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APPENDICE UTILITAIRE

Fernando de Amorim

Paris, le 9 décembre 2019

 

 

À la fin de sa vie, Freud écrivait qu’« Il est incontestable que les analystes n’ont pas complètement atteint, dans leur propre personnalité, le degré de normalité psychique auquel ils veulent faire accéder leurs patients ». Ils n’ont pas complètement atteint parce que ce n’est pas possible d’atteindre complètement. Cette exigence est de l’ordre de l’impossible. Qu’est-il possible d’atteindre ? Qu’ils deviennent aujourd’hui des psychanalystes, c’est-à-dire qu’ils continuent leur propre psychanalyse.

 

S’ils veulent faire accéder leurs patients à un degré possible de normalité psychique, il faut d’emblée signaler qu’ils n’ont aucune autorité pour le faire si eux-mêmes, qu’ils soient de formation psychologique ou psychiatrique, ont abandonné leur psychanalyse personnelle. Ce qu’ils font aujourd’hui dans leur pratique d’analyste, c’est d’envoyer au casse-pipe ceux qui les payent. Ils donnent des instructions de navigation maritime tout en restant au sec. Pas très courageuse comme démarche.

 

Pour sortir de cette impasse, j’ai voulu continuer ma psychanalyse personnelle depuis ma première sortie de psychanalyse en 1991, et j’avais représenté une psychanalyse comme une navigation dans des eaux « jamais encore sillonnées », comme écrit Camões dans « Les Lusiades » (Chant I : 2).

 

La Mens sana de l’analyste – « mens sana in corpore sano » (Juvenal, Satire, X) – n’est pas au rendez-vous de la clinique psychanalytique. Pour l’instant. Bien évidement je n’espère pas me faire des amis avec cette invitation à ce que tous les analystes retournent sur le divan et qu’ils ne le quittent plus, jusqu’à leur retraite. Mais pas des ennemis non plus.

 

À quel moment l’analyste s’est-il éloigné du désir ? À partir du moment où il a cru que la formation du psychanalyste se soutenait de l’analyse didactique, de l’analyse de contrôle et de la formation théorique, de psychiatre ou de psychologue. Ces trois pieds accouchent d’un analyste, pas d’un psychanalyste. Il faut donc revoir la copie de la formation du psychanalyste. Ma proposition est freudienne, à savoir, que le psychanalyste continue sa psychanalyse personnelle après la première sortie de psychanalyse.

 

Le trépied évoqué plus haut de pousser la cure jusqu’à son terme est insuffisant. La preuve en est que pour Lacan, à la sortie d’une psychanalyse nous avons un psychanalyste, or, je pense qu’à la sortie d’une psychanalyse, nous avons un sujet (Cf. Cartographie in http://www.rphweb.fr/details-proposition+d+une+cartographie+de+la+clinique+avec+le+malade+le+patient+et+le+psychanalysant+a+l+usage+des+medecins+psy-140.html). Beaucoup des personnes encore aujourd’hui se disent « psychanalystes », mais en prenant soin d’ajoutant avant, leur diplôme universitaire : psychologue, psychiatre ou médecin. Occuper la position de psychanalyste est, pour eux, une sorte d’appendice utilitaire. Le moment est venu de proposer une autre lecture de ce qu’est un psychanalyste et en quoi consiste sa formation.

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