Accueil > Les brèves > Ce que les psychanalystes apportent à l’université (III)

Ce que les psychanalystes apportent à l’université (III)


Affirmer que « la psychose est une pathologie grave », (p. 37), me pousse au désaccord : la psychose n’est pas une pathologie grave, c’est une forme structurelle de lire le Réel. Ce qui est grave, c’est d’ignorer la distinction entre le Moi psychotique qui souffre et la structure psychotique.

À la page 43, une question se pose : « Qui suis-je ? ». Je tiens à signaler aux auteurs qu’ils ont affaire à une question loin d’être anodine. Il s’agit d’une question qui ne se pose pas à la légère. C’est une question avec laquelle, et grâce à Hamlet et Lacan, j’ai réussi à justifier le passage, si la vérification est positive, du fauteuil vers le divan, c’est-à-dire de la position de patient à celle de psychanalysant.

C’est cela que je constate dans ce livre : des personnes désirantes sans boussole. Comment construire sa boussole ? En retournant sur le divan. C’est la position de psychanalysant qui authentifie la position de psychanalyste. Et pour avoir une vraie réponse, il faut avoir une vraie construction, à savoir, avoir réussi sa sortie de psychanalyse et de continuer sa psychanalyse, telle est ma proposition.

Comment parler de psychanalyse, de psychanalyste, quand on défend, l’idée que « chacun de nous hérite des idéologies filiatives parentales (culture, valeurs, histoire …), mais aussi des liens intrafamiliaux transgénérationnels », (p. 44) ? Tout cela est trop vaste, trop flou. Comment faire psychanalyse, comment faire science avec des voix si disparates ? Peut-on être pris au sérieux par nos détracteurs en révélant autant de dissonance ?

Évoquer la « configuration psychique et sociale », (p. 44), sans un mot sur les parents, les parents pris dans la position de majeurs… et non d’adultes, coupe toute possibilité de construction de la position de sujet, et maintient l’être dans la position d'objet, voire de chose. La perspective des auteurs nourrit l’aliénation propre à tout ce qui est proposé à l’être sous le faux nom de psychanalyse. De là, l’évocation de « psychanalystes groupalistes ». Ici, un pas est franchi vers l’abîme existentiel de ces êtres en errance épistémologique.

À la page 46, deuxième citation de « vivre ensemble ». À la page 47, une publicité sur les pays musulmans…

Il faut être vraiment innocent, ou aliéné, pour croire à cet oxymore d’un « Islam déculturé, déconnecté de ses marqueurs régionaux, des historicités, qui s’est alors exporté massivement dans les pays occidentaux », toujours à la page 47. Pour certains croyants celui qui n’est pas de leur tribu est un mécréant ou indigne d’y être sans payer avec la livre de chair. Je pense à cette pratique barbare de couper le prépuce des petits garçons. Il faut distinguer une religion d’une idéologie religieuse. La première est discrète, et concerne la recherche d’apaisement du Moi, la deuxième bannit l’autre. Une vraie religion est portée par la miséricorde et non par la volonté de tuer ou d’exclure ceux qui ne s’inclinent pas devant le Dieu méchant.

Continuer encore aujourd’hui à parler des « enfants issus de l’immigration », (page 48), est condescendant et voile la haine du majeur, celui à la maison ou à l’Université, envers le jeune français. Ce mépris n’aide pas ces enfants à se sentir chez eux. Déjà aux prises avec un conflit de loyauté avec les majeurs, ces brutes domestiques – je vise ici leurs parents et leur idéologie religieuse, qui vivent comme s’ils étaient toujours au bled –, ces enfants doivent en plus se heurter au dédain froid des psys.

Ils sont français, ces jeunes. Ils ne le savent pas mais ils sont français. C’est ailleurs pour cette raison qu’ils haïssent tellement le pays qui ouvre pour eux une lueur d’avenir. Le lecteur comprendra que je vise ici le Moi.

Pour faire une remarque générale à la conclusion, (p. 50), je dirai que le psychanalyste peut prévenir avant le passage à l’acte car après le passage à l’acte, l’affaire prend une autre tournure (policière et juridique).

