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De la distinction entre fantasme originaire et fantasme fondamental


Fernando de Amorim
Paris, le 12 décembre 2022

 

Introduction

 

Le fantasme originaire de Freud n’est pas le fantasme fondamental de Lacan. Freud fait référence au fantasme de la scène originaire, au fantasme de séduction et au fantasme de castration. Il s’agit de moments où l’être (e) ne peut pas encore compter avec le Moi (a) pour savoir en quoi ces fantasmes, originaires et fondamentaux, le concernent. Pourtant, ces moments sont la base de la vie du Moi. Les traverser requiert le temps qui est nécessaire à la construction de l’existence du sujet. En d’autres termes, pour accéder à l’être il faut passer par le Moi ; pour construire les fantasmes originaires il faut passer par le fantasme fondamental.

 

Chez Lacan, le fantasme fondamental fait référence à l’invention que le Moi a mise en place pour se dépatouiller avec ses moyens, imaginaires, du Symbolique qui se présente à lui et qu’il ne sait ni lire ni exploiter dans sa vie quotidienne. Le fantasme fondamental est une invention imaginaire visant à lire l’Autre non barré (A).

 

Le fantasme originaire est une construction symbolique, du psychanalysant, pendant la cure. Sa traversée signe la sortie de psychanalyse. Il n’a pas l’assise symbolique, qu’il est possible de trouver grâce à l'invention dans le fantasme fondamental. Le fantasme originaire n’a aucune assise symbolique car, en venant au monde, l’être humain, pas encore être parlant, est dépourvu de tout. C’est l’être et le Réel. Rien de plus. Quand il y a un plus c’est l’Autre barré (Ⱥ) et l’Autre non barré (A) qui l’accueillent en lui donnant le sein, le regard, la voix, la toilette.

 

Le fantasme originaire est la construction, à partir du Symbolique et dans une psychanalyse – ce qui suppose que l’être va piocher des signifiants chez l’Autre barré (Ⱥ) –, du premier moment dans la vie du Moi, incarné par le nouveau-né et son acolyte, l’Imaginaire, dans une tentative désespérée de s’informer du lieu où il vient de tomber. L’être, et non le Moi, construit une histoire qui lui est propre à partir du vol des signifiants effectué chez l’Autre barré (Ⱥ). La traversée de cette histoire signe, si elle est validée, la sortie de psychanalyse.

 

Le fantasme fondamental chez Lacan est une lecture du Moi, à partir de sa réalité, du désir de l’Autre non barré (A). La preuve en est la référence, par Lacan, à l’article Un enfant est battu, de Freud.

 

 

L’objet rien ({})

 

Le fantasme originaire est une lecture symbolique de l’être, et non du Moi, du Réel vécu par lui, l’être. L’être vise ici, et grâce à sa construction en psychanalyse, une interprétation symbolique de la pulsion et de son impossible accomplissement.

 

Dans le fantasme fondamental, l’objet a se présente comme un des premiers représentants de cet objet impossible d’accès à l’être et qui est le rien. L’objet a est donc un des premiers représentants, symbolisé par le Moi, de l’objet rien. Le lecteur remarquera que je le mets ici dans un statut d’objet à part, d’objet princeps. L’objet rien est avec l’être une fois que ce dernier est né, preuve que rien n’accroche l’être à la vie. Le rien le portera debout une fois qu’il commencera à marcher. Ce rien est représenté par la voûte plantaire. J’y reviendrai.

 

Les objets a, ce sont des représentants de l’objet rien ({}). Rien ne représente l’objet rien.

 

Dans le fantasme originaire, il s’agit d’un fait, d’une construction en psychanalyse, d’un fantasme construit en psychanalyse, pour être traversé symboliquement.

 

Le fantasme fondamental ne se réfère pas à l’origine mais au langage. Le fantasme originaire quant à lui, fait référence à l’inaccessible structurel pour l’être du Réel : son origine en tant qu’être, l’apparition de la sexualité et la différence des sexes.

 

Le fantasme originaire se réfère au rapport, donc à l’impossible, de l’être au Réel. Ce rapport est porté par l’objet rien.

 

Le fantasme fondamental se réfère à la relation du Moi à l’Autre non barré (A). Cette relation est portée par l’objet a, la voix en tant qu’appel, ainsi que d’autres dérivés de la demande et de la plainte adressées à l’Autre non barré (A), tel que le regard, le sein, les excréments.

 

Le fantasme originaire n’est pas structuré, le fantasme fondamental, lui, est structuré par le langage et la parole.

 

Le fantasme fondamental, si le Moi est en psychanalyse, amène ce dernier, le Moi, vers le fantasme originaire, si l’être est d’accord de se désengager de sa solidarité avec l’instance d’aliénation et de s’allier à l’Autre barré (Ⱥ). Le fantasme originaire va vers la transformation de la pulsion en désir et de ce dernier en éthique.

 

Dans le fantasme originaire, le rapport entre la pulsion et le verbe accouche de l’éthique du sujet. À ce moment d’une psychanalyse, il n’y a pas de place pour le fantasme fondamental, pris structurellement dans une relation du Moi à l’Autre non barré (A) et au désir, mais pour la castration de la pulsion, l’autre nom de la reconnaissance par l’être que sa vie trouve sa base sous la voûte plantaire. Au centre la voûte plantaire se trouve le rien et autour, les objets a, indiquées par Freud et Lacan.

 

À la sortie d’une psychanalyse, le fantasme fondamental ne signifie pas la castration de l’être devenu sujet mais la castration de l’Imaginaire.

 

Ce qui porte le corps debout, c’est le rien, de là ma référence à la voûte plantaire. Autour d’elle, se trouvent les objets a. Mais c’est un espace vide qui porte tout le corps.

 

C’est à partir de la reconnaissance du vide que l’être pourra construire sa Durcharbeitung.

 

Pour conclure

Le fantasme fondamental est déjà élaboré par le langage et la parole, en d’autres termes le fantasme fondamental est porté par le signifiant. L’Autre, qu’il soit barré ou non, est à ce rendez-vous avec le Moi. Le fantasme originaire est porté par l’objet rien, en d’autres termes tout est à construire par l’être pour ce qui concerne son existence. S’il est possible de supposer la présence de l’Autre barré ou non, ici pour l’être il n’en est rien. Il est seul, il est nu. Un enfant qui fait bip ! bip ! pendant une séance évoque un fantasme fondamental où il exprime sa présence dans le monde quand, prématuré, il entendait ces machines qui le maintenaient en vie. Le fantasme originaire signe un moment où l’être n’était pas là pour signaler quoi que ce soit sur quoi ce soit : ni concernant l’introduction de l’Autre dans sa sexualité, ni pour le choix biologique de son sexe, ni même pour sa condition d’être humain. Rien, il n’est pour rien, il n’est rien, il est à devenir. De chose il passe à objet et, grâce à l’Autre, il devient. Une telle impuissance structurelle mérite une vengeance à chaque battement du cœur. Une psychanalyse vise à déjouer cette pulsion de mort, voire à la ralentir, par la Durcharbeitung. Pour ce qui est de l’instinct de mort, l’être l’accomplit chaque jour.   

 
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