques pour ne pas être contaminé par le signifiant venu de l’Autre barré et qui ne veut que se représenter. Il faut lire l’objet a comme le rien, la place du mort comme une identification cadavérique pour quelques-uns. Il n’y a pas de psychanalyse en tant que discours désirant à des kilomètres à la ronde chez ceux qui se disent analystes. Ce que, nul doute, ils sont.

J’attire l’attention que, au contraire de la formation universitaire, de psychiatre ou de psychologue, la position de psychanalyste est un examen et une mise à l’épreuve à chaque séance. Forger sa position de psychanalyste exige une psychanalyse personnelle soutenue, des études très poussées, une clinique quotidienne fournie et un désir de s’engager à être du côté de la castration et non de la jouissance. Qui a déjà joui dans sa vie et a fait le tour dans une psychanalyse, une vraie, ne s’intéresse plus à cela. La castration c’est le pied.

Loin de moi l’idée de contester la compétence du Moi des uns et des autres. Ma tristesse –fausse, cela va de soi –, vient du sentiment que la confiture est gâchée. Et c’est cela qui est servi par les mi-analystes à celles et ceux qui leur rendent visite et les payent : de la confiture avec de la merde.

De là mon idée qu’une fois sortie de psychanalyse – au contraire de ce que défendait Lacan, je pense qu’à la sortie d’une psychanalyse nous avons un sujet et non un psychanalyste –, le psychanalysant qui désire occuper la position de psychanalyste témoignera publiquement, avec ses collègues de son école et quelques βάρϐαρος, c’est-à-dire, des membres d’une autre
école. L’intention est que le psychanalysant qui désire occuper la position de psychanalyste, puisse honorer cette dernière, non en retournant tous les cinq ans comme l’avait proposé délicatement Freud, mais qu’il continue sa psychanalyse, point final. Ce n’est pas de l’autoritarisme, c’est de l’autorité. C’est le psychanalysant qui parle le mieux de ce qu’est la traversée d’une psychanalyse. C’est le psychanalyste qui pourra la défendre en société. Mais pour cela, il se doit de ne pas quitter le divan, sans autre intention que de savoir de quoi il parle.
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