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Ce que les psychanalystes apportent à l’université (II)


J’écris dans la position de psychanalysant et de scientifique et non de celle de chercheur car, dans la famille des chercheurs, il y a ceux qui cherchent pour ne pas trouver. Je ne veux pas être associé à ces derniers. Comme disait Picasso : « je ne cherche pas, je trouve ! ». Loin d’être une formule arrogante, elle indique que pour trouver, une période de travail intensive s’impose.

Le « champ psychanalytique », (page 17) me parle. Enfant de la campagne, amis des agriculteurs, le mot « champ » n’est pas un mot anodin. Le champ psychanalytique est fertile, et pourtant, je ne vois pas un seul cultivateur à l’horizon, aucun éleveur dans cet ouvrage.

La psychanalyse, c’est de la confiture… Le lecteur reconnaîtra le dicton.

Les auteurs de ce livre ont en  leur possession l’accès à l’université, aux étudiants et qu’en font-ils ? De la publicité, du marketing pour la psychanalyse, bien sûr, mais, c’est une réclame. J’attends davantage d’eux. J’attends qu’ils mettent en place une formation clinique solide pour que ces jeunes étudiants puissent savoir conduire des cures à la sortie de leur formation. Cela, ne sera jamais possible avec la seule formation de psychologue, ils doivent s’engager véritablement à installer la psychanalyse à l’université. Pour cela, il faut, dès l’arrivée des étudiants à la faculté de psychologie, séparer ceux qui veulent devenir des cliniciens des autres. Pour les premiers, il faut établir un programme propre à la formation clinique spécifique à la psychanalyse. Ces étudiants doivent savoir que, pour devenir clinicien, il faut une psychanalyse personnelle, recevoir des patients, ainsi qu’étudier in extenso l’œuvre de Freud, de Lacan, et de quelques autres.

Parler de « méthode psychanalytique » (page 17), ne rend pas à la psychanalyse ce qui lui appartient. La méthode, avec les techniques, font partie de ce que j’appelle la science psychanalyse. Le manque d’ambition des analystes, à l’université et ailleurs, dénigre la science de Freud. L’époque molle que nous vivons fait appel, inévitablement, à des formules molles. À la page 18, je trouve le « vivre ensemble ». Ce n’est pas le « vivre ensemble » qui pose question, même s’il y a des gens avec qui je n’aimerais pas expérimenter ce vivre ensemble. Ce qui me pose problème, ce sont les guillemets. La psychanalyse ne supporte pas les guillemets. Elle parie sur le bien dire. Pour exiger ce bien dire du patient, l’enseignant à l’université se doit de montrer la voie, celle du divan. Est-il disponible de céder sa position de maître pour occuper celle de psychanalyste toujours psychanalysant à l’université et ailleurs ? Où est la psychanalyse quand le discours évoque la « société capitaliste marchande » ? (page 19). La psychanalyse peut contrer l’aliénation sociale en proposant des consultations à l’université pour des étudiants, pour la population environnante, consultations assurées par les jeunes cliniciens comme nous faisons à la consultation publique de psychanalyse (CPP). Si la CPP est une réussite clinique, économique et sociale depuis 1991, pour quelle raison en irait-il autrement si l’expérience était portée par les universitaires ?

Les « institutions » ne font pas appel aux psychanalystes comme il est écrit (page 20), mais à des psychologues ou des psychiatres contaminés par quelques éléments de la clinique ou de la théorie psychanalytique. Cela ne fait pas d’eux des psychanalystes. C’est ce que j’appelle une publicité mensongère pour la psychanalyse. La dignité de l’homme ne naît pas avec une quelconque « volonté », (page 21).

Dans ce paragraphe, il est question de « singularité », de « subjectivité », mais le singulier et le subjectif ne tombent pas du ciel. Ils sont fruits d’une construction à partir du désir et le désir n’est pas présent, ou peu, dans ce texte. Les pratiques « psychiatriques » sont évoquées, ainsi que « les prises en charge éducatives et psychopédagogiques », (page 21). Et pourtant, pas un mot sur celle qui porte, voire appuie l’exercice de ces professionnels, à savoir, la psychanalyse. Il me semble injuste, d’un point de vue éthique, et malhonnête intellectuellement de ne pas l’évoquer. Je ne pense pas qu’ils font cela volontairement. L’important à remarquer, malheureusement, c’est qu’ils le font. Il faut rectifier cette injustice envers la psychanalyse.