Mais même dans ce genre de situation, rien n’empêche le psychanalyste d’intervenir si l’assassin le souhaite. Après la lecture du texte, une question s’impose : avec ces interprétations sans écoute, sans transfert, sommes-nous toujours dans le champ de la psychanalyse ?

Est-il possible d’examiner « l’expression profonde de l’acte » en se basant sur « l’analyse du comportement » (p. 51) ? Une approche psychanalytique, je mets l’accent sur le mot « approche » est insuffisante face au criminel et à la victime. Il faut plus que cela pour accéder au cœur de l’affaire, il faut de l’intimité avec les organisations intramoïques.

Un criminel, comme une victime, ne sont pas dans la position de « sujet », (p. 53). L’usage de ce mot est inadéquat dans cette situation. Il faut faire un 180° pour que le Moi interpelle ses organisations intramoïques ; il faut même une intervention directe du clinicien dans la position de Ⱥ’ (grand Autre prime), visant les organisations intramoïques, pour que la position du sujet puisse se construire.

Face au criminel et à la victime, la position de psy, de psychologue, de psychothérapeute, de psychiatre, d’analyste, sont loin du compte, du point de vue clinique.

En faisant appel à la clinique psychanalytique « contemporaine » et à une « métapsychologie renouvelée », (p. 54), je me suis demandé à qui les auteurs faisaient référence.

Ce texte est le seul à évoquer, si mes souvenirs sont bons, ces bricolages de praticiens amateurs nommés « état-limite ». Je constate que, dès que le praticien est dans l’embarras, et qu’il sort un peu du lot, il invente de nouveaux mots, concepts, entités nosologiques. Dans n’importe quelle discipline, une hypothèse évoquée est travaillée, secouée jusqu’à l’épuisement clinique. Si cela tient la route, elle reste, si elle n’a pas de valeur, elle est éjectée. Chez les psys, la puissance idéologique, la publicité, le copinage, font en sorte que des concepts restent là, à trainer dans l’air des couloirs des universités et des bouches vides. Dès qu’un auteur ne sait pas quoi dire. Etat-limite, psychosomatique, résilience, font partie de ces mots creux utilisés sans consistance clinique, mais surtout par absence de consistance clinique de celui qui l’utilise. De là, l’importance d’un retour rapide sur le divan.

Un mot en psychanalyse est un coup de rame. Il donne une orientation vraie, matérielle à la destinée du bateau clinique, bateau qui transporte le psychanalysant et le supposé- psychanalyste, sauf s’il s’agit d’un psy qui donne des instructions du haut de la falaise, pendant que le psychanalysant brave la tempête ou supporte l’accalmie.

Enfin, je situe le défaut de mentalisation plutôt du côté du psy que du côté de celui qui souffre. Evoquer « certains concepts et certaines pratiques », (p. 56), n’indique nullement ce qu’apporte le soi-disant psychanalyste ni à l’université, ni ailleurs. C’est bien beau de parler d’« idéologue ignorant », (p. 57), comme d’évoquer « la fécondité psychanalytique », (p. 57). Mais sans apporter la preuve matérielle, ou d’apporter une preuve imaginaire telle « l’analyse des phénomènes groupaux », (p. 57), ne grandit pas la science psychanalytique. Je pense même que cela montre un niveau d’amateurisme clinique et théorique affligeant.

Des formules telles que « Fécondité de la psychanalyse, créativité psychanalytique », (p. 57), sonnent plus comme une incantation, une propagande, une suggestion, une technique de dressage pour convaincre le Moi, qu’une opération propre à la psychanalyse, la vraie.

Parler de « psychologues à l’hôpital », (p. 61), « et de la psychologie clinique d’orientation psychanalytique », dessert la clinique du psychanalyste à l’hôpital. Le psychanalyste, lorsqu’il intervient en institution, est toujours, il ne peut en être autrement, dans la position du psychothérapeute.

Nous écrire
Les champs indiqués par un astérisque (*) sont obligatoires