Accuser l’institution d’« effet iatrogène », (page 21), me semble fort en café. Comment peut-on être pris au sérieux, en faisant usage de mots, dont, de toute évidence, on n’assure pas la portée ?

À propos de l’analyse de groupe, (page 21), ça me fait penser à un thé pris avec Gennie Lemoine chez elle, un samedi après-midi. Elle m’avait dit, Édith était présente, que les analyses de groupe allaient toujours « droit dans le mur ». Et cela, parce qu’inévitablement « l’analyse de groupe renforce l’imaginaire », selon elle. Formule avec laquelle je suis encore d’accord aujourd’hui.

À la page 23, les auteurs parlent de « défaut de symbolisation », de « pratique clinique », de « médiation », de « cothérapie », et surtout de, « etc. ».

Où est le psychanalytique ?

La psychanalyse, n’est pas une pratique, elle est une clinique, soutenue par une théorie solide, malléable certes, mais solide. Une « pratique clinique », c’est l’autre nom d’une bête à cinq pattes, un bricolage de laboratoire. La vraie médiation, (page 24), en psychanalyse, vient de l’Autre barré (Ⱥ), le grand Autre barré. Tout autre tentative portée par l’imaginaire ira dans le mur. Le « dispositif psychanalytique », (page 24), fait partie des composants de la bête à cinq pattes, évoquée il y a quelques instants. Puis-je savoir le gain pour la psychanalyse dans la mise en place de ce dispositif ? Les gains pour les étudiants ? Pour les analystes eux-mêmes ? Pouvons-nous toujours parler de psychanalyse ? Aurons-nous de la psychanalyse à l’horizon avant la fin de l’ouvrage ? Patience. Nous ne sommes qu’à la page 24.

Un dispositif dit psychanalytique qui ne respecte pas les techniques, la méthode, la mise en place et la manutention du transfert, concerne-t-il toujours la psychanalyse ? Un Saint Emilion mélangé à l’eau du robinet est-il toujours un Bordeaux ? Un professeur de psychopathologie clinique, tout aussi compétent soit-il, est-il pour autant un psychanalyste à l’université, (page 26) ?

Il me semble fondamental de revoir notre copie de ce qui est appelé la formation et la transmission de la psychanalyse. Est-il possible de transmettre la psychanalyse ? Bien évidemment ! À l’université ? Sans doute. À condition de mettre en place un dispositif où les étudiants désireux de devenir des cliniciens puissent commencer à recevoir des patients, dès qu’ils commencent leur psychanalyse personnelle. Comme nous le faisons au sein du Réseau pour la psychanalyse à l’hôpital (RPH). Si cela fonctionne chez nous, pourquoi pas chez eux.

Pour cela, il faut la constitution d’une commission pour mettre en place les critères qui vont constituer une telle formation. Cela se fait ensemble, pour la psychanalyse, et non d’une manière partisane, voire sectaire. Des formules telles que : « inspiration psychanalytique », « concepts psychanalytiques », « thérapies psychanalytiques », « rigueur scientifique » et tant d’autres, (page 27), sonnent creux. Toute substance – dans le sens d’Aristote – dans ces formules… envolée, toute vie, éteinte. À la page 33, il est dit que les structures sont immuables (la psychose, la perversion). J’affirme que le narcissisme, propre au Moi peut être dégonflé, c’est l’espérance qu’apporte la psychanalyse à la misère humaine.

Quand nous trouvons comme titre « Psychanalyse et clinique transgenre : questions psychothérapeutiques » (page 35), je ne peux que m’étonner. Comment est-il possible de mélanger les registres à ce point et penser que les adversaires de la psychanalyse pourront nous épargner ? J’invite les auteurs à passer un coup d’œil à la cartographie que j’avais nommée : « cartographie du RPH ». Ils trouveront une distinction entre psychothérapie avec psychothérapeute, psychothérapie avec psychanalyste et psychanalyse.

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